ב״ה
L’idolâtrie
du pain en forme de clef
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Chaque
année, de nombreuses femmes Juives s'adonnent à un Minhagh
`ashkanazi consistant à placer une clef à l'intérieur de la pâte
d'une miche de pain qu'elles vont cuire. Ce Minhogh est connu sous le
nom de « Schlussel Halloh »
(« Schlussel », de l'allemand « Schlüssel »,
qui signifie « clef », combiné au mot Hébreu
« Halloh », qui désigne
communément un pain consommé à l'occasion de Shabboth et Yôm Tôv.
Voir cependant l'article intitulé « Le
mythe des Hallôth de Shabboth » où nous avions vu que
ce terme n'était pas approprié pour désigner ce pain). Bien que la
plupart du temps une clef métallique est placée dans le pain,
d'autres donnent plutôt au pain la forme d'une clef ou placent des
graines de sésame sur le pain en leur donnant une forme de clef.
Dans certaines communautés ashkénazes, les femmes se rassemblent
même entre elles avec la croyance commune que cuire une Schlussel
Halloh permettra à leurs foyers de mériter des bénédictions, et en particulier dans le domaine financier et matériel. Récemment
s'est même développer un nouveau Minhogh consistant à cuire une
Schlussel Halloh pour le « mérite » d'un malade,
afin de l'aider à se remettre de sa maladie ou d'un traumatisme
physique. Mais d'où provient une telle pratique ?
Cuire
une clef à l'intérieur d'un pain est une pratique non juive qui
tire ses fondements dans le christianisme, qui lui-même en a hérité
de cultures païennes antiques. Les clefs étaient traditionnellement
fabriquées sous la forme d'une croix, le symbole du christianisme
que l'on pouvait retrouver dans tous les foyers chrétiens. À
Pâques, la fête chrétienne qui célèbre la résurrection de
Jésus, les Chrétiens cuisaient le symbole de Jésus dans ou sur une
miche de pain fermentée. C'était non seulement un geste religieux,
mais le pain était également une gâterie particulière de la fête.
Parfois, ces pains étaient entièrement cuits sous la forme d'une
croix, et d'autres fois on faisait une croix avec de la pâte que
l'on appliquait ensuite sur le dessus du pain. Quant à la clef
placée à l'intérieur du pain, il n'y avait là rien d'étonnant
puisque la clef elle-même était intrinsèquement un symbole du
christianisme et représentait Jésus « se levant » (ou
« ressuscitant ») dans la pâte.
Des
pratiques similaires existent encore de nos jours dans le monde
chrétien, comme par exemple au Mexique où une figurine représentant
l'enfant Jésus est cuite dans de petits gâteaux. Souvent, l'enfant
qui la retrouve gagne un prix. Cela existe aussi aux États-Unis :
dans l'état de Louisiane, à partir du Mardi Gras et jusqu'à trente
jours plus tard, des jouets en forme de l'enfant Jésus sont cuits
dans un gâteau entier et quiconque en trouve dans son morceau doit
acheter le gâteau du lendemain. En Espagne, il existe une tradition
consistant à placer une petite poupée de Jésus à l'intérieur
d'un gâteau et quiconque la retrouve doit l'apporter à l'église la
plus proche le 2 Février, date de la chandeleur,
qui commémore la présentation de Jésus au Béth Hammiqdosh de
Jérusalem.
Les
Juifs qui ont copié cette pratique ont la coutume de cuire une
Schlussel Halloh chaque année lors du premier Shabboth qui
suit la fin de la fête de Pasah. De nos jours, même des
femmes séfarades ont commencé à adopter cette ´avôdhoh Zoroh en
raison des mélanges et interactions toujours plus grandes entre
`ashkanazim et Safaradhim. Pourquoi cette pratique est-elle observée
à ce moment-là précisément ?
Dans
le monde chrétien, les aliments cuits associés aux clefs sont
communément appelés « pains de Pâques » ou « pains
pascals », en référence au fait que Jésus est considéré
dans la religion chrétienne comme étant « l'agneau pascal »
que les Juifs offraient à l'occasion de Pasah lorsque le Béth
Hammiqdosh existait. De nos jours, la clef a été remplacée dans de
nombreux foyers chrétiens par des œufs placés à l'intérieur,
comme l'illustrent les images ci-dessous :
Un
pain pascal grec appelé « tsoureki »
Un
pain pascal de Grottaglie appelé « palómma »
Une
autre version du tsoureki
Dans
les temps passés, dans certaines communautés chrétiennes, le pain
était cuit sous la forme d'une échelle. Dans les deux, l'échelle
et la clef représentaient des outils pouvant métaphysiquement aider
à atteindre les cieux, car elles permettent toutes deux d'avoir
accès à quelque chose ou à un endroit. Le rapprochement avec Jésus
est évident, puisque ce dernier a affirmé dans le Nouveau Testament
que « Je suis le chemin,
la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi ».
Jésus est donc à la fois l'échelle et la clef qui mène vers Dieu,
d'après la doctrine chrétienne.
Bien
que les Juifs qui défendent cette pratique de la Schlussel Halloh
affirment, pour la légitimer, qu'elle est mentionnée dans les
écrits du Apter
Rov
(1748-1825), ainsi que dans le טַעַמֵי
הַמִּנְהָגִים
« Ta´amé
Hamminhoghim »
(publié en 1891), il n'existe aucune source authentique pour cette
pratique. Et rapporté l'avis d'un rabbin n'équivaut pas à une
source ! En effet, le concept de la Schlussel Halloh
ne se retrouve nulle part dans la Tôroh, les Tanno`im, les
`ammôro`im, les Ga`ônim ou les Ri`shônim. En outre, la Tôroh
enseigne que c'est HaShem Lui-même qu'il faut directement invoquer.
Il n'est pas dit que cuire du pain ou réaliser quelque autre
activité aidera aux besoins de quelqu'un. Lorsque les Matriarches
étaient stériles, elles n'ont pas eu recourt à des Saghoulôth,
mais ont fait une introspection et ont prié. Rien dans la Tôroh ne
soutient le concept des Saghoulôth. Cuire des pains n'est d'aucune
utilité. En fait, le Minhogh de Schlussel Halloh
contrevient à l'interdiction de la superstition (car c'est une forme
d'amulette ou de charme pour la bonne fortune). Cela n'a aucune
importance que le charme soit une patte de lapin, un fer à cheval,
une Halloh,
une clef ou un bracelet rouge. Même attribuer des pouvoirs à une
Mazouzoh est une interdiction ; à combien plus forte raison
lorsqu'il s'agit d'un pain ! (Voir notamment les articles
intitulés « Les
objets ou les personnes ont-ils un pouvoir intrinsèque ? »
et « Le
Ramba''m et le rôle protecteur de la Mazouzoh ».)
La pratique sous-entend que des forces existent, ce qui n'est non
seulement pas le cas mais est également de l’idolâtrie.
Les
gens devraient se demander quel lien y a-t-il entre le fait de placer
une clef dans du pain (ou cuire un pain en former de clef) et le fait
d'améliorer sa condition financière et matérielle ! Les
dangers menant à l'égarement sont grands, car en inventant des
pratiques n'ayant aucune base dans la Tôroh on nie implicitement la
Tôroh. C'est comme si on disait que « La
Tôroh n'est pas parfaite et que prier Dieu directement ne sert à
rien, car cela ne fonctionne pas dans mon cas et qu'il y a d'autres
personnes qui ont mis au point des méthodes alternatives qui
fonctionneront pour moi ».
C'est donc un reniement total de la Tôroh et constitue bien une
forme de ´avôdhoh Zoroh ! Cela indique que l'on a perdu la foi
dans les prescriptions authentiques de la Tôroh. Par ces méthodes
alternatives, on sous-entend qu'il existe d'autres forces en-dehors
de Dieu qui résoudront les problèmes de ceux qui y font appel.
Le
concept et l'observance de cette folie continuent de grandir,
puisqu'elle est adoptée par de plus en plus de Juifs récemment
devenus religieux à qui l'on a enseigné qu'il était acceptable
d'utiliser une miche de pain en forme de clef comme intermédiaire
entre eux et le Tout-Puissant. Une très large portion du peuple juif
adhère à ce Minhogh. Il est très populaire aussi bien dans les
communautés Harédhim
hassidiques
et non hassidiques.
On le retrouve aussi parmi les « Orthodoxes Modernes »,
les communautés « Yeshivish », chez certains Litvaqim,
d'autres Juifs d'ascendance allemande et désormais aussi parmi les
Juifs séfarades ashkénazifiés ! Après Pasah,
on peut trouver des Schlussel Hallôth
vendues en magasins, une Halloh
avec une clef directement dans le sac ! Il est très facile de
trouver des sites Internet faisant la promotion de cette avôdhoh
Zoroh, comme ici
ou encore ici.
Il existe même des prières spéciales ayant été composées et
devant être dites par celui qui prépare la Schlussel Halloh !
Comme
pour toutes les pratiques nouvelles n'ayant aucune base halakhique,
de nombreuses personnes tentent d'attacher à cette avôdhoh Zoroh
des idées juives pour la rendre plus acceptable et lui donner
l'impression d'être valable en tous points. Certaines de ces
tentatives peuvent être lues dans les liens Internet susmentionnés.
Certains sont même allés jusqu'à exploiter le nom du Ramba''m ז״ל
pour
justifier l'association entre une clef et la Halloh.
De telles connexions n'ont aucune base et ne sont rien d'autres que
des tentatives désespérées de sauver la face, tant il est flagrant
que la Schlussel Halloh
est une pratique aux origines païennes qui n'a rien à voir avec le
judaïsme. De plus, il est bien connu que le Ramba''m lui-même se
serait clairement opposé à la pratique de cuire une clef dans du
pain ou du pain dans la forme d'une clef pour s'attirer les faveurs
divines. C'est effectivement un principe clair dans les écrits du
Ramba''m qu'utiliser des objets physiques de la sorte est de la pure
´avôdhoh Zoroh. S'il condamne déjà ceux qui lisent des Tahillim
pour obtenir une guérison (voir l'article intitulé « Lire
des Tahillim pour un malade »),
combien plus l'aurait-il fait concernant ceux qui cuisent des
Schlussel Hallôth
pour jouir de bénédictions matérielles et financières ? Il
n'y a aucun doute que la Schlussel Halloh
fait partie des Darakhé Ho`amôri (pratiques des Gôyim qui sont
interdites, car liées à l’idolâtrie) !
Il
existe un autre aspect qui rend détestable cette pratique : ce
que l'acceptation de ce Minhogh implique :
- À l'origine, la pratique des gens était plus ou moins mimétique
- Puis, les gens ont commencé à se tourner vers des textes et s'éloigner de leurs traditions mimétiques
- Enfin, avec le développement de l'Internet, les traditions mimétiques de chaque groupe devinrent des textes et la norme à laquelle la communauté juive est sensée se tenir.
C'est
ainsi que bien que je n'avais jamais entendu parler de Rabbi
Menachem Mendel de Rimanov,
de nombreuses communautés s'appuient sur ses écrits dans un domaine
ou dans un autre, comme par exemple pour justifier la récitation de
la Parashath Hammon chaque mois. Puisqu'il s'agit d'une Saghouloh à
laquelle est attachée de nombreuses récompenses (prospérité
matérielle, avoir des enfants, etc.), les gens à la recherche de
méthodes alternatives rapides ont commencé à répandre les propos
du rabbin susmentionné. Même Artscroll a publié la Parashath
Hammon sur Internet (voir ici,
en PDF) et de nombreux sites font la promotion de cette bizarrerie
superstitieuse (comme par exemple ici).
Et maintenant, on s'attend à ce que tout le monde la dise, au point
que les gens expriment leur surprise d'entendre que certains ne le
font pas.
Il
en est de même de la Schlussel Halloh.
De très nombreux Juifs n'ont jamais eu cette pratique dans leurs
familles. Mais on ne sait par quel tour de passe-passe, soudainement
tout le monde l'observe aujourd'hui, et les gens s'étonnent
lorsqu'ils tombent sur des Safaradhim, des Témonim ou Talmidhé
HaRamba''m qui n'adhèrent pas à cette folie. « Quel est ce
shnook qui n'a pas de Shlussel Halloh ? ».
Si
ne pas en avoir fait de quelqu'un un shnook, alors il est préférable
d'être un shnook plutôt qu'un idolâtre ou superstitieux !