jeudi 31 mars 2016

Le sens du mot « Pasah »

ב״ה

Étymologie des mots dans la Langue Sainte

Le sens du mot « Pasah »


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Dans trois semaines, nous célébrerons la très importante fête de פֶּסַח « Pasah » ou פֵּסַח « Pésah » (bien que les gens emploient communément l'orthographe « Pésah », le mot s'écrit toujours « Pasah » dans la Tôroh. C'est l’orthographe biblique que nous emploierons dorénavant), qui marque l'époque de notre délivrance. Tout comme nous l'avions fait pour Pourim, nous allons profiter de ces quelques semaines pour analyser des termes intéressants apparaissant dans la Haggodhoh ou étant en lien avec Pasah. Quoi de plus naturel que de commencer par le nom-même de cette fête ?

Il est clair que le mot פֶּסַח « Pasah » est lié à la racine verbale פַּסַח « Pasah ». Les deux termes sont employés pour la première fois au Chapitre 12 de Shamôth, versets 11 et 13 :

וְכָכָה, תֹּאכְלוּ אֹתוֹ--מָתְנֵיכֶם חֲגֻרִים, נַעֲלֵיכֶם בְּרַגְלֵיכֶם וּמַקֶּלְכֶם בְּיֶדְכֶם; וַאֲכַלְתֶּם אֹתוֹ בְּחִפָּזוֹן, פֶּסַח הוּא לַיהוה... וְהָיָה הַדָּם לָכֶם לְאֹת, עַל הַבָּתִּים אֲשֶׁר אַתֶּם שָׁם, וְרָאִיתִי אֶת-הַדָּם, וּפָסַחְתִּי עֲלֵכֶם; וְלֹא-יִהְיֶה בָכֶם נֶגֶף לְמַשְׁחִית, בְּהַכֹּתִי בְּאֶרֶץ מִצְרָיִם

Afin de ne pas influencer votre compréhension du verbe « Pasah », nous n'avons pas traduit les versets susmentionnés, mais en gros le verset 11 déclare que « vous aurez une Pasah pour HaShem », tandis que dans le verset 13 HaShem déclare « Je Pasah sur vous ». Il existe trois sens à cette racine verbale. Passez-les en revue une à une.

  1. Passer

C'est la définition la plus connue et mentionnée. Comment est-elle devenue si populaire ? En réalité, cette traduction est devenue dominante au milieu des Juifs parce que la Vulgate traduit la racine « Pasah » par « passer au-dessus » (« transire » en Latin). (Nous avions déjà pu mentionner dans l’article intitulé « Quels sont les liens qui unissaient Mordokhay et `astér ? » l'influence des bibles Catholiques sur la compréhension des Juifs.) Il est d'ailleurs très intéressant de signaler que ce fut le théologien Chrétien William Tyndale qui inventa le terme « Passover » (le terme par lequel Pasah est désigné en Anglais, et qui signifie « passer au-dessus »). avant lui, « Pasah » était toujours traduit par les Chrétiens « Pascal » ou « Pask ».

Une idée similaire est exprime dans des sources juives, telles que le Makhilto` (qui cite Rébbi Yôsha´yoh` ז״ל), le Rashbam ז״ל ou encore Rash''i ז״ל, qui disent seulement qu'il s'agit d'une des options de traductions, mais pas la seule, ni la meilleure. Ce sont les sources chrétiennes qui ont poussé les Juifs à l'adopter en priorité.

Selon cette traduction, le verset 13 devrait donc se comprendre par « Je passerai au-dessus de vous ».

  1. Avoir compassion

C'est la traduction fournie par le Targoum `ônqalôs, la version araméenne officielle de la Tôroh utilisée dans toutes les synagogues palestiniennes des temps talmudiques, deux Sages dans le Makhilto` (un anonyme et Rébbi Yônothon ז״ל), ainsi que par Rash''i.

De ce fait, le verset 13 pourrait se traduire par « J'aurai compassion de vous ».

  1. Protéger

Cette définition apparaît dans la Tôsafto`1, le Targoum Yônothon ban ´ouzzi`él, le Makhilto` et peut également être soutenu par le verset suivant2 :

Comme des oiseaux qui voltigent [sur leur couvée], -ainsi `adhônoy Savo`ôth couvrira Jérusalem, la couvrant, la sauvant, la protégeant (Posôah) et la secourant.
כְּצִפֳּרִים עָפוֹת--כֵּן יָגֵן יהוה צְבָאוֹת, עַל-יְרוּשָׁלִָם; גָּנוֹן וְהִצִּיל, פָּסֹחַ וְהִמְלִיט

De ce fait, le verset 13 pourrait se traduire par « Je vous protégerai ».

Il existe une forte connexion entre « protéger » et « avoir compassion », et l'un a très bien pu mener à l'autre. De par les sources qui rapportent ces deux traductions, il semble clair qu'il s'agisse des plus anciennes et des plus fiables, bien plus que la première traduction (passer au-dessus).

Il existe une racine arabe liée à « Pasah », à savoir, « Fassah», qui signifie « allonger », « faire de l'espace », « donner une place plus grande à ». Ce même verbe signifie également « sauver », et est une preuve supplémentaire de l'authenticité de la traduction « protéger ».

Comme l'ont fait remarquer certains rabbins, cette racine arabe peut nous permettre de comprendre un passage difficile contenu dans la Haggodhoh de Pasah, qui n'a pas de sens si on le comprend de la façon habituelle. Juste au moment où on commence le Sédhar à proprement parler, la Haggodhoh s'ouvre par l'invitation suivante : כָּל דִּצְרִיךְ יֵיתֵי וְיִפְסַח « Kôl Disrikh Yéthé Wayifsah ». Ces mots sont généralement interprétés comme voulant dire : « Quiconque est dans le besoin, vienne et se joigne à nous pour la consommation de l'agneau pascal ». Mais cela n'est pas cohérent. En effet, la Halokhoh stipule que le sacrifice pascal ne peut être consommé que par ceux qui avaient réservé une portion avant qu'il n'ait été égorgé. Mais une fois que le Sédhar de Pasah commence, il est trop tard pour ajouter des participants !

En se basant sur l'équivalent Arabe du verbe « Pasah », nous devons comprendre que cette « invitation » n'était pas destinée à des étrangers Juifs, mais bien à des étrangers Gôyim. Le Talmoudh rapporte effectivement que les Juifs de Babylone se virent imposer par la loi d'inviter des soldats du roi chez eux à des périodes de crise. (Cela se fait encore jusqu'à aujourd'hui, où des militaires en guerre logent , mangent ou trouvent parfois abris dans les maisons des citoyens locaux.) C'est la raison pour laquelle cette invitation fut formulée en Araméen. Afin d'éviter de transgresser l'interdiction de faire à manger pour un Gôy un jour de Yôm Tôv, l'invitation était faite après que le repas ait commencé (étant donné que plus aucune nourriture ne pouvait alors être ajoutée).

En prenant en compte ce fait historique, peut-être que le sens le plus approprié à donner au mot וְיִפְסַח « Wayifsah » est « faire de la place à » (comme la racine Arabe), de sorte que l'invitation devrait se comprendre ainsi : « Quiconque es dans le besoin, vienne et on lui fera de la place », et ne se référait donc pas du tout au sacrifice pascal.

1Sôtoh Chapitre 4

2Yasha´yohou 31:5
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