בס״ד
Peut-on
abroger une loi talmudique ?
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- Introduction
L'un
des principes fondamentaux de la Halokhoh est que les
lois rabbiniques du Talmoudh sont contraignantes même lorsque la
justification de leur promulgation ne s'applique plus. Les
lois talmudiques ne peuvent être révoquées que par un Béth Din de
rang supérieur, comme l'a énoncé le Rambo''m ז״ל :1
[Les
membres d']un Béth Din qui ont décrété une Gazéroh,
ou institué une Taqqonoh, et établi un
Minhogh, et toute la chose s'est répandue chez tous les
Israélites, puis s'est levé derrière eux un autre Béth Din qui
a cherché à annuler les paroles des premiers, et à déraciner
cette Taqqonoh, ou cette Gazéroh,
ou ce Minhogh, il ne le peut pas, jusqu'à ce qu'il soit plus
grand que les premiers en sagesse et en nombre.
|
בֵּית
דִּין שֶׁגָּזְרוּ גְּזֵרָה,
אוֹ
הִתְקִינוּ תַּקָּנָה,
וְהִנְהִיגוּ
מִנְהָג,
וּפָשַׁט
כָּל הַדָּבָר בְּכָל יִשְׂרָאֵל,
וְעָמַד
אַחֲרֵיהֶם בֵּית דִּין אַחֵר,
וּבִקַּשׁ
לְבַטַּל דִּבְרֵי הָרִאשׁוֹנִים
וְלַעְקֹר אוֹתָהּ הַתַּקָּנָה וְאוֹתָהּ
הַגְּזֵרָה וְאוֹתוֹ הַמִּנְהָג--אֵינוּ
יָכוֹל,
עַד
שֶׁיִּהְיֶה גָּדוֹל מִן הָרִאשׁוֹנִים
בְּחָכְמָה וּבְמִנְיָן.
|
Puisque
toute autorité post-talmudique est par définition inférieure aux
Hakhomim du Talmoudh, les lois énoncées dans le
Talmoudh sont de facto irrévocables. Ce principe est souvent invoqué
pour justifier la persistance d'une grande diversité de lois
talmudiques qui ne semblent plus avoir de sens de nos jours, de
l'interdiction de prendre des médicaments le Shabboth pour celui qui
n'est pas gravement malade (interdit de moudre le médicament) à
l'observance de Yôm Tôv Shéni Shal Golouyôth (instituée de peur
que le calendrier juif ne soit perturbé et oublié).
Cependant,
un examen attentif des textes des Ri`shônim présente une
perspective plus nuancée sur la révocabilité des lois talmudiques
dont les raisons ne s'appliquent plus. Plus précisément, les Ba´alé
Hattôsophôth ז״ל
et
les Hôkhmé `ashkanaz emploient une
variété de raisons pour révoquer ces lois talmudiques, tandis que
le Rambo''m rejette généralement cette approche et maintient que
les lois talmudiques sont contraignantes, même si la raison de la
loi ne s'applique pas. Le Shoulhon ´oroukh n'adopte pas une
approche cohérente à l'égard de cette question, prenant parfois
parti pour les Tôsophôth, mais plus souvent pour le Rambo''m.
La
première partie de cet article décrit la base talmudique de
l'irrévocabilité des lois talmudiques ; La seconde partie
examine trois exemples sur lesquels le Rambo''m et les Tôsophôth
divergent sur la question de savoir si une loi talmudique est
contraignante et sur le traitement de cette loi dans le Shoulhon
´oroukh. Cet article ne cherche donc pas à présenter une liste
exhaustive de toutes les théories par lesquelles des Ri`shônim ont
abrogé des lois talmudiques, et sachez que la liste est
véritablement longue (ce qui montre qu'il y a des bases réelles sur
lesquelles s'appuyer pour ne plus respecter les lois talmudiques
lorsque les raisons de leurs institutions ne s'appliquent plus).
- Première Partie : L'irrévocabilité des lois talmudiques trouve sa base dans deux sources, Bésoh 5a et ´édhiyôth 1:5-6.
- Dovor Shabbaminyon
Bésoh
5a énonce la règle selon laquelle כָּל
דָּבָר שֶׁבְּמִנְיָן צָרִיךְ מִנְיָן
אַחֵר לְהַתִּירוֹ « Kôl
Dovor Shabbaminyon Sorikh
Minyon `ahér Lahattirô
- toute chose décidée à la majorité requiert une majorité
ultérieure pour l'autoriser ».
Le
Talmoudh fournit deux bases scripturales pour la dérivation de ce
principe. La première vient du commandement de Hashshém ית׳
de
s'abstenir de relations conjugales en préparation au Mattan Tôroh.2
Dans le récit du Mattan Tôroh fait dans le Séphar Davorim,
Hashshém commande au peuple : שׁוּבוּ
לָכֶם,
לְאָהֳלֵיכֶם
« Retournez
pour vous-mêmes à vos tentes »,3
que HaZa''l
interprètent comme une permission de reprendre les relations
conjugales. L'abstention des relations conjugales a été promulguée
afin de préparer au Mattan Tôroh, et par conséquent, leur reprise
devrait automatiquement suivre une fois le Mattan Tôroh terminé.
Puisque la Tôroh a jugé nécessaire d'autoriser explicitement les
relations conjugales, il s'ensuit que les lois exigent une révocation
explicite, même lorsque la raison de leur promulgation est nulle.
La
deuxième dérivation biblique vient du commandement de Hashshém de
ne pas gravir le Har Sinay pendant le Mattan Tôroh. Pourtant, le
verset dit que l'ascension de la montagne n'est autorisée qu'après
les coups de Shôphor.4
L'interdiction de s'approcher de la montagne a été promulguée à
cause du Mattan Tôroh, et devrait logiquement expirer une fois
celui-ci terminé. Puisque la Tôroh a jugé nécessaire d'autoriser
explicitement l'ascension de la montagne, elle démontre que les lois
dont les raisons ne s'appliquent plus nécessitent toujours une
révocation explicite.
La
preuve finale citée par le Talmoudh démontre ce principe en ce qui
concerne les lois talmudiques. Les Hakhomim
ont légiféré que les personnes vivant à moins d'une journée de
Yarousholayim
devaient apporter leur כֶּרֶם
רְבָעִי
« Karam
Ravo´i »
à Yarousholayim,
plutôt que de le racheter et d'apporter de l'argent à
Yarousholayim.
Le but de cette loi était que les marchés de Yarousholayim
soient festonnés de fruits. Après la destruction du Béth
Hammiqdosh, Ribbi Yôhonon
ban Zakka`y ז״ל
a
révoqué cette loi car il était inutile d'embellir Yarousholayim
alors qu'elle était devenue une ville païenne. Le Talmoudh explique
que la loi exigeait une révocation explicite, et sans elle, elle
serait toujours contraignante malgré la justification de la nullité
de la loi.
Ce
qui ressort de ces trois cas est une règle claire, suivie de deux
ambiguïtés profondes sur cette règle. Le Talmoudh envisage
clairement qu'un דָּבָר
שֶׁבְּמִנְיָן
« Dovor
Shabbaminyon »
- une forme de loi rabbinique - requiert une majorité ultérieure
pour l'autoriser. Ce qui n'apparaît pas clairement dans le Talmoudh
est :
- Quels types de lois talmudiques sont classés comme un Dovor Shabbaminyon ? Cela inclut-il toutes les lois talmudiques, ou seulement un sous-ensemble restreint ? Et
- Quel type de majorité subséquente est nécessaire pour révoquer la loi ? Le Béth Din postérieur doit-il être de taille égale ou supérieure à celle du Béth Din ayant adopté la loi, ou n'importe quel Béth Din ultérieur suffit-il ?
- Godhôl Bahôkhmoh Ouvaminyon
La
Mishnoh5
demande pourquoi les opinions minoritaires sont rapportées si la loi
suit la majorité, et fournit deux réponses à cette question par
les anonymes Tanno` Qammo` et Ribbi Yahoudhoh
ז״ל.6
Ribbi Yahoudhoh
répond que les opinions minoritaires sont rapportées afin de les
rejeter à perpétuité. Si quelqu'un décrit une opinion minoritaire
comme normative, nous lui disons qu'il s'agit d'une opinion
minoritaire et qu'elle a été rejetée. La réponse du Tanno` Qammo`
est à l’origine d’un litige fondamental entre le Rambo''m et le
Ra`ava''d ז״ל.
Le
Rambo''m explique le Tanno` Qammo` en disant que même si un Béth
Din s'appuyait sur une opinion minoritaire, un Béth Din subséquent
ne peut pas révoquer la décision du Béth Din précédent
(apparemment sur la base de son recours à une opinion minoritaire),
à moins que le Béth Din ultérieur ne soit plus grand et mieux que
le Béth Din précédent. Ainsi, le Rambo''m comprend que Ribbi
Yahoudhoh
et le Tanno` Qammo` conviennent fondamentalement que les Botté Dinim
ultérieurs ne peuvent jamais révoquer les décisions des Botté
Dinim antérieurs, à moins que le Béth Din ultérieur ne soit
supérieur. Le Ra`ava''d écrit que les opinions minoritaires sont
rapportées afin qu'un Béth Din inférieur ultérieur puisse se
fonder sur elles pour révoquer la décision d'un Béth Din supérieur
antérieur.7
En d'autres termes, tant le Rambo''m que le Ra`ava''d conviennent
qu'en général, un Béth Din postérieur ne peut révoquer les
décisions d'un Béth Din antérieur que si le Béth Din postérieur
est supérieur. Le Rambo''m soutient que cette règle est à peu près
absolue, tandis que le Ra`ava''d soutient que les Botté Dinim
inférieurs ultérieurs peuvent s'appuyer sur les décisions
minoritaires des Botté Dinim antérieurs pour révoquer les Botté
Dinim supérieurs ultérieurs.
Ces
Mishnoyôth énoncent une exigence selon laquelle un Béth Din
ultérieur doit être supérieur au Béth Din précédent s'il
souhaite révoquer les lois du Béth Din antérieur. Cependant, il
n'est pas clair dans quelles circonstances cette révocation se
produit : le motif de la loi s'applique-t-il toujours ou non ?
Est-ce la seule fois où nous avons besoin d'un Béth Din supérieur
pour révocation lorsque le motif de la loi s'applique toujours, ou
avons-nous besoin d'un Béth Din supérieur même lorsque le motif de
la loi ne s'applique pas ?
Quelle
est la relation entre la Gamoro`
de Bésoh
5a
et les Mishnoyôth de ´édhiyôth et les règles qui les
accompagnent ? Le Rambo''m8
semble synthétiser et combiner les deux textes (alors qu'ils n'ont
pas forcément de lien et pourraient être pris séparément) et
stipule que toutes les lois talmudiques, même celles dont les
raisons ne s'appliquent plus, exigent qu'un Béth Din supérieur les
révoque. Le Ra`ava''d soutient que ce n'est que lorsque la raison
s'applique toujours qu'un Béth Din supérieur est requis. Cependant,
lorsque le motif de la loi ne s'applique plus, même un Béth Din
inférieur peut révoquer la loi (il les prend donc séparément). La
preuve du Ra`ava''d qu’un Béth Din inférieur peut révoquer une
loi dont la raison ne s’applique plus est que Ribbi Yôhonon
ban Zakka`y avait le pouvoir de révoquer la loi exigeant que le
Karam Ravo´i
soit amené à Yarousholayim
bien qu’il soit inférieur au Béth Din l'ayant adoptée. Son
statut inférieur est démontré par son identification dans le
Talmoudh9
comme étant le plus faible des quatre-vingts Talmidhim de Hillél
ז״ל.
- Deuxième Partie : Les Ba´alé Tôsophôth VS le Rambo''m sur la révocation des lois talmudiques dont les raisons ne s'appliquent plus.
Les
Tôsophôth ont utilisé un certain nombre de stratégies pour faire
valoir que certaines lois talmudiques sont nulles parce que leurs
raisons ne s'appliquent plus. Dans chaque cas où ils prétendent que
la loi est nulle, le Rambo''m, lui, maintient qu'elle est toujours
contraignante. Dans cette section, nous examinerons trois de ces
exemples.
- Mayim Maghoullim – Boire des liquides découverts
La
Mishnoh10
interdit la consommation de certaines boissons qui ont été laissées
à découvert pendant une période de temps, et implique fortement
que la raison est due au souci que les serpents pourraient avoir
déposé du venin dans le liquide. Les Tôsophôth (et leurs
héritiers intellectuels) emploient trois logiques distinctes pour
permettre de boire de tels liquides :
- מַיִם מְגֻלִּים « Mayim Maghoullim » a été promulgué en raison d'une préoccupation (חֲשָׁשׁ « Hashosh »), et ces lois sont révocables une fois la préoccupation passée.11
- Les Hakhomim ont initialement interdit les Mayim Maghoullim uniquement dans les endroits où les serpents sont communs.12
- Mayim Maghoullim n'est pas une loi adoptée à la majorité, et peut donc être abrogée par n'importe quel Béth Din.13
En
revanche, le Rambo''m14
codifie simplement l'interdiction de la Mishnoh et ne prévoit aucune
exemption pour les individus vivant dans des lieux sans serpents.
Le
Shoulhon
´oroukh15
adopte la deuxième approche des Tôsophôth, soutenant qu’il est
permis de boire des liquides non couverts parce que les serpents ne
sont pas courants.
- Taper des mains et danser à Shabboth
La
Mishnoh16
déclare qu'il est rabbiniquement interdit de taper des mains et des
pieds ou de danser à Shabboth. La Gamoro`
explique que les tapages des mains et des pieds sont interdits parce
que les Hakhomim
craignaient que l'on devienne si enthousiaste qu'on commencerait à
jouer d'un instrument de musique pour accompagner les tapages, et si
l'instrument se cassait, on se mettrait à le réparer le jour du
Shabboth. La Gamoro`17
déclare en outre que beaucoup de gens ont transgressé cette loi, et
donc les Hakhomim
ne l'ont pas rendue publique, en utilisant le principe de מוּטָב
שֶׁיִּהְיוּ שׁוֹגְגִים
« Moutov
Shayyihyou Shôghaghim
– Mieux vaut qu'ils se trompent dans l'ignorance plutôt que
volontairement ».
Les
Tôsophôth commente qu'aujourd'hui, il est permis de taper des mains
et de danser le Shabboth parce que les particuliers ne savent pas
réparer les instruments de musique comme autrefois, et donc, le
souci qui animait l'interdiction talmudique ne s'applique pas.
Le
Rambo''m18
codifie l'interdiction des tapages de mains et des pieds, tout comme
le Shoulhon
´oroukh19.
Le Ramo''` en revanche, emploie deux logiques distinctes pour
permettre des tapages de mains et de pieds et des danses le Shabboth.
La première justifie la pratique en affirmant que les gens
n'écouteront de toute façon pas les Hakhomim
et « et
mieux vaut qu'ils se trompent dans l'ignorance plutôt que
volontairement ».
La seconde autorise la pratique parce que l'interdiction a cessé une
fois que sa raison a été annulée, c'est-à-dire parce que les gens
n'ont plus la capacité comme autrefois de réparer des instruments
de musique par eux-mêmes.
La
distinction entre la première et la deuxième approche du Ramo''`
souligne que les Tôsophôth croyaient affirmativement qu'ils avaient
le pouvoir d'abroger la loi talmudique lorsque la raison ne
s'appliquait pas, et ne trouvaient pas simplement un moyen de
justifier la pratique communautaire. En ce qui concerne les tapages
de mains et de pieds à Shabboth, les Tôsophôth avaient une option
juridique plus conservatrice à leur disposition pour « justifier »
la pratique communautaire - une option qui n'impliquait l'abrogation
d'aucune loi et a été suggérée par le Talmoudh lui-même - à
savoir, « mieux
vaut qu'ils se trompent dans l'ignorance ».
Le choix de ne pas utiliser ce principe talmudique et de soutenir
plutôt que la loi est nulle indique qu'ils pensaient avoir la
capacité d'abroger les lois talmudiques dont les raisons ne
s'appliquaient plus. Autrement dit, si le seul objectif des Tôsophôth
était de justifier la pratique communautaire, ils auraient
simplement pu utiliser le principe de « Moutov ».
En ne choisissant pas la justification proposée dans le Talmoudh, et
en choisissant plutôt d'abroger complètement la loi, les Tôsophôth
démontrent leur croyance en la capacité d'abroger les lois
talmudiques dont les raisons ne sont plus pertinentes.
- Faire des affaires avec des idolâtres les jours de leurs fêtes religieuses
La
première Mishnoh du traité de ´avôdhoh
Zoroh déclare qu'il est interdit de faire des affaires avec des
idolâtres trois jours avant et après leurs fêtes religieuses. La
raison de l'interdiction est que les Hakhomim
craignaient que l'idolâtre rende grâce à sa divinité en raison de
la réussite de la transaction commerciale, et qu'en conséquence, le
Juif ferait indirectement la promotion de l'idolâtrie. Shamou`él
ז״ל
limite
cette interdiction en-dehors de `aras
Yisro`él au jour de la fête elle-même, mais identifie le dimanche
comme un jour où il est toujours interdit de faire des affaires
(puisque c'est le jour de rassemblement des idolâtres ; sans
doute une référence aux chrétiens).20
Le Talmoudh raconte plus tard que deux `ammôro`im, Rov Yahoudhoh
ז״ל
et
Ravo` ז״ל,
ont envoyé des cadeaux aux Gôyim pendant leurs fêtes idolâtres
(malgré la possibilité qu'ils puissent rendre grâce à leur
divinité) parce qu'ils connaissaient personnellement ces Gôyim et
étaient certains qu'ils n'étaient pas des idolâtres.21
Les
Tôsophôth22
suggèrent d'abord que la raison pour laquelle les Juifs
d'aujourd'hui font des affaires avec des idolâtres dimanche est à
cause d'un souci de haine. Si les Juifs s'abstiennent de faire des
affaires avec les idolâtres, ils viendront haïr les Juifs et les
persécuter. Les Tôsophôth rejettent cette raison car elle
n'explique pas suffisamment la portée de l'action autorisée. Il y a
de nombreuses circonstances où le Juif pourrait fournir une excuse
plausible pour expliquer pourquoi il ne faisait pas des affaires le
dimanche - comme affirmer qu'il n'avait pas un article particulier en
stock - auquel cas aucune haine ne serait générée. Les Tôsophôth
affirment plutôt que la raison pour laquelle cela est autorisé est
que les Gôyim du nord de la France n'étaient pas des idolâtres, et
puisque la raison de la loi mishnaïque ne s'appliquait pas, la loi
ne s'appliquait pas non plus. En faisant cet argument, les Tôsophôth
mettent en avant l'action des `ammôro`im qui ont accepté les
cadeaux des Gôyim comme précédent pour cet argument. Une
comparaison avec la codification de ces lois par le Rambo''m illustre
les affirmations innovantes des Tôsophôth.
Le
Rambo''m23
déclare qu'il est interdit de faire des affaires avec les Gôyim
pendant leurs fêtes religieuses. Il fait une exception étroite à
l'envoi de cadeaux aux Gôyim que l'on sait personnellement qu'ils ne
sont pas des idolâtres. En substance, le Rambo''m codifie simplement
l'exemption du Talmoudh dans les termes les plus étroits possibles.
En revanche, les Tôsophôth élargissent le précédent talmudique à
deux niveaux. Premièrement, ils élargissent l'exception de l'envoi
de cadeaux aux Gôyim à la négociation de toutes formes d'affaires
avec eux. Deuxièmement, ils élargissent une exemption qui est
locale et enracinée dans la connaissance individuelle du Juif d'un
Gôy spécifique à une large exemption sociétale qui affirme en
substance qu'il n'y a pas un seul chrétien religieux dans tout le
nord de la France. Une autre possibilité est que les Tôsophôth
portent un jugement non pas sur la religiosité des chrétiens du
nord de la France, mais sur la religion elle-même. En d'autres
termes, les Tôsophôth pourraient faire valoir que les Gôyim du
nord de la France ne sont pas des idolâtres parce que le
christianisme ne serait pas de l'idolâtrie. L'une ou l'autre de ces
deux interprétations des Tôsophôth abroge apparemment une partie
de l'interdiction talmudique - soit la décision de Shamou`él
selon laquelle les chrétiens sont des idolâtres, et que le dimanche
chrétien est une fête idolâtre, soit que la seule exception à
cette règle concerne les cadeaux à des individus que vous
connaissez personnellement pour ne pas être des idolâtres.
Le
Shoulhon
´oroukh24
commence par codifier la position du Rambo''m et interdit les
affaires avec les idolâtres pendant leurs fêtes, mais conclut au
Sa´iph
12
en citant une opinion minoritaire qui limite l'interdiction aux temps
talmudiques, mais la permet dans le présent parce que les Gôyim
d'aujourd'hui ne sont pas comme les idolâtres dont parle le
Talmoudh. Le Ramo''` étend cette indulgence aux situations où vous
savez que l'argent ira aux prêtres parce que les prêtres utilisent
la dîme pour la nourriture et les boissons, et non pour le rituel de
l'église.
- En résumé
Dans
une variété de lois, les Tôsophôth soutiennent qu'une loi
talmudique est nulle lorsque la raison de sa promulgation ne
s'applique plus. Le Rambo''m applique systématiquement la loi du
Talmoudh même lorsque sa raison ne s'applique plus. Le Shoulhon
´oroukh suit généralement Rambo''m dans le respect des lois
talmudiques dont les raisons ne s'appliquent plus. D'autres fois, il
cite toutefois la justification des Tôsophôth comme une opinion
minoritaire, tout en codifiant celle du Rambo''m comme normative.
Enfin, dans de rares circonstances, il adopte la logique des
Tôsophôth et annule les lois talmudiques dont les raisons ne
s'appliquent pas. Dans les situations où le Shoulhon
´oroukh se range du côté du Rambo''m pour faire respecter une loi
talmudique dont les raisons ne s'appliquent plus, le Ramo''` cite
systématiquement la justification des Tôsophôth comme une raison
de ne plus respecter cette loi.
- Conclusion
Le
débat entre les Tôsophôth et le Rambo''m sur cet aspect
fondamental de la Halokhoh
n'a pas cessé à l'époque médiévale. Au contraire, les
discussions concernant la révocabilité ou la permanence des lois
talmudiques sont toujours présentes dans les discussions des Pôsaqim
modernes. Par exemple, le Talmoudh stipule que le lait doit être
supervisé par les Juifs, par crainte que du lait non Koshér n'ait
été mélangé au lait Koshér.25
Le Shoulhon
´oroukh et le Ramo''`conviennent tous deux que cette surveillance
est requise même dans les situations où il est extrêmement
improbable que du lait non Koshér soit mélangé, comme lorsqu'il
n'y a pas d'animaux non Koshér dans la région.26
Pourtant, les Pôsaqim
contemporains débattent toujours de la question de savoir si la
surveillance juive est requise dans une telle situation. Rov Môshah
Feinstein ז״ל
soutient
que la réglementation gouvernementale garantissant qu'aucun lait non
Koshér n'est mélangé est une forme de surveillance suffisante et
qu'une surveillance juive n'est pas requise.27
D'autres Pôsaqim
sont fortement en désaccord et soutiennent que la loi talmudique
s'applique même lorsque la raison n'a plus de raison d'être.28
Autre
exemple : Rov Savi
Schachter29
(citant le Rov Yôséph B. Soloveitchik) tranche qu'il est toujours
interdit de prendre des médicaments le Shabboth malgré le fait que
nous ne broyions plus nos médicaments comme aux temps talmudiques,
parce que les lois talmudiques dont les raisons ne s'appliquent plus
sont toujours contraignantes. À l'inverse, le Rov `avrohom Hayyim
Naeh30
suggère une permission d'en prendre en raison du fait que sa raison
ne s'applique pas, puisque nous ne préparons plus nous-mêmes nos
médicaments mais les achetons déjà faits à la pharmacie.
De
même, concernant l'observance de Yôm Tôv Shéni Shal Golouyôth,
contrairement à ce qui est souvent dit aujourd'hui, il n'y a, en
réalité, aucun consensus quant à savoir s'il faudrait encore à
nos époques respecter un deuxième jour de Yôm Tôv. D'ailleurs,
même le Rambo''m lui-même est ambiguë sur ce sujet. (Voir
l'article intitulé « Yôm
Tôv Shéni Shal Golouyôth ».)
Beaucoup
d'autres exemples de cela abondent. Loin d'être un point de droit
établi, la question de savoir quand et comment les lois du Talmoudh
peuvent être abrogées lorsque leur raison ne s'applique plus est
toujours vivante et présente de nos jours.
1Mishnéh
Tôroh, Hilkôth Mamrim 2:2
2Shamôth
19:15
3Davorim
5:26
4Shamôth
19:13
5´édhiyôth
1:5
6Ibid.,
1:6
7La
base du débat entre le Rambo''m et le Ra`ava''d est leurs
différentes versions qu'ils avaient de la Mishnoh, plus
précisément, si le mot יִסְמֹךְ
dans Mishnoh 5 contient un Wo`w ou pas.
8Mishnéh
Tôroh, Hilkôth Mamrim 2:2-5
9Bavo`
Bathro 134a
10Taroumôth
8:4
11Bésoh
6a
12´avôdhoh
Zoroh 35a
13Le
Ro''sh, Bésoh 1:5
14Mishnéh
Tôroh, Hilkôth Rôséah Oushmirath Naphash 11:6-7
15Yôréh
Dé´oh 116:1
16Bésoh
36b
17Ibid.,
30a
18Mishnéh
Tôroh, Hilkôth Shabboth 23:4
19`ôrah
Hayyim 339:3
20´avôdhoh
Zoroh 7b
21Ibid.,
65a
22Ibid.,
2a
23Mishnéh
Tôroh, Hilkôth ´avôdhoh Zoroh Wahouqqôth
Haggôyim 9:1-2
24Yôréh
Dé´oh 148
25´avôdhoh
Zoroh 39b
26Yôréh
Dé´oh 115:1
28Voir
Tashouvôth Hathoi''m
Sôphér 2:107
29Naphash
Horov 173
30Qasôth
Hashshoulhon 134:4:7