ב״ה
Mayim
`aharônim : une Halokhoh ou une superstition ?
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article peut être téléchargé ici.
Dans
son fameux ספר
המסגיק לעובדי השם « Séfar
Hammaspiq La´ôvadhé HaShem », un ouvrage plus que
passionnant, le fils du Ramba''m ז״ל,
Rabbénou `avrohom ז״ל,
traite, à un moment donné, des מַיִם
אַחֲרוֹנִים « Mayim
`aharônim » (le
lavage des mains qui suit un repas, avant la Birakhath Hammozôn).
Lorsqu'on demande la raison de cette Halokhoh, l'explication
traditionnelle consiste à dire que ce lavage des mains sert à
retirer le מֶלַח
סְדוֹמִית « Malah
Sadhômith » (sel sodomite) qui se serait accroché aux mains
pendant que l'on mangeait. Apparemment, le sel utilisé durant les
repas adhérait aux mains et pouvait être dangereux s'il finissait
dans l’œil. Par conséquent, un lavage des mains fut rescrit pour
éviter ce danger. C'est ainsi que le Ramba''m écrit ceci dans son
Mishnéh Tôroh1 :
Chaque
fois [que quelque chose contient] du sel, il est nécessaire de se
laver les mains par la suite, par crainte que s'il y avait du sel
sodomite ou du sel dont la nature est comparable à celle du sel
sodomite, et qu'on passait ses mains sur ses yeux on
s'aveuglerait. C'est à cause de cela qu'ils ont imposé de laver
les mains à la fin de tout repas ; à cause du sel. Dans un
camp [militaire], nous exemptons du lavage des mains au début
[d'un repas], parce qu'ils sont impliqués dans une guerre. Mais
nous obligeons [au lavage qui vient] après [le repas], à cause
du danger.
|
כָּל
אֶת הַמֶּלַח,
צָרִיךְ
נְטִילַת יָדַיִם בָּאַחֲרוֹנָה--שֶׁמֶּא
יֵשׁ בּוֹ מֶלַח סְדוֹמִית אוֹ מֶלַח
שֶׁטִּבְעוֹ כְּטֶבַע מֶלַח סְדוֹמִית,
וְיַעְבִיר
יָדָיו עַל עֵינָיו וְיִסָּמֵה;
וּמִפְּנֵי
זֶה חִיְּבוּ לִטֹּל יָדַיִם בְּסוֹף
כָּל סְעוֹדָה,
מִפְּנֵי
הַמֶּלַח.
וּבַמַּחֲנֶה,
פְּטוּרִין
מִנְּטִילַת יָדַיִם בַּתְּחִלָּה,
מִפְּנֵי
שְׁהֶן טְרוּדִין בַּמִּלְחָמָה;
וְחַיָּבִין
בָּאַחֲרוֹנָה,
מִפְּנֵי
הַסַּכָּנָה
|
Rabbénou
`avrohom écrit ceci :
Extérieurement,
la raison donnée par la Halokhoh pour les Mayim `aharônim
est afin de prévenir les risques causés par le sel sodomite.
D'après moi, la raison des Mayim `aharônim
et pourquoi les Rabbins les a rendu plus importantes que le lavage
qui précède le repas ainsi qu'ils l'ont dit, « Le lavage
qui précède le repas est une Miswoh ; le
lavage qui suit le repas est une obligation ; et dans un camp
[militaire], on n'a pas l'obligation de se laver avant un repas, mais
on est obligé de se laver après le repas », est que l'on
a besoin de se préparer à la Birakhath Hammozôn, qui est une
obligation toranique et une prière mineure. Ils ont invoqué le
danger comme raison exotérique et l'ont énoncée dans la Halokhoh
afin que les gens la prennent au sérieux et ne soient pas
négligents, les faisant craindre pour leur vie. Je rapporte une
chose similaire de mon père ע״ה
sur
les propos suivants des Rabbins « On ne doit pas manger en
paires, ni boire en paires »2.
Il a dit que la raison de cette interdiction est afin d'éloigner les
gens de la coutume consistant à faire des doublons dans le Béth
Hammiqdosh, les gens le faisant afin d'être [doublement] bénis. Par
conséquent, les Rabbins dirent cela et l'attachèrent à un danger
afin de les empêcher de le faire.
Rabbénou
`avrohom rapporte donc que son père, le Ramba''m, a expliqué la
fameuse interdiction des זוּגוֹת
« Zoughôth »
(paires), qui est traitée dans la Gamoro` de Pésahim. La
raison supposée telle qu'elle est donnée par la Gamoro` est que les
paires sont dangereuses, apparemment pour des raisons mystiques ou
spirituelles, et pourraient nuire à celui qui les consomme. Le
Ramba''m était dérangé par cette raison, car elle semble soutenir
la superstition. Par conséquent, il a expliqué qu'il existait une
superstition parmi les gens qui se rendaient au Béth Hammiqdosh, qui
cherchaient toujours à ne consommer un aliment que par multiples de
deux, comme un talisman, et les Rabbins avaient cette croyance en
horreur. Pour dissuader les gens de le faire, les Rabbins
prétendirent que cette pratique était dangereuse et nuisible,
sachant pertinemment bien que c'était là la seule chose qui pouvait
dissuader les masses de continuer à s'y adonner. Rabbénou `avrohom
poursuit :
Ce qui a attiré
mon attention et m'a fait réanalyser la raison des Mayim `aharônim
est la règle selon quoi « immédiatement après s'être lavé
[les mains], on doit faire la bénédiction » et l'interdiction
d'utiliser de l'eau chaude, parce que l'eau chaude ne nettoie pas. Si
la raison pour le lavage qui suit le repas était le danger, ces
restrictions n'auraient pas été appliquées. En outre, les Rabbins
donnèrent l'explication pour justifier d'utiliser une bonne huile
[sur les mains après le repas] : « parce qu'une
personne sale n'a pas la permission d'adorer [dans le Béth
Hammiqdosh] ».3
C'est une preuve pour ma thèse, pour celui qui comprend ! Ce
n'est pas juste une allusion. Faîtes soigneusement attention, car
c'est un secret qui n'est compris que par les érudits !
Rabbénou
`avrohom argue que si la raison de l'obligation de se laver les mains
après un repas est afin d'éviter une situation dangereuse, pourquoi
est-ce qu'alors la Halokhoh interdit-elle explicitement de repousser
la bénédiction après s'être lavé les mains ? Le fait de
devoir faire la bénédiction immédiatement après le lavage des
mains indique que ce lavage est bien à des fins d'une Miswoh,
et non pas en raison d'un danger, car on ne fait jamais de
bénédiction pour un précepte rabbinique ayant été institué en
raison d'un danger ! Il renvoie ensuite à la Gamoro` qui exige
qu'une huile de qualité soit utilisée pour oindre les mains après
le repas, et explique cette exigence en comparant la Birakhath
Hammozôn au service dans le Béth Hammiqdosh. À l'évidence, les
Rabbins considéraient donc la Birakhath Hammozôn comme un
remplacement ou un processus similaire à celui qui se faisait dans
le Béth Hammiqdosh (d'ailleurs, ils ont enseigné qu'en l'absence du
Béth Hammiqdosh, notre table sur laquelle nous mangeons remplace
l'autel des Qorbonôth). Tous les services réalisés dans le Béth
Hammiqdosh nécessitaient un lavage des mains, et de même en est-il
de la Birakhath Hammozôn. En fait, nous savons que les Rabbins
considéraient la prière comme équivalent aux Qorbonôth.4
De
nombreuses leçons peuvent être tirées de cette discussion. La
coutume générale qui prévaut de nos jours consiste à apporter
après le repas une petite coupe ou un plateau en argent avec une
toute petite coupe pour les Mayim `aharônim afin de laver
uniquement les bouts des doigts. Cette pratique est basée sur les
Tôsofôth5
ז״ל
qui
disent qu'à nos époques, il n'y a plus d'inquiétude à avoir
concernant le Malah Sadhômith, puisque ce genre de sel n'est
plus disponible. Par conséquent, les Mayim `aharônim ne sont
plus obligatoires. Les gens se lavent donc uniquement de façon
symbolique plutôt qu'afin de réaliser une Miswoh, d'où la
pratique consistant à ne se laver que les bouts des doigts et non la
main entière. Mais de l'autre côté, le Ramba''m ne fait pas cette
distinction, rendant obligatoires les Mayim `aharônim même à
nos époques, comme nous pouvons le voir au Chapitre 6 des Hilkôth
Barokhôth de son Mishnéh Tôroh (qui est d'ailleurs téléchargeable
sur le blog, dans la colonne de droite). Il est donc clair que les
Mayim `aharônim doivent se réaliser de la même façon que
l'on réaliserait le lavage des mains qui précède le repas,
c'est-à-dire en utilisant un Kali (récipient), en versant au moins
une Ravi´ith sir chaque main jusqu'aux poignets, etc. L'explication
donnée par Rabbénou `avrohom confirme cela.
En
outre, cela concorde également avec les raisons des autres lavages
des mains halakhiquement obligatoires. Nous nous lavons les mains
avant le repas en guise de préparation à la consommation du pain
(qui est un aliment d'une grande importance) ; nous nous lavons
les mains avant la prière (ou le Shama´) en guise de préparation à
cette activité spirituelle. De la même manière, concernant les
Mayim `aharônim qui précèdent la Birakhath Hammozôn,
Rabbénou `avrohom explique que la Birakhath Hammozôn est une Miswoh
biblique qui a le statut d'une prière mineure. Or, la prière a été
organisée de façon à ressembler au service qui se faisait dans le
Béth Hammiqdosh ; tout comme le lavage des mains était requis
avant de pouvoir apporter le Qorban Tomidh, le lavage des mains est
requis avant la prière. Cette idée est également mentionnée par
le Béth Yôséf, où il cite une Tashouvoh du Rashba''` ז״ל.
Le Ramba''m aussi fait ce parallèle dans les Hilkôth Tafilloh
Ouvirakhath Kôhanim 4:3. Rabbénou `avrohom l'applique donc
également au Mayim `aharônim, et conclut que c'est un lavage
nécessaire pour se préparer à la Birakhath Hammozôn (une mini
prière), tout comme on fait des ablutions pour se préparer à la
prière (les Shamônah ´asréh). Et notre pratique consiste
effectivement à faire les Mayim `aharônim de la même
manière que nous faisons le lavage des mains qui précède le repas,
et également avec la bénédiction de « ´al Natilath
Yodhoyim ». (Et c'est aussi ce que défend d'autres Ri`shônim,
comme par exemple le Ra`ava''d ז״ל.)
Ce
qui est particulièrement intéressant dans tout cela est le contexte
qu'utilise Rabbénou `avrohom pour introduire cette idée. Il
réfléchit et n'accepte pas la raison donnée par la Gamoro` pour
les Mayim `aharônim, car à première vue cela n'a aucun sens
pour lui. Il compare ensuite son objection à la raison du danger
donnée pour justifier les Mayim `aharônim à la raison
donnée pour l'interdiction des Zoughôth. Cela indique qu'il
considérait clairement l'explication du danger du sel sodomite comme
de la pure superstition plutôt qu'un fait scientifique. Il a donc
fouillé dans le Talmoudh et découvert que ce ne pouvait être la
raison réelle de cette Halokhoh. Nous avons ici une approche très
rationnelle, voire straussienne, de la Halokhoh, où une raison
ésotérique est combinée à une raison exotérique. Rabbénou
`avrohom ajoute que la raison pour laquelle la vraie raison fut
gardée secrète est parce que cela n'aurait pas garanti que le
peuple de cette époque-là y adhère. Les Rabbins ont alors donné
une raison qui pousserait les masses à suivre leur décret.
Cela
donne un excellent exemple de la manière dont le Talmoudh devrait
être étudié, de sorte que tout puisse concorder avec la raison.
1Hilkôth
Barokhôth 6:4
2Pésahim
109b ; c'est-à-dire que l'on ne doit pas manger ou boire
deux aliments ou un multiple de deux aliments
3Barokhôth
53b
4Voir
le Mishnéh Tôroh, Hilkôth Tafilloh Ouvirakhath Kôhanim 1:5,
ou l'article intitulé « Les
lois relatives à la prière – Première Partie »
5Sur
Barokhôth 53b