samedi 16 mai 2015

Mishnéh Tôroh VS Shoulhon ´Oroukh : La récitation du Shama´ II

בס״ד

Mishnéh Tôroh VS Shoulhon ´Oroukh


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La récitation du Shama´ II

Rabbi Yôséf Qa`rô זצ״ל rapporte que deux bénédictions sont récitées avant le Shama´ en lui-même. La première est celle de יוצר אור « sér `Ôr » :

`Ôrah Hayyim 59:1
« Boroukh `Attoh `Adhônoy `Alôhénou Malakh Ho´ôlom Yôsér `Ôr Ouvôré` Hôshakh » : ils ont décrété de faire mention de l'aspect de la nuit durant la journée pour rejeter la pensée des `Appiqôrsim, qui disent que celui qui a créé la lumière n'a pas créé l'obscurité.1
ברוך אתה ה' אלהינו מלך העולם יוצר אור ובורא חושך תקנו להזכיר מדת לילה ביום להוציא מלב האפיקורסים שאומרים שמי שברא אור לא ברא חושך

Le Rambam זצ״ל mentionne également cette bénédiction2, et aussi bien lui que Rabbi Yôséf Qa`rô la rapportent dans une version très longue, qui est d'ailleurs récitée dans toutes les communautés aujourd'hui, alors que dans sa version d'origine, cette bénédiction, rapportée dans le Talmoudh lui-même, était très courte et composée uniquement que des deux petites phrases suivante3 : ברוך אתה ה' אלוהינו מלך העולם, יוצר אור ובורא חושך עושה שלום ובורא את הכול. ברוך אתה ה', יוצר המאורות « Boroukh `Attoh `Adhônoy `Alôhénou Malakh Ho´ôlom Yôsér `Ôr Ouvôré` Hoshèkh, ´Ôsah Sholôm Ouvôré` `Ath Hakkôl. Boroukh `Attoh `Adhônoy Yôsér Hamma`ôrôth – Sois béni HaShem notre Dieu, Roi de l'Univers, Qui forme la lumière et crée l'obscurité, Qui accomplit la paix et crée toute chose. Sois béni HaShem, Qui forme les luminaires ». Le Talmoudh nous informe que cette bénédiction est une reformulation positive du verset de Yasha´yohou 45:7.

Toutes les autres phrases qui se retrouvent dans les versions d'aujourd'hui ont été rajoutées à partir de l'ère des Ga`ônim. En outre, les Ga`ônim instituèrent également une version pour les jours de semaine et une version pour Shabboth de cette bénédiction, alors que la version des jours de semaine et du Shabboth était la même dans les temps talmudiques.

Quant à la deuxième bénédiction, voici ce qui nous est dit par Rabbi Yôséf Qa`rô :

`Ôrah Hayyim 60:1
La deuxième bénédiction est « `Ahavath ´Ôlom ». Et elle ne commence pas par « Boroukh » parce qu'elle est soutenue par la bénédiction de « sér `Ôr ».
ברכה שנייה אהבת עולם. ואינה פותחת בברוך מפני שהיא סמוכה לברכת יוצר אור

Sur cette règle du Shoulhon ´Oroukh, le Ram`o זצ״ל commente ceci :

Et il y en a qui disent « `Ahavoh Rabboh ». Et telle est la coutume de chaque `Ashkanaz
ויש אומרים אהבה רבה וכן נוהגין בכל אשכנז

Cette bénédiction est également mentionnée par le Rambam :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 1:64
La première bénédiction qui le précède le jour est « sér `Ôr ». La deuxième bénédiction, qui lui est associée, est « `Ahavath ´Ôlom `Ahavtonou ».
ברכה ראשונה שלפניה ביום, יוצר אור; שנייה לה, אהבת עולם אהבתנו

Il convient de noter que beaucoup de controverses et de mystères entourent cette deuxième bénédiction qui précède la récitation du Shama´ du matin. Il est rapporté ceci dans le Talmoudh :

Barokhôth 11b
Et quelle est l'autre [bénédiction] ?5 Rov Yahoudhoh a dit au nom de Shamou`él : « `Ahavoh Rabboh ». De même, Rébbi `Él´ozor a ordonné à son fils, Rébbi Pédhath, de dire « `Ahavoh Rabboh ». Il a été enseigné dans le même ordre d'idée : « On ne dit pas ''`Ahavath ´Ôlom'', mais ''`Ahavoh Rabboh'' » Mais les Rabbins disent : « `Ahavath ´Ôlom ». Et il est également dit6 : « Et d'un amour éternel Je t'ai aimé ; c'est pourquoi, Je t'ai attiré avec affection ».
ואידך מאי היא אמר רב יהודה אמר שמואל אהבה רבה וכן אורי ליה רבי אלעזר לר' פדת בריה אהבה רבה תניא נמי הכי אין אומרים אהבת עולם אלא אהבה רבה ורבנן אמרי אהבת עולם וכן הוא אומר ואהבת עולם אהבתיך על כן משכתיך חסד

Nous voyons donc qu'il existait deux versions de la deuxième bénédiction précédant le Shama´ du matin. Une Baraytho` (tradition remontant aux temps de la Mishnoh mais non reprise dans la Mishnoh) est citée dans cette Gamoro` pour soutenir l'opinion selon quoi il faudrait dire « `Ahavoh Rabboh », mais la Gamoro` se conclut en rapportant que la majorité des Sages préconisaient de dire « `Ahavath ´Ôlom », d'autant plus que les mots « `Ahavath ´Ôlom » (qui signifient « d'un amour éternel ») étaient basés sur un verset biblique (et la plupart des prières s'appuient d'ailleurs sur des versets bibliques).

Cette controverse s'est poursuivie jusqu'aux temps médiévaux, sans avoir été réglée. En guise de position de compromis, les `Ashkanazim décidèrent de réciter une bénédiction commençant par les mots « `Ahavoh Rabboh » lors du Shama´ du matin, et une bénédiction commençant par les mots « `Ahavath ´Ôlom » lors du Shama´ du soir. Par contre, les Safaradhim et les Juifs de rite italien font commencer aussi bien pour le Shama´ du matin que pour celui du soir ces bénédictions par les mots « `Ahavath ´Ôlom ».

En outre, étant donné que c'est le seul passage talmudique qui traite du sujet, il est impossible de savoir si cette différence d'opinion ne concernait que la phrase d'introduction de cette bénédiction, ou s'il s'agissait de deux bénédictions différentes. En d'autres mots, « `Ahavoh Rabboh » et « `Ahavath ´Ôlom » étaient-elles deux bénédictions ayant un contenu différent mais partageant un thème commun, ou étaient-elles deux bénédictions complètement identiques mais commençant simplement par des mots d'introduction différents ? Du Siddour du Rov Sa´adhyoh Go`ôn זצ״ל, qui fut le tout premier Siddour imprimé, il ressort que les deux bénédictions sont complètement identiques, à l'exception des deux mots d'introduction. Il semble que ce fut également le cas dans les temps talmudiques, car il est inconcevable que deux bénédictions complètement différentes aient pu exister, alors qu'il n'y avait pas de Siddour et que tout était fait pour faciliter la mémorisation des bénédictions et prières (d'où le fait qu'elles étaient formulées simplement, avec le moins de mots possibles).

Dans leurs formes actuelles, les deux prières ont le même thème de base, mais diffèrent considérablement dans leur formulation. Voici les points communs et différences :

  • « `Ahavoh Rabboh » est plus longue et plus complexe que « `Ahavath ´Ôlom ».
  • Les deux bénédictions parlent de l'amour de Dieu tel qu'il s'est manifesté à travers le fait qu'Il ait donné la Tôroh au peuple d'Israël.
  • Les deux bénédictions sont une introduction au Shama´ (l'une pour le Shama´ du matin, et l'autre pour le Shama´ du soir), qui en soi est une récitation de la Tôroh, et promettent une étude continue de la Tôroh et sa mise en application.
  • Dans les deux bénédictions, on supplie Dieu de continuer à faire preuve d'amour envers le peuple d'Israël.
  • Dans « `Ahavoh Rabboh », le thème le plus récurrent est l'élection du peuple d'Israël.
  • « `Ahavath ´Ôlom » se termine par « Sois béni HaShem, Qui aime Son peuple Israël », tandis que « `Ahavoh Rabboh » se termine par « Sois béni HaShem, Qui a choisi Son peuple Israël avec amour ».

D'après l'interprétation que Barokhôth 11b-12a fait de la Mishnoh de Tomidh 5:1, la bénédiction de « `Ahavoh Rabboh » était celle par laquelle les Kôhanim commençaient l'office dans le Béth Hammiqdhosh. Mais le Talmoudh Yarousholmi7 conteste cette lecture du Talmoudh Bavli, et explique que la bénédiction mentionnée dans la Mishnoh de Tomidh 5:1, et par laquelle les Kôhanim commençaient les offices dans le Béth Hammiqdhosh, est la bénédiction sur la Tôroh. Et le Yarousholmi donne des preuves. Par conséquent, nous ne pouvons absolument pas nous appuyer sur cette interprétation du Talmoudh Bavli pour conclure que les Kôhanim faisaient commencer leur deuxième bénédiction du Shama´ par « `Ahavoh Rabboh » plutôt que par « `Ahavath ´Ôlom ». En outre, trois autres indices nous permettent de conclure que « `Ahavath ´Ôlom » est la meilleure formulation :

  1. Comme cela a été rapporté plus haut, les Sages étaient majoritairement d'avis que la bonne formulation commençait par les mots « `Ahavath ´Ôlom » et non « `Ahavoh Rabboh ».
  2. Dans les Siddourim actuels, la bénédiction appelée « `Ahavath ´Ôlom »8 est beaucoup plus courte que celle appelée « `Ahavoh Rabboh »9, ce qui colle beaucoup plus avec le contexte de l'époque, où les bénédictions et prières se devaient d'être courtes afin de pouvoir aisément être mémorisées.
  3. Dans les Siddourim actuels, la bénédiction appelée « `Ahavoh Rabboh » apparaît avec plusieurs variations mineures dans différents Nousahim, tandis que la bénédiction appelée « `Ahavath ´Ôlom », ne varie pratiquement pas d'un Nousoh à l'autre, ce qui est souvent le signe d'une formulation et d'une structure très ancienne qui n'a pas évoluée.

Néanmoins, il est tout bonnement impossible de savoir si la formulation de la bénédiction de « `Ahavath ´Ôlom » telle que nous l'avons aujourd'hui est la même qui existait dans les temps talmudiques.

Lorsque les Ga`ônim ont rajouté des parties à la première bénédiction qui précède le Shama´, la bénédiction de « Yôsér `Ôr », ils ont ajouté une « Qadhoushoh », c'est-à-dire, un endroit où la communauté répond « Qodhôsh Qodhôsh Qodhôsh HaShem Savo`ôth, etc. » et « Boroukh Kavôdh HaShem Mimmaqômô », comme lors de la ´Amidhoh, afin de pousser les Israélites à ne réciter le Shama´ qu'à la Synagogue et avec un Minyon. Mais il y a une divergence d'opinion quant à savoir si cette « Qadhoushoh » dans la bénédiction de « Yôsér `Ôr » peut être récitée lorsqu'on prie seul, ou s'il faut absolument avoir un Minyon comme pour la Qadhoushoh de la ´Amidhoh pour la réciter.

Rabbi Yôséf Qa`rô rapporte ceci :

`Ôrah Hayyim 59:3
Il y en a qui disent que la Qadhoushoh qui se trouve dans « Yôsér » peut être dite [lorsqu'on prie] seul, car ce n'est qu'un récit de choses [qui se sont produites].10 Et il y en a qui disent que [celui qui prie] seul doit la passer et qu'elle ne se dit qu'en communauté. Il y a de quoi se soucier de leurs paroles, et [c'est pourquoi] on prendra soin, [lorsqu'on prie] seul, de la dire avec le Niggoun et les cantillations, comme si on lisait dans la Tôroh.11
יש אומרים שהקדושה שביוצר יחיד אומרה לפי שאינה אלא סיפור דברים ויש אומרים שיחיד מדלגה ואינה נאמרת אלא בציבור ויש לחוש לדבריהם וליזהר שיחיד יאמרנה בניגון וטעמים כקורא בתורה

Commentant cette règle du Shoulhon ´Oroukh, le Ram`o écrit ceci :

Et le Minhogh s'est déjà répandu de suivre la première opinion, et [celui qui prie] seul dit cette Qadhoushoh. Et lorsqu'on répond à cette Qadhoushoh12, on la dit à voix haute.
וכבר פשט המנהג כסברא ראשונה ויחיד אומר אותה וכשעונין קדושה זאת אומרים אותה בקול רם

Mais le Rambam, dans son Mishnéh Tôroh, s'oppose à cette opinion et tranche plutôt ceci :

Hilkhôth Tafilloh Ouvirkhath Kôhanim 7:17
Tel est l’ordre des prières : le matin, un être humain se lève tôt, et il récite ces bénédictions13. Il récite les cantiques14, en récitant la bénédiction qui les précède15 et celle qui les suit16. Puis, il récite le Shama´ en récitant les bénédictions qui précèdent17 et qui suivent18, et il omet la Qadhoushoh de la première bénédiction qui précède [le Shama´], car [celui qui prie] seul ne récite pas la Qadhoushoh19.
סדר תפילות, כך הוא: בשחר, משכים אדם ומברך ברכות אלו, וקורא הזמירות ומברך לפניהן ולאחריהן. וקורא את שמע ומברך לפניה ולאחריה, ומדלג הקדושה מברכה ראשונה שלפניה, שאין היחיד אומר קדושה

Le Rambam considère donc que cette récitation de la Qadhoushoh a le même statut que celle qui est récitée durant la ´Amidhoh, et exige donc qu'elle ne soit récitée qu'avec un Minyon. Le Tour20 זצ״ל cite le Rov Hay Go`ôn זצ״ל comme ayant émis la même opinion que celle du Rambam.

Le Kasaf Mishnéh écrit toutefois que Rabbénou `Avrohom ban HaRambam זצ״ל déclare que son père, le Rambam, a plus tard changé d'avis sur cette Halokhoh et écrit dans une Responsa qu'étant donné que c'était un ajout de la période des Ga`ônim, on devrait réciter cette Qadhoushoh même sans un Minyon. Ce changement d'opinion du Rambam est également rapporté par le `Ôrhôth Hayyim זצ״ל, le Rashb`a זצ״ל et Rabbénou Manôah זצ״ל.

Comme cela a été dit précédemment, il n'existe aucune source talmudique ou midrashique sur cette pratique consistant à réciter une Qadhoushoh dans la première bénédiction qui précède la récitation du Shama´ du matin, puisque ces parties de la bénédiction de « Yôsér `Ôr » ne furent ajoutées que durant l'ère des Ga`ônim.

Rabbi Yôséf Qa`rô rapporte ceci :

`Ôrah Hayyim 61:3
Dans la récitation du Shama´, il y a 245 mots et afin d'atteindre 248 mots pour que cela corresponde aux organes du corps humain, le Shaliah Sibbour doit terminer [le Shama´] par « `Adhônoy `Alôhékham `Amath »21 et répète [ces mots] en les disant à voix haute22.23 Si quelqu'un récite [le Shama´] seul, il doit avoir à l'esprit que les 15 « Wow » qui se trouvent dans « `Amath Wayassiv », ce qui fait 90, correspondent au Nom d'HaShem fois trois, puisque chaque nom vaut 26 + les quatre lettres de chaque mot, c'est-à-dire (26+4) X3 = 90.
בקריאת שמע יש רמ"ה תיבות וכדי להשלים רמ"ח כנגד איבריו של אדם מסיים שליח צבור ה' אלהיכם אמת וחוזר ואומר בקול רם ה' אלהיכם אמת: ואם הוא קורא ביחיד יכוין בט"ו ווין שבאמת ויציב שעולים צ' והם כנגד ג' שמות ההויה שכל שם עולה כ"ו וד' אותיותיו הם ל״

Commentant cette règle, le Ram`o donne une autre interprétation « kabbalistique » des quinze Wow qui se trouvent dans la bénédiction de « `Amath Wayassiv »24, puis il écrit ceci :

Et certains ont écrit que quiconque fait la récitation du Shama´ seul doit dire « `Él Malakh Na`amon. Shama´, etc. », parce que ces trois mots supplémentaires donnent un total de 248 mots et remplacent également le « `Omén » que l'on doit répondre après « Boroukh... Habbohér Ba´ammô Yisro`él Ba`ahavoh »25, et telle est notre coutume. Il me semble que, de toute façon, lorsqu'on récite [le Shama´] avec la communauté, on ne doit pas dire « `Él Malakh Na`amon ». On dit plutôt « `Omén » après que le Shaliah Sibbour ait terminé la [deuxième] bénédiction [qui précède le Shama´], et telle est notre coutume, et elle est correcte.
ויש שכתבו דכל הקורא קריאת שמע ביחיד יאמר אל מלך נאמן שמע וגו' כי ג' תיבות אלו משלימין המנין של רמ"ח והוא במקום אמן שיש לענות אחר ברוך הבוחר בעמו ישראל באהבה וכן נוהגין ונראה לי מכל מקום כשקורא עם הצבור לא יאמר אל מלך נאמן רק יאמר אמן אחר השליח ציבור כשמסיים הברכה וכן נוהגין ונכון הוא

Le Rambam ne mentionne aucune de toutes ces coutumes, qui n'existaient pas dans les temps talmudiques, et qui ne sont mentionnées d'ailleurs dans aucun des écrits des Ga`ônim et des Ri`shônim.

Le Talmoudh, dans Barokhôth 11b, rapporte qu'après le Shama´, la bénédiction de « `Amath Wayassiv » est récitée.

C'est également rapporté par Rabbi Yôséf Qa`rô et le Rambam, qui écrivent respectivement ceci :

`Ôrah Hayyim 66:10
Quiconque n'a pas dit « `Amath Wayassiv » au matin et « `Amath Wa`amounoh » au soir n'est pas quitte de son obligation d'accomplir la Miswoh comme elle a été instituée.
כל מי שלא אמר אמת ויציב שחרית ואמת ואמונה ערבית לא יצא ידי חובת המצוה כתקנה

Hilkhôth Qiryath Shama´ 1:6
La première bénédiction qui la précède le jour est « Yôsér `Ôr », et la seconde bénédiction qui lui est associée « `Ahavath ´Ôlom `Ahavtonou ». [La bénédiction] qui vient après elle est « `Amath Wayassiv ».
ברכה ראשונה שלפניה ביום, יוצר אור; שנייה לה, אהבת עולם אהבתנו; ושל אחריה, אמת ויציב

Hilkhôth Qiryath Shama´ 1:8
Quiconque ne dit « `Amath Wayassiv » durant le matin et « `Amath `Amounoh » le soir n'est pas quitte de son obligation.
וכל שאינו אומר אמת ויציב בשחרית, ואמת אמונה בערבית--לא יצא ידי חובתו

« `Amath Wayassiv » est la bénédiction récitée après le Shama´ du matin, tandis que « `Amath Wa`amounoh » est celle récitée après le Shama´ du soir.26 Et cette déclaration selon quoi omettre ces bénédictions ne rend pas quitte de son obligation de la récitation du Shama´ provient du passage talmudique suivant :

Barokhôth 12a
Rabboh bar Hinéno` l'Ancien a dit au nom de Rov : « Quiconque n'a pas dit ''`Amath Wayassiv'' au matin et ''`Amath Wa`amounoh'' au soir n'est pas quitte de son obligation, car il est dit27 : ''pour raconter Ta bonté le matin et Ta fidélité durant les nuits'' ».
אמר רבה בר חיננא סבא משמיה דרב כל שלא אמר אמת ויציב שחרית ואמת ואמונה ערבית לא יצא ידי חובתו שנאמר (תהילים צב) להגיד בבקר חסדך ואמונתך בלילות

Mais il est très facile de prouver à partir des cinq pages suivantes de la Gamoro` (12a à 14b) que cette Barokhoh de « `Amath Wa`amounoh » est un ajout de l'ère de la Gamoro`, et n'existait pas durant l'ère de la Mishnoh (nous ne nous pencherons pas ici sur ces preuves). Les Rabbins de l'ère de la Gamoro` ont institué cette bénédiction et se sont appuyés sur un verset biblique afin de la légitimer, ce qu'on appelle faire une « `Asmakhto` ». Du temps de la Mishnoh, il est plus que probable que les Barokhôth de « `Ahavath ´Ôlom » et « `Amath Wayassiv » ne changeaient pas en fonction que l'on soit le matin ou le soir.

Nous avions rapporté plus haut que Rabbi Yôséf Qa`rô et le Ram`o préconisaient la répétition des mots « HaShem `Alôhékham `Amath » par le Shaliah Sibbour afin d'atteindre un total de 248 mots dans le Shama´, une pratique n'étant rapportée dans aucune source mishnaïque, talmudique, ga`ônique ou encore ri`shônique. Par contre, le Talmoudh rapporte le débat suivant : étant donné que le dernier mot du troisième paragraphe du Shama´ est « `Amath » et que le premier mot de la bénédiction qui suit le Shama´ est également « `Amath », faut-il répéter deux fois le mot « `Amath » (« HaShem `Alôhékham `Amath. `Amath Wayassiv »), ou ne faut-il le prononcer qu'une seule fois (« HaShem Eloheikhem. `Amath Wayassiv ») ?

Barokhôth 12a
Redit-on « `Amath » ou ne redit-on pas « `Amath » ? Rébbi `Abbahou28 a dit au nom de Rébbi Yôhonon29 : « On redit ''`Amath'' ! » Rabboh30 a dit : « On ne redit pas ''`Amath'' ! » Il arriva que quelqu'un descendit devant Rabboh [afin de diriger la prière]. Rabboh l'entendit dire « `Amath. `Amath », ce sur quoi Rabboh dit : « Tout le ''`Amath `Amath'' s'est emparé de lui ! »31
חוזר ואומר אמת או אינו חוזר ואומר אמת א"ר אבהו א"ר יוחנן חוזר ואומר אמת רבה אמר אינו חוזר ואומר אמת ההוא דנחית קמיה דרבה שמעיה רבה דאמר אמת אמת תרי זימני אמר רבה כל אמת אמת תפסיה להאי

De ce passage, il ressort que les deux pratiques coexistaient et que la question ne fut pas tranchée, mais laissée à l'appréciation de chacun. (N'oubliez pas que la prière était beaucoup moins formalisée qu'aujourd'hui. Par conséquent, on laissait une pleine liberté au Shaliah Sibbour de diriger la prière comme il le désirait et selon son degré d'inspiration, tant qu'il respectait la structure de base. Par conséquent, la façon d'organiser la prière pouvait varier d'une personne à l'autre au sein même d'une même assemblée. Le Talmoudh offre de très nombreux exemples de telles situations.)

En outre, nous savons également avec certitude que les versions actuelles de la bénédictions de « `Amath Wayassiv » n'étaient pas celles d'origine. Dans les versions actuelles, la bénédiction est très longue et comprend de nombreux thèmes. La partie qui est d'origine va du début et s'arrête à la phrase ואין לנו עוד אלהים זולתך « Wa`én Lonou ´Ôdh `Alôhim Zoulothkho – Et nous n'avons point d'autres dieux en-dehors de Toi », en d'autres mots, le premier paragraphe de cette bénédiction. Cela est évident du fait que ce paragraphe est totalement dans le thème du Shama´, qui a été récité juste avant. Et après ce paragraphe, les versions actuelles de cette bénédiction commencent à aborder d'autres thèmes, comme la délivrance, le secours de Dieu, la sortie d’Égypte, les miracles du Yam Souf, etc. D'où viennent toutes ces parties rajoutées au paragraphe d'origine ? Il est rapporté ceci dans le Talmoudh Yarousholmi :

Barokhôth 11b, Chapitre 1, Halokhoh 6
Nous avons appris : « Celui qui récite le Shama´ le matin doit mentionner la sortie d’Égypte dans ''`Amath Wayassiv'' ». Rébbi32 dit : « On doit mentionner dedans la royauté [d'HaShem] ». D'autres disent : « On doit mentionner les [miracles de la] division du Yam Souf et la plaie des premiers-nés ». Rébbi Yahôshoua´ ban Léwi dit : « On doit mentionner tout cela et dire ''Sour Yisro`él Waghô`alô'' ».
תני הקורא את שמע בבוקר צריך להזכיר יציאת מצרים באמת ויציב. ר' אומר צריך להזכיר בה מלכות. אחרים אומרים צריך להזכיר בה קריעת ים סוף ומכת בכורים. ר' יהושע בן לוי אומר צריך להזכיר את כולן וצריך לומר צור ישראל וגואלו

Là encore, nous voyons que chacun avait une grande liberté d'ajouter dans ses prières ce qu'il voulait à la structure de base des prières. Beaucoup estimaient qu'étant donné que la récitation du Shama´ résumait les fondements de notre foi et mettait en avant la grâce qui nous a été faite de servir HaShem, il convenait de faire mention, dans ses propres mots, dans la bénédiction qui suit le Shama´, d'autres principes qui font la particularité de notre ´Avôdath HaShem. Ce passage du Yarousholmi cite d'abord une Baraytho`, qui indique que dans « `Amath Wayassiv », il conviendrait de faire mention de la sortie d’Égypte, car ce n'est que grâce à cette délivrance que nous avons pu être des serviteurs d'HaShem. Puis est citée la recommandation de Rébbi Yahoudhoh Hannosi` ז״ל, qui estimait plutôt qu'il fallait faire mention de la royauté et souveraineté d'HaShem, qui font que nous avons autant de crainte et de respect pour Lui. Rébbi Mé`ir ז״ל (dont les opinions sont rapportées sous l'expression « D'autres disent », afin de ne pas le citer nominativement) était d'avis qu'il fallait faire mention des miracles qu'HaShem a accomplis lors de la séparation du Yam Souf, car c'est réellement là que nous avons cru en la puissance d'HaShem et avons su que c'était Lui, et uniquement Lui, qu'il fallait servir. En guise de position de compromis, Rébbi Yahôshoua´ ban Léwi ז״ל, un `Amôro` palestinien de la première moitié du troisième siècle, estime qu'il faudrait faire mention de tous les thèmes précédemment mentionnés, avant de conclure par la formule de conclusion de cette bénédiction, à savoir, « Sour Yisro`él Waghô`alô – Rocher d'Israël et son Rédempteur » (qui était la formulation de conclusion de cette bénédiction en Palestine. À noter que dans toutes les versions de notre époque, la bénédiction de « `Amath Wayassiv » se termine par les mots « Go`al Yisro`él – Qui délivre Israël », ce qui était la formulation de conclusion de cette bénédiction à Babylone).

Voilà pourquoi cette bénédiction est rallongée dans les Siddourim actuels et que, certainement du temps des Ga`ônim, des phrases standards furent composées afin d'inclure tous ces thèmes dans cette bénédiction. Mais halakhiquement parlant, il n'y a aucune obligation de réciter les versions longues d'aujourd'hui. Nous pouvons très bien nous contenter d'une courte version de cette bénédiction.

1En d'autres mots, un dieu a créé le jour et un autre a créé la nuit
2Hilkhôth Qiryath Shama´ 1:6 ; Sédhar Hattafilloh 8
3Barokhôth 11a-b
4Voir aussi Sédhar Hattafilloh 9
5Récitée avant le Shama´ du matin
6Yirmayohou 31:2
7Barokhôth 1:4
8Qui est généralement récitée avant le Shama´ du soir
9Qui est généralement récitée avant le Shama´ du matin
10En d'autres mots, cette Qadhoushoh n'a pas, contrairement à celle de la ´Amidhoh, pour objectif de sanctifier le Nom d'HaShem à la façon des anges, mais plutôt de simplement rapporter comment est-ce que les anges sanctifient le Nom d'Hashem dans les cieux. Puisque ce n'est qu'un récit de faits, cela ne nécessite pas un Minyon
11Ce qui donnera donc l'impression que l'on récite des versets de la Tôroh et non une Qadhoushoh en elle-même, puisqu'il est permis de réciter toutes les parties qui ne sont normalement faites qu'avec un Minyon si on les récite comme si on faisait une lecture de la Tôroh
12Quand on prie en groupe.
13Les Birkhôth Hashoharr
14Pasouqé Dazimro`
15Boroukh Sha`omar
16Yishtabah
17sér `Ôr et `Ahavath ´Ôlom
18`Amath Wayassiv.
19Elle ne se fait donc qu'en communauté, selon son opinion
20`Ô.H. 59
21Les trois derniers mots du troisième paragraphe du Shama´.
22Ce qui implique qu'il récitait jusque là les autres paragraphes à voix basse
23le Ram`o commente : ובזה כל אדם יוצא הואיל ושומעין מפיו של שליח ציבור ג' תיבות אלו. ואם היחיד רוצה גם כן לאמרם עם השליח צבור אין איסור בדבר « Et de cette façon, tout homme est quitte, parce qu'ils ont entendu le Shaliah Sibbour réciter ces trois mots. Et si un individu le désire, il peut aussi les dire en même temps que le Shaliah Sibbour. Il n'y a aucune interdiction à cela »
24Ces explications n'ont aucune valeur, puisque la bénédiction changeant d'un Nousoh à l'autre, parfois il n'y a que quatorze Wow, parfois plus que quinze
25La conclusion de « `Ahavoh Rabboh », qui est la deuxième bénédiction récitée avant le Shama´
26Mais dans les temps mishnaïques, il est plus que probable que ces deux bénédictions étaient les mêmes, sauf qu'elles commençaient par des mots différents, un peu comme pour « `Ahavath ´Ôlom » et « `Ahavoh Rabboh »
27Tahillim 92:3
28Un `Amôro` palestinien de la troisième génération des `Amôro`ïm. Il a vécut entre 279 et 320
29Rébbi Yôhonon ban Nappaho`, l'un des `Amôro`ïm palestinien les plus influents et importants de la seconde génération. Il est né aux environs de l'an 200 et est décédé aux environs de l'an 280
30Rabboh bar Nahmani, né aux environs de 270 et décédé aux environs de 330. C'était un `Amôro` babylonien
31C'est-à-dire, il ne peut pas s'arrêter de dire « `Amath »

32Rébbi Yahoudhoh Hannosi`
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