mercredi 6 avril 2016

Musulmans et Chrétiens : peut-on leur enseigner la Tôroh ?

ב״ה

Musulmans et Chrétiens : peut-on leur enseigner la Tôroh ?


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Sur le sujet de l'origine Divine de la Tôroh, il existe une fascinante Responsa du Ramba''m1 ז״ל :

שו"ת הרמב"ם סימן קמט
השאלה הל"א שאלה מאמר ר' יוחנן (סנהדרין נ"ט א') גוי שעסק בתורה חייב מיתה, האם זה הלכה והחייב כל בר ישראל להמנע (מללמדו) דבר מן המצות חוץ משבע מצות או להעמידו עליהן, אם לאו
התשובה היא בלא ספק הלכה . וכאשר יד ישראל תקיפה עליהם, מונעים אותו מתלמוד תורה עד שיתגייר. אבל לא יהרג, אם עסק בתורה, לפי שאמר חייב מיתה ולא אמר נהרג כמו שאמרו (סנהדרין נ"ז א') על שבע מצות בן נח נהרג. ומותר ללמד המצות לנוצרים ולמשכם אל דתנו, ואינו מותר דבר מזה לישמעאלים, לפי מה שידוע לכם על אמונתם, שתורה זו אינה מן השמים, וכאשר ילמדום דבר מן כתוביה (וימצאוהו) מתנגד למה שבדו הם מלבם לפי ערבוב הסיפורים ובלבול העניינים אשר באו להם, (הרי) לא תהיה זו ראיה אצלם, שטעות בידיהם, אלא יפרשוה לפי הקדמותיהם המופסדות ויוכלו להשיב עלינו בזה בטענתם ויטעו כל גר וישראל, שאין לו דעת, ויהיה זה מכשול לישראל האסורין ביניהם בעונותם. אבל הערלים (ר"ל הנוצרים) מאמינים בנוסח התורה שלא נשתנה, ורק מגלים בה פנים בפרושם המופסד ומפרשים זאת בפירושים, שהם ידועים בהם, ואם יעמידום על הפרוש הנכון, אפשר שיחזרו למוטב, ואפילו לא יחזרו, כשרוצים שיחזרו, לא יבוא לנו מזה מכשול ולא ימצאו בכתוביהם דבר שונה מכתובינו

En voici les grandes lignes :

La question posée est celle-ci : est-il permis d'enseigner la Tôroh à un non Juif ?

Le Ramba''m fait la distinction entre les Chrétiens et les Musulmans. Les Musulmans n'acceptent pas la divinité de la Tôroh. C'est pourquoi, chaque fois que la Tôroh contredit leurs traditions confuses (alors que l'islam affirme n'être que la continuité des prophètes Juifs ayant précédé l'islam et que cette religion n'est venu apporter rien de nouveau mais seulement confirmer tout ce qui avait été révélé avant elle), les Musulmans s'arrangent pour expliquer la Tôroh d'une façon qui la rend compatible à leurs traditions. Le discours mensongers des Musulmans peut troubler les Juifs peu érudits et les convertis et deviendrait une pierre d'achoppement pour ceux qui vivent parmi eux ou se retrouvent sous leur autorité. Cette remarque est en tout point conforme avec l'opinion bien connue du Ramba''m selon quoi la divinité de la Tôroh la rend automatiquement immuable. Aucun prophète futur ne peut la changer. Les Musulmans, qui rejettent la supériorité de Môshah Rabbénou ע״ה en tant que père de tous les prophètes, et donc la divinité de la Tôroh, s'accommodent de futures changements prophétiques. Ils n'ont donc aucun problème avec le fait que certains passages de leur Qouran et certaines de leurs traditions contredisent la Tôroh, car à leurs yeux la Tôroh a été corrompue et Mouhammad est le sceau de tous les prophètes venu apporter la dernière révélation.

De l'autre côté, les Chrétiens croient en la divinité de la Tôroh. Ils croient que Môshah Rabbénou avait une relation particulière avec la prophétie. Ils croient également que la Tôroh qui existe actuellement est l'originale, la même qui fut donnée par Dieu au Mont Sinaï il y a plus de 3300 ans. Le seul problème est qu'ils l'interprètent d'après leurs croyances. Ils ne nient pas du tout les 613 Miswôth de la Tôroh, mais les considèrent plutôt comme allégoriques et non pratiques (en d'autres mots, les Miswôth n'ont pas été données, d'après eux, pour être mises en pratique, mais pour enseigner des leçons morales, et doivent donc être comprises de façon spirituelle). Lorsque le problème se situe au niveau de l'interprétation ou de la compréhension des textes, on peut démontrer aux égarés leurs erreurs et il est toujours possible de les amener à voir la lumière. Et s'ils n'arrivent pas à la voir, cela n'aura que très peu de conséquences, car ils ont néanmoins le même respect que nous envers ces textes sur lesquels nous divergeons. Ainsi, bien que nous ne devons pas enseigner la Tôroh aux Musulmans, nous pouvons le faire avec les Chrétiens.

Cela provient du fait que nous partageons un livre commun avec les Chrétiens, tandis qu'avec les Musulmans nous partageons la croyance de l'unité et unicité de Dieu. Notre conception de Dieu est très proche de celle des Musulmans, et nous avons également avec eux la même conception du respect des dogmes, suivons un code de règles quotidiennes, et avons bon nombre de pratiques religieuses en commun. Mais malgré tout cela, nous devons éviter de débattre et discuter de la Tôroh avec les Musulmans, car ils n'acceptent pas la Tôroh qu'ils disent être falsifiée. En outre ils disent du mal de nous dans leurs textes (Dieu aurait changé les Juifs en singes et en porcs ; les Juifs seraient les êtres les plus perfides de la planète ; les Juifs mentent sur le contenu de la Tôroh et les dogmes du Judaïsme ; les Juifs croiraient que Dieu aurait un fils appelé Uzayr ; les Juifs comploteraient contre les Musulmans pour leur faire abandonner l'islam ; les Juifs ne seraient pas monothéistes, etc.), prétendent que leur faux prophète serait l'autorité finale et affirment que tous les prophètes du TaNa''Kh étaient Musulmans mais que nous nous serions détournés de cette religion, d'où la raison pour laquelle Dieu aurait envoyé Mouhammad, non pour fonder une nouvelle religion, mais pour ramener les gens à la religion d'origine qui serait l'islam. Que voulez-vous faire avec des gens pareils ?

Par contre, nous pouvons enseigner la Tôroh aux Chrétiens, parce que nous partageons un langage conceptuel commun qui peut s'appliquer, non pas à la pratique religieuse, mais à la foi quotidienne. La signification des termes pourraient ne pas être la même (expiation, foi, rédemption, Messie, etc.) selon que l'on soit Chrétien ou Juif. Cependant, bien que nous soyons en désaccord sur les définitions, nous partageons le même vocabulaire et un texte commun, ce qui permet de discuter et corriger leurs mauvaises conceptions plus aisément. Avec les Musulmans, nous ne pouvons communiquer parce que nous ne partageons pas un langage conceptuel commun au niveau du texte. Pour eux, au niveau du texte, notre religion est corrompue et seule la leur est pleinement correcte. Pour le dire plus simplement, ils ne croient pas que nous ayons quoi que ce soit à leur apprendre, ce qui n'est pas le cas des Chrétiens. (Bien au contraire, nous voyons de plus en plus de Chrétiens s'intéresser au Judaïsme, qu'ils considèrent être leur racine spirituelle, puisque leur Messie et ses disciples étaient tous Juifs, observaient le Shabboth, etc. Pour de nombreux Chrétiens, étudier le Judaïsme est une manière de se connecter plus intensément à leur Messie.)

La leçon ici est plus que claire : la religion réside dans un texte et une vie de foi, pas dans un raisonnement philosophique et une théologie que l'on suppose partager avec d'autres. Nous avons beaucoup de points communs théologiques et pratiques avec les Musulmans, mais n'avons pas de texte commun ni la même conception de la foi. De ce fait, nous ne trouverons pas de terrain d'entente avec eux en leur parlant de Tôroh, un texte qu'ils estiment ne pas être authentique, et parce que Môshah Rabbénou a été supplanté par Mouhammad. De ce fait, ils ne seront pas disposés à écouter !

Je peux dire d'expériences personnelles que le Ramba''m a raison à 100%. Les bases textuelles communes que nous avons avec les Chrétiens rendent les échanges plus honnêtes et vivants. Parce que les Chrétiens croient dans la Tôroh, même s'ils ne l'appliquent pas et l'interprètent différemment, il est possible de les ramener à la raison aussi bien à partir de nos textes que des leurs, parce que non seulement notre TaNa''Kh est inclue dans leur Bible, mais aussi parce que les premiers Chrétiens étaient tout simplement des Juifs qui croyaient et pratiquaient la Tôroh. Et le Christianisme n'a jamais enseigné que nos textes étaient falsifiés, tout comme il ne s'est jamais complètement séparé de la Tôroh (puisque les Chrétiens lisent régulièrement le TaNa''Kh, car bon nombre de ce qu'ils pensent être des prophéties sur leur Messie est basé sur le TaNa''Kh). Par contre, l'islam s'est complètement séparé de la Tôroh, la remplaçant intégralement par le Qouran (ce qui fait que le Musulman n'accorde aucune valeur à la Tôroh, contrairement au Chrétien) et la considérant falsifiée (nous ne pouvons donc leur montrer leurs erreurs, car à chaque contradiction entre la Tôroh et le Qouran ils répondront que ces contradictions proviennent de la falsification de nos textes, tandis que les leurs sont venus corriger nos erreurs), sans oublier la vénération de leur prophète qu'ils élèvent au rang de dernier prophète et meilleur de tous les hommes, ce qui fait que la parole de Mouhammad a plus de poids que celle de Môshah Rabbénou (ce qui n'est pas le cas chez les Chrétiens qui, bien qu'ils élèvent « Jésus » au rang de Messie, Môshah Rabbénou est toujours dépeint dans leurs textes comme étant le grand législateur du peuple d'Israël. C'est juste qu'ils estiment que les lois de la Tôroh ne s'appliquent plus à eux et n'ont donc pas de valeur pratique. Mais ils n'en rejettent pas la valeur théologique et spirituelle). Ils adorent tellement Mouhammad que ces gens interdisent de le représenter, comme s'il s'agissait de Dieu !

Et enfin, il est vrai qu'un Juif peu érudit a moins de chance d'être attiré par le christianisme que l'islam, car il reconnaît aisément la ´avôdhoh Zoroh du christianisme. Par contre, les ressemblances pratiques avec l'islam pourront plus aisément le troubler et l'attirer, et l'amener à s'éloigner de ses propres traditions ou en arriver à considérer qu'il y aurait du bien dans l'islam. C'est l'avertissement que le Ramba''m nous lance avant d'accepter de nous embarquer dans des débats et discussions théologiques avec les Musulmans.


1Responsa n°149
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