dimanche 19 avril 2020

Peut-on abroger une loi talmudique ?


בס״ד

Peut-on abroger une loi talmudique ?


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  1. Introduction

L'un des principes fondamentaux de la Halokhoh est que les lois rabbiniques du Talmoudh sont contraignantes même lorsque la justification de leur promulgation ne s'applique plus. Les lois talmudiques ne peuvent être révoquées que par un Béth Din de rang supérieur, comme l'a énoncé le Rambo''m ז״ל :1

[Les membres d']un Béth Din qui ont décrété une Gazéroh, ou institué une Taqqonoh, et établi un Minhogh, et toute la chose s'est répandue chez tous les Israélites, puis s'est levé derrière eux un autre Béth Din qui a cherché à annuler les paroles des premiers, et à déraciner cette Taqqonoh, ou cette Gazéroh, ou ce Minhogh, il ne le peut pas, jusqu'à ce qu'il soit plus grand que les premiers en sagesse et en nombre.
בֵּית דִּין שֶׁגָּזְרוּ גְּזֵרָה, אוֹ הִתְקִינוּ תַּקָּנָה, וְהִנְהִיגוּ מִנְהָג, וּפָשַׁט כָּל הַדָּבָר בְּכָל יִשְׂרָאֵל, וְעָמַד אַחֲרֵיהֶם בֵּית דִּין אַחֵר, וּבִקַּשׁ לְבַטַּל דִּבְרֵי הָרִאשׁוֹנִים וְלַעְקֹר אוֹתָהּ הַתַּקָּנָה וְאוֹתָהּ הַגְּזֵרָה וְאוֹתוֹ הַמִּנְהָג--אֵינוּ יָכוֹל, עַד שֶׁיִּהְיֶה גָּדוֹל מִן הָרִאשׁוֹנִים בְּחָכְמָה וּבְמִנְיָן.

Puisque toute autorité post-talmudique est par définition inférieure aux Hakhomim du Talmoudh, les lois énoncées dans le Talmoudh sont de facto irrévocables. Ce principe est souvent invoqué pour justifier la persistance d'une grande diversité de lois talmudiques qui ne semblent plus avoir de sens de nos jours, de l'interdiction de prendre des médicaments le Shabboth pour celui qui n'est pas gravement malade (interdit de moudre le médicament) à l'observance de Yôm Tôv Shéni Shal Golouyôth (instituée de peur que le calendrier juif ne soit perturbé et oublié).

Cependant, un examen attentif des textes des Ri`shônim présente une perspective plus nuancée sur la révocabilité des lois talmudiques dont les raisons ne s'appliquent plus. Plus précisément, les Ba´alé Hattôsophôth ז״ל et les Hôkhmé `ashkanaz emploient une variété de raisons pour révoquer ces lois talmudiques, tandis que le Rambo''m rejette généralement cette approche et maintient que les lois talmudiques sont contraignantes, même si la raison de la loi ne s'applique pas. Le Shoulhon ´oroukh n'adopte pas une approche cohérente à l'égard de cette question, prenant parfois parti pour les Tôsophôth, mais plus souvent pour le Rambo''m.

La première partie de cet article décrit la base talmudique de l'irrévocabilité des lois talmudiques ; La seconde partie examine trois exemples sur lesquels le Rambo''m et les Tôsophôth divergent sur la question de savoir si une loi talmudique est contraignante et sur le traitement de cette loi dans le Shoulhon ´oroukh. Cet article ne cherche donc pas à présenter une liste exhaustive de toutes les théories par lesquelles des Ri`shônim ont abrogé des lois talmudiques, et sachez que la liste est véritablement longue (ce qui montre qu'il y a des bases réelles sur lesquelles s'appuyer pour ne plus respecter les lois talmudiques lorsque les raisons de leurs institutions ne s'appliquent plus).

  1. Première Partie : L'irrévocabilité des lois talmudiques trouve sa base dans deux sources, Bésoh 5a et ´édhiyôth 1:5-6.

    1. Dovor Shabbaminyon

soh 5a énonce la règle selon laquelle כָּל דָּבָר שֶׁבְּמִנְיָן צָרִיךְ מִנְיָן אַחֵר לְהַתִּירוֹ « Kôl Dovor Shabbaminyon Sorikh Minyon `ahér Lahattirô - toute chose décidée à la majorité requiert une majorité ultérieure pour l'autoriser ».

Le Talmoudh fournit deux bases scripturales pour la dérivation de ce principe. La première vient du commandement de Hashshém ית׳ de s'abstenir de relations conjugales en préparation au Mattan Tôroh.2 Dans le récit du Mattan Tôroh fait dans le Séphar Davorim, Hashshém commande au peuple : שׁוּבוּ לָכֶם, לְאָהֳלֵיכֶם « Retournez pour vous-mêmes à vos tentes »,3 que HaZa''l interprètent comme une permission de reprendre les relations conjugales. L'abstention des relations conjugales a été promulguée afin de préparer au Mattan Tôroh, et par conséquent, leur reprise devrait automatiquement suivre une fois le Mattan Tôroh terminé. Puisque la Tôroh a jugé nécessaire d'autoriser explicitement les relations conjugales, il s'ensuit que les lois exigent une révocation explicite, même lorsque la raison de leur promulgation est nulle.

La deuxième dérivation biblique vient du commandement de Hashshém de ne pas gravir le Har Sinay pendant le Mattan Tôroh. Pourtant, le verset dit que l'ascension de la montagne n'est autorisée qu'après les coups de Shôphor.4 L'interdiction de s'approcher de la montagne a été promulguée à cause du Mattan Tôroh, et devrait logiquement expirer une fois celui-ci terminé. Puisque la Tôroh a jugé nécessaire d'autoriser explicitement l'ascension de la montagne, elle démontre que les lois dont les raisons ne s'appliquent plus nécessitent toujours une révocation explicite.

La preuve finale citée par le Talmoudh démontre ce principe en ce qui concerne les lois talmudiques. Les Hakhomim ont légiféré que les personnes vivant à moins d'une journée de Yarousholayim devaient apporter leur כֶּרֶם רְבָעִי « Karam Ravo´i » à Yarousholayim, plutôt que de le racheter et d'apporter de l'argent à Yarousholayim. Le but de cette loi était que les marchés de Yarousholayim soient festonnés de fruits. Après la destruction du Béth Hammiqdosh, Ribbi Yôhonon ban Zakka`y ז״ל a révoqué cette loi car il était inutile d'embellir Yarousholayim alors qu'elle était devenue une ville païenne. Le Talmoudh explique que la loi exigeait une révocation explicite, et sans elle, elle serait toujours contraignante malgré la justification de la nullité de la loi.

Ce qui ressort de ces trois cas est une règle claire, suivie de deux ambiguïtés profondes sur cette règle. Le Talmoudh envisage clairement qu'un דָּבָר שֶׁבְּמִנְיָן « Dovor Shabbaminyon » - une forme de loi rabbinique - requiert une majorité ultérieure pour l'autoriser. Ce qui n'apparaît pas clairement dans le Talmoudh est :
  1. Quels types de lois talmudiques sont classés comme un Dovor Shabbaminyon ? Cela inclut-il toutes les lois talmudiques, ou seulement un sous-ensemble restreint ? Et
  2. Quel type de majorité subséquente est nécessaire pour révoquer la loi ? Le Béth Din postérieur doit-il être de taille égale ou supérieure à celle du Béth Din ayant adopté la loi, ou n'importe quel Béth Din ultérieur suffit-il ?

    1. Godhôl Bahôkhmoh Ouvaminyon

La Mishnoh5 demande pourquoi les opinions minoritaires sont rapportées si la loi suit la majorité, et fournit deux réponses à cette question par les anonymes Tanno` Qammo` et Ribbi Yahoudhoh ז״ל.6 Ribbi Yahoudhoh répond que les opinions minoritaires sont rapportées afin de les rejeter à perpétuité. Si quelqu'un décrit une opinion minoritaire comme normative, nous lui disons qu'il s'agit d'une opinion minoritaire et qu'elle a été rejetée. La réponse du Tanno` Qammo` est à l’origine d’un litige fondamental entre le Rambo''m et le Ra`ava''d ז״ל.

Le Rambo''m explique le Tanno` Qammo` en disant que même si un Béth Din s'appuyait sur une opinion minoritaire, un Béth Din subséquent ne peut pas révoquer la décision du Béth Din précédent (apparemment sur la base de son recours à une opinion minoritaire), à moins que le Béth Din ultérieur ne soit plus grand et mieux que le Béth Din précédent. Ainsi, le Rambo''m comprend que Ribbi Yahoudhoh et le Tanno` Qammo` conviennent fondamentalement que les Botté Dinim ultérieurs ne peuvent jamais révoquer les décisions des Botté Dinim antérieurs, à moins que le Béth Din ultérieur ne soit supérieur. Le Ra`ava''d écrit que les opinions minoritaires sont rapportées afin qu'un Béth Din inférieur ultérieur puisse se fonder sur elles pour révoquer la décision d'un Béth Din supérieur antérieur.7 En d'autres termes, tant le Rambo''m que le Ra`ava''d conviennent qu'en général, un Béth Din postérieur ne peut révoquer les décisions d'un Béth Din antérieur que si le Béth Din postérieur est supérieur. Le Rambo''m soutient que cette règle est à peu près absolue, tandis que le Ra`ava''d soutient que les Botté Dinim inférieurs ultérieurs peuvent s'appuyer sur les décisions minoritaires des Botté Dinim antérieurs pour révoquer les Botté Dinim supérieurs ultérieurs.

Ces Mishnoyôth énoncent une exigence selon laquelle un Béth Din ultérieur doit être supérieur au Béth Din précédent s'il souhaite révoquer les lois du Béth Din antérieur. Cependant, il n'est pas clair dans quelles circonstances cette révocation se produit : le motif de la loi s'applique-t-il toujours ou non ? Est-ce la seule fois où nous avons besoin d'un Béth Din supérieur pour révocation lorsque le motif de la loi s'applique toujours, ou avons-nous besoin d'un Béth Din supérieur même lorsque le motif de la loi ne s'applique pas ?

Quelle est la relation entre la Gamoro` de soh 5a et les Mishnoyôth de ´édhiyôth et les règles qui les accompagnent ? Le Rambo''m8 semble synthétiser et combiner les deux textes (alors qu'ils n'ont pas forcément de lien et pourraient être pris séparément) et stipule que toutes les lois talmudiques, même celles dont les raisons ne s'appliquent plus, exigent qu'un Béth Din supérieur les révoque. Le Ra`ava''d soutient que ce n'est que lorsque la raison s'applique toujours qu'un Béth Din supérieur est requis. Cependant, lorsque le motif de la loi ne s'applique plus, même un Béth Din inférieur peut révoquer la loi (il les prend donc séparément). La preuve du Ra`ava''d qu’un Béth Din inférieur peut révoquer une loi dont la raison ne s’applique plus est que Ribbi Yôhonon ban Zakka`y avait le pouvoir de révoquer la loi exigeant que le Karam Ravo´i soit amené à Yarousholayim bien qu’il soit inférieur au Béth Din l'ayant adoptée. Son statut inférieur est démontré par son identification dans le Talmoudh9 comme étant le plus faible des quatre-vingts Talmidhim de Hillél ז״ל.

  1. Deuxième Partie : Les Ba´alé Tôsophôth VS le Rambo''m sur la révocation des lois talmudiques dont les raisons ne s'appliquent plus.

Les Tôsophôth ont utilisé un certain nombre de stratégies pour faire valoir que certaines lois talmudiques sont nulles parce que leurs raisons ne s'appliquent plus. Dans chaque cas où ils prétendent que la loi est nulle, le Rambo''m, lui, maintient qu'elle est toujours contraignante. Dans cette section, nous examinerons trois de ces exemples.

    1. Mayim Maghoullim – Boire des liquides découverts

La Mishnoh10 interdit la consommation de certaines boissons qui ont été laissées à découvert pendant une période de temps, et implique fortement que la raison est due au souci que les serpents pourraient avoir déposé du venin dans le liquide. Les Tôsophôth (et leurs héritiers intellectuels) emploient trois logiques distinctes pour permettre de boire de tels liquides :
  1. מַיִם מְגֻלִּים « Mayim Maghoullim » a été promulgué en raison d'une préoccupation (חֲשָׁשׁ « Hashosh »), et ces lois sont révocables une fois la préoccupation passée.11
  2. Les Hakhomim ont initialement interdit les Mayim Maghoullim uniquement dans les endroits où les serpents sont communs.12
  3. Mayim Maghoullim n'est pas une loi adoptée à la majorité, et peut donc être abrogée par n'importe quel Béth Din.13

En revanche, le Rambo''m14 codifie simplement l'interdiction de la Mishnoh et ne prévoit aucune exemption pour les individus vivant dans des lieux sans serpents.

Le Shoulhon ´oroukh15 adopte la deuxième approche des Tôsophôth, soutenant qu’il est permis de boire des liquides non couverts parce que les serpents ne sont pas courants.

    1. Taper des mains et danser à Shabboth

La Mishnoh16 déclare qu'il est rabbiniquement interdit de taper des mains et des pieds ou de danser à Shabboth. La Gamoro` explique que les tapages des mains et des pieds sont interdits parce que les Hakhomim craignaient que l'on devienne si enthousiaste qu'on commencerait à jouer d'un instrument de musique pour accompagner les tapages, et si l'instrument se cassait, on se mettrait à le réparer le jour du Shabboth. La Gamoro`17 déclare en outre que beaucoup de gens ont transgressé cette loi, et donc les Hakhomim ne l'ont pas rendue publique, en utilisant le principe de מוּטָב שֶׁיִּהְיוּ שׁוֹגְגִים « Moutov Shayyihyou Shôghaghim – Mieux vaut qu'ils se trompent dans l'ignorance plutôt que volontairement ».

Les Tôsophôth commente qu'aujourd'hui, il est permis de taper des mains et de danser le Shabboth parce que les particuliers ne savent pas réparer les instruments de musique comme autrefois, et donc, le souci qui animait l'interdiction talmudique ne s'applique pas.

Le Rambo''m18 codifie l'interdiction des tapages de mains et des pieds, tout comme le Shoulhon ´oroukh19. Le Ramo''` en revanche, emploie deux logiques distinctes pour permettre des tapages de mains et de pieds et des danses le Shabboth. La première justifie la pratique en affirmant que les gens n'écouteront de toute façon pas les Hakhomim et « et mieux vaut qu'ils se trompent dans l'ignorance plutôt que volontairement ». La seconde autorise la pratique parce que l'interdiction a cessé une fois que sa raison a été annulée, c'est-à-dire parce que les gens n'ont plus la capacité comme autrefois de réparer des instruments de musique par eux-mêmes.

La distinction entre la première et la deuxième approche du Ramo''` souligne que les Tôsophôth croyaient affirmativement qu'ils avaient le pouvoir d'abroger la loi talmudique lorsque la raison ne s'appliquait pas, et ne trouvaient pas simplement un moyen de justifier la pratique communautaire. En ce qui concerne les tapages de mains et de pieds à Shabboth, les Tôsophôth avaient une option juridique plus conservatrice à leur disposition pour « justifier » la pratique communautaire - une option qui n'impliquait l'abrogation d'aucune loi et a été suggérée par le Talmoudh lui-même - à savoir, « mieux vaut qu'ils se trompent dans l'ignorance ». Le choix de ne pas utiliser ce principe talmudique et de soutenir plutôt que la loi est nulle indique qu'ils pensaient avoir la capacité d'abroger les lois talmudiques dont les raisons ne s'appliquaient plus. Autrement dit, si le seul objectif des Tôsophôth était de justifier la pratique communautaire, ils auraient simplement pu utiliser le principe de « Moutov ». En ne choisissant pas la justification proposée dans le Talmoudh, et en choisissant plutôt d'abroger complètement la loi, les Tôsophôth démontrent leur croyance en la capacité d'abroger les lois talmudiques dont les raisons ne sont plus pertinentes.

  1. Faire des affaires avec des idolâtres les jours de leurs fêtes religieuses

La première Mishnoh du traité de ´avôdhoh Zoroh déclare qu'il est interdit de faire des affaires avec des idolâtres trois jours avant et après leurs fêtes religieuses. La raison de l'interdiction est que les Hakhomim craignaient que l'idolâtre rende grâce à sa divinité en raison de la réussite de la transaction commerciale, et qu'en conséquence, le Juif ferait indirectement la promotion de l'idolâtrie. Shamou`él ז״ל limite cette interdiction en-dehors de `aras Yisro`él au jour de la fête elle-même, mais identifie le dimanche comme un jour où il est toujours interdit de faire des affaires (puisque c'est le jour de rassemblement des idolâtres ; sans doute une référence aux chrétiens).20 Le Talmoudh raconte plus tard que deux `ammôro`im, Rov Yahoudhoh ז״ל et Ravo` ז״ל, ont envoyé des cadeaux aux Gôyim pendant leurs fêtes idolâtres (malgré la possibilité qu'ils puissent rendre grâce à leur divinité) parce qu'ils connaissaient personnellement ces Gôyim et étaient certains qu'ils n'étaient pas des idolâtres.21

Les Tôsophôth22 suggèrent d'abord que la raison pour laquelle les Juifs d'aujourd'hui font des affaires avec des idolâtres dimanche est à cause d'un souci de haine. Si les Juifs s'abstiennent de faire des affaires avec les idolâtres, ils viendront haïr les Juifs et les persécuter. Les Tôsophôth rejettent cette raison car elle n'explique pas suffisamment la portée de l'action autorisée. Il y a de nombreuses circonstances où le Juif pourrait fournir une excuse plausible pour expliquer pourquoi il ne faisait pas des affaires le dimanche - comme affirmer qu'il n'avait pas un article particulier en stock - auquel cas aucune haine ne serait générée. Les Tôsophôth affirment plutôt que la raison pour laquelle cela est autorisé est que les Gôyim du nord de la France n'étaient pas des idolâtres, et puisque la raison de la loi mishnaïque ne s'appliquait pas, la loi ne s'appliquait pas non plus. En faisant cet argument, les Tôsophôth mettent en avant l'action des `ammôro`im qui ont accepté les cadeaux des Gôyim comme précédent pour cet argument. Une comparaison avec la codification de ces lois par le Rambo''m illustre les affirmations innovantes des Tôsophôth.

Le Rambo''m23 déclare qu'il est interdit de faire des affaires avec les Gôyim pendant leurs fêtes religieuses. Il fait une exception étroite à l'envoi de cadeaux aux Gôyim que l'on sait personnellement qu'ils ne sont pas des idolâtres. En substance, le Rambo''m codifie simplement l'exemption du Talmoudh dans les termes les plus étroits possibles. En revanche, les Tôsophôth élargissent le précédent talmudique à deux niveaux. Premièrement, ils élargissent l'exception de l'envoi de cadeaux aux Gôyim à la négociation de toutes formes d'affaires avec eux. Deuxièmement, ils élargissent une exemption qui est locale et enracinée dans la connaissance individuelle du Juif d'un Gôy spécifique à une large exemption sociétale qui affirme en substance qu'il n'y a pas un seul chrétien religieux dans tout le nord de la France. Une autre possibilité est que les Tôsophôth portent un jugement non pas sur la religiosité des chrétiens du nord de la France, mais sur la religion elle-même. En d'autres termes, les Tôsophôth pourraient faire valoir que les Gôyim du nord de la France ne sont pas des idolâtres parce que le christianisme ne serait pas de l'idolâtrie. L'une ou l'autre de ces deux interprétations des Tôsophôth abroge apparemment une partie de l'interdiction talmudique - soit la décision de Shamou`él selon laquelle les chrétiens sont des idolâtres, et que le dimanche chrétien est une fête idolâtre, soit que la seule exception à cette règle concerne les cadeaux à des individus que vous connaissez personnellement pour ne pas être des idolâtres.

Le Shoulhon ´oroukh24 commence par codifier la position du Rambo''m et interdit les affaires avec les idolâtres pendant leurs fêtes, mais conclut au Sa´iph 12 en citant une opinion minoritaire qui limite l'interdiction aux temps talmudiques, mais la permet dans le présent parce que les Gôyim d'aujourd'hui ne sont pas comme les idolâtres dont parle le Talmoudh. Le Ramo''` étend cette indulgence aux situations où vous savez que l'argent ira aux prêtres parce que les prêtres utilisent la dîme pour la nourriture et les boissons, et non pour le rituel de l'église.

    1. En résumé

Dans une variété de lois, les Tôsophôth soutiennent qu'une loi talmudique est nulle lorsque la raison de sa promulgation ne s'applique plus. Le Rambo''m applique systématiquement la loi du Talmoudh même lorsque sa raison ne s'applique plus. Le Shoulhon ´oroukh suit généralement Rambo''m dans le respect des lois talmudiques dont les raisons ne s'appliquent plus. D'autres fois, il cite toutefois la justification des Tôsophôth comme une opinion minoritaire, tout en codifiant celle du Rambo''m comme normative. Enfin, dans de rares circonstances, il adopte la logique des Tôsophôth et annule les lois talmudiques dont les raisons ne s'appliquent pas. Dans les situations où le Shoulhon ´oroukh se range du côté du Rambo''m pour faire respecter une loi talmudique dont les raisons ne s'appliquent plus, le Ramo''` cite systématiquement la justification des Tôsophôth comme une raison de ne plus respecter cette loi.

  1. Conclusion

Le débat entre les Tôsophôth et le Rambo''m sur cet aspect fondamental de la Halokhoh n'a pas cessé à l'époque médiévale. Au contraire, les discussions concernant la révocabilité ou la permanence des lois talmudiques sont toujours présentes dans les discussions des Pôsaqim modernes. Par exemple, le Talmoudh stipule que le lait doit être supervisé par les Juifs, par crainte que du lait non Koshér n'ait été mélangé au lait Koshér.25 Le Shoulhon ´oroukh et le Ramo''`conviennent tous deux que cette surveillance est requise même dans les situations où il est extrêmement improbable que du lait non Koshér soit mélangé, comme lorsqu'il n'y a pas d'animaux non Koshér dans la région.26 Pourtant, les Pôsaqim contemporains débattent toujours de la question de savoir si la surveillance juive est requise dans une telle situation. Rov Môshah Feinstein ז״ל soutient que la réglementation gouvernementale garantissant qu'aucun lait non Koshér n'est mélangé est une forme de surveillance suffisante et qu'une surveillance juive n'est pas requise.27 D'autres Pôsaqim sont fortement en désaccord et soutiennent que la loi talmudique s'applique même lorsque la raison n'a plus de raison d'être.28

Autre exemple : Rov Savi Schachter29 (citant le Rov Yôséph B. Soloveitchik) tranche qu'il est toujours interdit de prendre des médicaments le Shabboth malgré le fait que nous ne broyions plus nos médicaments comme aux temps talmudiques, parce que les lois talmudiques dont les raisons ne s'appliquent plus sont toujours contraignantes. À l'inverse, le Rov `avrohom Hayyim Naeh30 suggère une permission d'en prendre en raison du fait que sa raison ne s'applique pas, puisque nous ne préparons plus nous-mêmes nos médicaments mais les achetons déjà faits à la pharmacie.

De même, concernant l'observance de Yôm Tôv Shéni Shal Golouyôth, contrairement à ce qui est souvent dit aujourd'hui, il n'y a, en réalité, aucun consensus quant à savoir s'il faudrait encore à nos époques respecter un deuxième jour de Yôm Tôv. D'ailleurs, même le Rambo''m lui-même est ambiguë sur ce sujet. (Voir l'article intitulé « Yôm Tôv Shéni Shal Golouyôth ».)

Beaucoup d'autres exemples de cela abondent. Loin d'être un point de droit établi, la question de savoir quand et comment les lois du Talmoudh peuvent être abrogées lorsque leur raison ne s'applique plus est toujours vivante et présente de nos jours.
1Mishnéh Tôroh, Hilkôth Mamrim 2:2
2Shamôth 19:15
3Davorim 5:26
4Shamôth 19:13
5´édhiyôth 1:5
6Ibid., 1:6
7La base du débat entre le Rambo''m et le Ra`ava''d est leurs différentes versions qu'ils avaient de la Mishnoh, plus précisément, si le mot יִסְמֹךְ dans Mishnoh 5 contient un Wo`w ou pas.
8Mishnéh Tôroh, Hilkôth Mamrim 2:2-5
9Bavo` Bathro 134a
10Taroumôth 8:4
11soh 6a
12´avôdhoh Zoroh 35a
13Le Ro''sh, Bésoh 1:5
14Mishnéh Tôroh, Hilkôth Rôséah Oushmirath Naphash 11:6-7
15Yôréh Dé´oh 116:1
16soh 36b
17Ibid., 30a
18Mishnéh Tôroh, Hilkôth Shabboth 23:4
19`ôrah Hayyim 339:3
20´avôdhoh Zoroh 7b
21Ibid., 65a
22Ibid., 2a
23Mishnéh Tôroh, Hilkôth ´avôdhoh Zoroh Wahouqqôth Haggôyim 9:1-2
24Yôréh Dé´oh 148
25´avôdhoh Zoroh 39b
26Yôréh Dé´oh 115:1
27Tashouvôth, `iggarôth Môshah, Yôréh Dé´oh 1:47 et les suivantes.
28Voir Tashouvôth Hathoi''m Sôphér 2:107
29Naphash Horov 173
30Qasôth Hashshoulhon 134:4:7

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