dimanche 6 mars 2016

Le sionisme & les Harédhim

ב״ה

Le sionisme & les Harédhim


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Je reçois beaucoup de questions sur la position des Harédhim sur le sionisme, quelles sont les communautés Harédhim sionistes, celles qui ne le sont pas, quelle est la position de tel ou tel rabbin Harédhi vis-à-vis du sionisme, etc. Comme c'est le cas pour de nombreux sujets, il n'existe pas une position commune, et l'attitude Harédhi à l'égard du sionisme variera drastiquement d'une communauté à l'autre, voire même d'une personne à une autre au sein de la même communauté.

De façon générale, il existe cinq façons différentes de percevoir le sionisme. Il est important de bien comprendre ces cinq perspectives afin de notamment pouvoir savoir où se situe exactement les rabbins et communautés Harédhim sur cette question. Il convient de signaler qu'une personne peut très bien se trouver entre deux « camps », ou passer d'une perspective à une autre. De même, on peut très bien adhérer à un groupe sans en partager tous les points doctrinaux concernant le sionisme.

  • Premier groupe

Les membres du premier groupe considèrent le sionisme comme étant une manifestation des forces du mal. Ils croient sincèrement que le sionisme est responsable de la plupart des maux qui assaillent le Judaïsme et les Juifs, et qu'après « l'Holocauste » HaShem ית׳ aurait fait venir le Moshiah si les sionistes ne se seraient pas emparés de la Terre Sainte et déclaré la création d'un état. En `aras Yisro`él, ils refusent toute collaboration avec l’État, qu'ils ne reconnaissent pas, ainsi que d'être financés de quelque façon par lui. Les membres de ce groupe incluent les deux factions de Satmar (les Zalmanim et les Ahronim), Nétouréi Karta, et d'autres communautés composant la ´édhoh HaHarédhith.


  • Deuxième groupe

Les membres du deuxième groupe voient le sionisme de façon négative, mais sont prêts à collaborer politiquement avec eux, et ne contestent pas la légitimité de l’État depuis qu'il a été fondé, car ils l'acceptent comme un fait irréversible (bien qu'ils s'opposaient à un « état juif » avant qu'il y en ait un). En `aras Yisro`él, ils « se bouchent le nez », pour ainsi dire, et se joignent sans problème aux partis sionistes et d'autres pour former des coalitions gouvernementales. Ils acceptent les fonds du gouvernement israélien, et en fait, ils recherchent activement à en recevoir. Dans le même temps, ils ne célèbrent pas les fêtes sionistes. Les membres de ce groupe incluent des communautés affiliées de la World Agudath Israel, une organisation internationale regroupant diverses communautés de Harédhim hassidiques (comme par exemple, Gour ou Belz) et Litvaqim.


  • Troisième groupe

Les membres de ce groupe sont des soutiens inconditionnés de l’État d'Israël. Ils font des dons à l’État, prient pour le bien-être des soldats israéliens, et un petit pourcentage d'entre eux, s'ils vivent en `aras Yisro`él, s'enrôlent dans Tsahal (le bataillon « Nahal Harédhi » inclut majoritairement des Harédhim de ce groupe-ci). L'écrasante majorité des Harédhim américains oscillent entre les groupes 2 et 3, mais penchent plus vers le groupe 3. La majorité des Rébbé`im des membres du groupe 3 appartenaient précédemment au groupe 2, et certains faisaient même partie du groupe 1. Les membres du groupe 3 n'ont pas de nom, et préfèrent simplement être identifiés en tant que Harédhim.


  • Quatrième groupe

Les membres de ce groupe considèrent le sionisme comme le רֵאשִׂית צְמִיחַת גְּאֻלָּתֵנוּ « Ré`shith Samihath Ga`oullothénou – début du germe de notre rédemption ». Ils soutiennent que le mouvement sioniste est l'instrument qu'HaShem utilisera pour amener la rédemption messianique. Par conséquent, ils récitent le Hallél avec une bénédiction au jour de l'indépendance de l’État d’Israël. Néanmoins, ils s'opposent à la nature séculière de l’État d'Israël, et beaucoup d'entre eux aspirent même à instaurer un « état halakhique », c'est-à-dire ayant pour seule constitution la Tôroh et la Halokhoh, comparable au Royaume de Dowidh Hammalakh ע״ה et Shalômôh Hammalakh ע״ה. Les membres de ce groupe sont des Juifs totalement pratiquants. Ce groupe est appelé חַרְדָּ"ל « Hardo''l », qui est un acronyme de חַרֵדִי דָתִי לְאוּמִּי « Harédhi Dhothi La`oummi – Harédhi religieux nationaliste ». Il est très populaire auprès des colons.


  • Cinquième groupe

Les membres de ce groupe considèrent également, comme ceux du précédent, que le sionisme est le début du germe de la rédemption du peuple d'Israël, mais sont moins stricts dans leur pratique religieuse que les membres de tous les autres groupes susmentionnés. Ils ne se décrivent pas comme « Hardo''l », mais simplement comme דָּתִי « Dothi – religieux ». Les hommes porteront une Kippoh, mais pas nécessairement des Sisith. Ils respectent le Shabboth en ce qu'ils s'abstiennent des Malo`khôth explicites, mais ne s'interdisent pas forcément ce qui est techniquement permis mais seulement déconseillé (par exemple, l'écrasante majorité des Pôsqim s'accordent pour dire que regarder la télévision à Shabboth n'est la transgression d'aucune Malo`khoh, mais n'approuvent pas la pratique car ils estiment que cela va à l'encontre de l'esprit du Shabboth, ou que l'on peut la classer dans la catégorie des « activités de semaine ». Ainsi, un Dothi pourrait regarder la télévision, tout en respectant les interdits explicites du Shabboth). Ils respectent également la Kashrouth.


  • Interaction entre ces cinq groupes

Les membres du groupe 1 s'en prennent souvent à ceux du groupe 3, principalement en `aras Yisro`él, tout en épargnant ceux du groupe 2. C'est ainsi Nétouréi Karta ou Natruna ne critiqueront jamais frontalement la Agudat Israel, ni les partis politiques Harédhim israéliens, préférant prêcher, à qui voudrait bien l'entendre, que « les Harédhim ne sont pas sionistes », ce que nous avons montré ci-dessus comme étant faux !

Il existe de nombreux prétendus « Gadhôlim » qui sont, dans l'imaginaire populaire, associés au groupe 2, alors qu'en fait ils appartiennent au groupe 3. Un exemple classique est le Rov `éliyohou Mé`ir Blokh, de la Yashivoh Litvaq de Telz. Il faisait certainement partie du groupe 3, en raison de son insistance pour que les gens participent en masse à la journée de parade pour Israël, organisée chaque année aux États-Unis. Il prit également régulièrement la parole lors d'événements organisés aux États-Unis en l'honneur du jour de l'indépendance de l’État d'Israël.

En réalité, de nombreux prétendus « Gadhôlim » du groupe 3 évitent de s'exprimer trop ouvertement afin de ne pas s'aliéner leurs collègues du groupe 2.

De nombreux membres du groupe 2 évitent avec soin de lire les ouvrages associés aux membres du groupe 4.

En `aras Yisro`él, les membres du groupe 3 n'ont pas d'infrastructures significatives. Ils n'ont pas de systèmes scolaires (contrairement aux autres groupes) et n'ont pas vraiment de communautés dans lesquelles se caser, en raison notamment du fait qu'ils sont très mal perçus par la communauté Harédhi en général. Ils enrôlent fréquemment leurs enfants dans des écoles affiliées au groupe 2. Mais si leurs enfants reviennent à la maison avec des critiques antisionistes enseignées à l'école, certains parents affiliés au groupe 3, selon leur degré de frustration, pourraient soit les enrôler alors dans des écoles situées entre le groupe 2 et 3 (c'est-à-dire, moins ouvertement antisionistes), immigrer aux États-Unis (où il y a un système scolaire pour les personnes du groupe 3), ou encore carrément les enrôler dans une école du groupe 4.

Si quelqu'un identifie un pseudo « Godhôl » comme appartenant au groupe 3, les membres du groupe 2 pourraient se mettre en colère et accuser de « Loshôn Hora´ » l'auteur d'une telle affirmation (en dépit des faits). Malgré leurs protestations, il est clair et évident que des prétendus « Gadhôlim » comme le Rov Savi Pésah Frank, le Rov `éliyohou Mé`ir Blokh, ou encore le Rov `aharôn Leib Shteinman, font partie du groupe 3. Même le Rov Hayim Kanievsky, qui à l'origine était plus proche du groupe 2, a jeté son dévolu sur le Rov Shteinman, parce que son beau-père, le Rov Yôséf Sholôm Eliashiv soutenait Shteinman. Ainsi, même lui peut être intégré dans le groupe 3.

Comme cela a été dit plus haut, il est possible pour quelqu'un d'hésiter entre différents groupes. Par exemple, d'éminents rabbins, avant la Seconde Guerre Mondiale, étaient plus proches du groupe 1 que du groupe 2, mais ont plus tard fini par être de grands adhérents au groupe 2.


Voilà comment nous pouvons résumer les différentes attitudes du monde Harédhi concernant le sionisme, qui vont de l'ultra-antisionisme au sionisme religieux radical. Excepté ceux des groupes 4 et 5, qui ne s'habillent généralement pas en vêtements Harédhim, ne cherchez pas la différence dans l'habillement, car les Harédhim tendent à s'habiller de plus en plus de façon identique, qu'il s'agisse de Mithnagdim/Litvaqim (opposants au Hassidisme) ou de Hasidhim. Leurs différences se trouvent dans l'idéologie, la pratique religieuse, et la manière de percevoir le monde extérieur.
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