vendredi 29 mai 2015

Qu'est-ce qui ne va pas avec le Zôhar ? - Histoire de la Qabboloh I

בס״ד

Qu'est-ce qui ne va pas avec le Zôhar ?


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Histoire de la Qabboloh I

  1. Les origines

Pour comprendre la signification du Zôhar, nous devons d'abord comprendre le terme « Qabboloh ».

Le terme קבלה « Qabboloh » tel qu'il est utilisé de nos jours pour désigner l'intégralité de la littérature ésotérique juive est une grande supercherie. Rabbi Mé`ir ban Shalômôh `Abbou Sahoula (1260-1335) fut un kabbaliste contemporain du Rashb`a et auteur d'un commentaire sur le Séfar Yasiroh. Il témoigne que la vérité est que le terme « Qabboloh » et מקבלים « Maqqoubbolim » pour désigner les études ésotériques ne sont apparus qu'au douzième siècle, et en ces temps-là ils ne se rapportaient qu'à l'étude des philosophies relatives aux dix Safirôth et certaines explications profondes des Miswôth basées sur ces études. Il écrit ceci :

Il nous incombe d'investiguer toutes les choses du meilleur de nos capacités et suivre les sentiers tracés par ceux qui sont appelés, dans notre génération et depuis les 200 dernières années, « Maqqoubbolim », qui font référence à l'étude des dix Safirôth et certaines raisons des Miswôth par le terme « Qabboloh ».
חייבים אנו לחקור כל הדברים כפי השגתנו ולדרוך בהם הדרך שדרכו הנקראים בדורנו בדורות שהיו לפנינו מהיום מאתיים שנה - מקובלים, וקוראין לחכמת העשר ספירות וקצת טעמי המצוות קבלה

Il n'existe aucune référence à ces termes de « Maqqoubbolim » et « Qabboloh » dans des sources antérieures au 13ème siècle pour faire référence à des croyances ou pratiques mystiques. Par conséquent, ces « 200 dernières années » mentionnées ici sont une exagération. En fait, ce sens nouveau donné à ces deux termes tire sa source dans l'introduction que le Ramba''n (1194-1270) a faite dans son Commentaire sur la Tôroh.

Beaucoup plus tard, l'emploi du terme « Qabboloh » fut étendu pour également inclure le מעשה מרכבה « Ma´aséh Markovoh », le מעשה בראשית « Ma´aséh Varé`shith » (voir les chapitres 2 et 4 des Hilkhôth Yasôdhé Hattôroh, dans lesquels ces deux termes sont expliqués), les ordres des firmaments, les textes relatifs aux היכלות « Hékholôth »1, les combinaisons des lettres, les sujets relatifs aux גלגולים « Gilgoulim »2, la science des פרצופים‎‎ « Parsoufim »3, et pratiquement tout ce qui touche aux רזי תורה « Razé Tôroh »4 et beaucoup de « secrets » pas forcément liés à la Tôroh. Mais c'est un usage complètement détourné du sens traditionnel du terme « Qabboloh », et ce détournement fut sans aucun doute volontaire pour donner aux nouvelles traditions « kabbalistiques » une plus grande légitimité et antériorité. Par conséquent, il nous incombe de garder à l'esprit, à partir de maintenant, que le mot « Qabboloh », comme on l'entend aujourd'hui, est en fait un terme « nouveau » sans tradition antérieure au 13ème siècle sur lequel s'appuyer.

  1. Le Séfar Yasiroh

L'une des doctrines centrales de la Qabboloh est les dix Safirôth.

La source la plus ancienne qui mentionne les dix Safirôth est le Séfar Yasiroh.

Bien qu'il soit mentionné dans le livre lui-même qu'il fut rédigé par `Avrohom `Ovinou, et que c'est ce que croyaient de nombreux Ga`ônim et Ri`shônim, parmi lesquels le Rov Hay Go`ôn, le Rov Yahoudhoh Halléwi ou encore le Ramba''n, il existe néanmoins une autre « tradition » selon lequel l'auteur en serait Rébbi ´Aqivoh tel que cela est mentionné par les Maqqoubbolim Rabbi Môshah Qôrdôvérô (le Rama''q) et Rabbi Yahoudhoh Hayyath. Cette deuxième opinion tiendrait plus la route lorsqu'on prend en considération les faits suivants : le Séfar Yasiroh rapporte des versets tirés de tout le TaNaKh, mentionne les mois de l'année en se référant à leurs noms babyloniens, et désigne HaShem par le nom de « Savo`ôth », un nom qui, d'après le Talmoudh, fut attribué à HaShem pour la première fois par Hannoh, la mère du prophète Shamou`él. Le livre traite également abondamment des quatre éléments essentiels que sont la terre, l'air, le feu et l'eau (qui ne fut développé qu'à la fin de l'ère du Premier Temple), des signes du zodiaque et l'influence directe des organes sur le processus de la pensée, avec des axiomes et dogmes que nous savons aujourd'hui être complètement faux !

Le « Séfar Yasiroh » (Livre de la Création) est mentionné dans le Talmoudh et il est dit que ce livre aurait servi à créer des vies. Peu de gens connaissent le passage talmudique suivant :

Sanhédhrin 65b
Rabbo` créa un homme5 et l'envoya se présenter devant Rébbi Zéro`. Ce dernier lui parla mais n'obttint aucune réponse de sa part. Sur ce, il lui dit : « Tu es une créature des magiciens ! Retourne vers ta poussière ! ». Rov Hanino` et Rov `Ôsha`yoh passaient chaque veille de Shabboth à étudier le Séfar Yasiroh, à l'aide duquel ils créèrent un veau adulte au un tiers6 et le mangèrent.
רבא ברא גברא, שדריה לקמיה דרבי זירא. הוה קא משתעי בהדיה, ולא הוה קא מהדר ליה. אמר ליה: מן חבריא את, הדר
לעפריך. רב חנינא ורב אושעיא הוו יתבי כל מעלי שבתא ועסקי בספר יצירה, ומיברו להו עיגלא תילתא, ואכלי ליה

C'était un ouvrage thaumaturgique très populaire dans les temps talmudiques également appelé appelé הלכות יצירה « Hilkhôth Yasiroh » (Lois relatives à la Création). Sur cette création du veau, Rash''i commente ceci :

C'est au moyen des combinaisons des lettres du Nom [Divin] par lesquelles le monde fut créé. Et il n'y à là aucune sorcellerie, car les œuvres du Saint, béni soit-Il, furent amenées à l'existence au moyen de Son saint Nom.
על ידי שהיו מצרפים אותיות השם שבהם נברא העולם, ואין כאן משום מכשפות דמעשה
הקדוש ברוך הוא הן, על ידי שם קדושה שלו הוא

On pourrait suggérer que le cœur du Séfar Yasiroh est vrai, que les combinaisons de lettres peuvent réellement créer, et que cela fut révélé à `Avrohom `Ovinou par HaShem mais que c'est Rébbi ´Aqivoh qui a théorisé les processus de création sur la base des thèses philosophiques existant à son époque. Les `Amôro im qui créèrent des hommes et des animaux n'avaient donc besoin que de connaître les combinaisons des lettres. Mais même cette affirmation selon laquelle Rébbi ´Aqivoh serait l'auteur du Séfar Yasiroh est douteux, notamment parce que les kabbalistes qui soutiennent cette thèse manquent totalement de crédibilité, comme nous le verrons plus bas. Au final, nous ne savons pas qui a rédigé ce livre.

Mais le livre en lui-même ne fut jamais interprété de la façon dont il l'est aujourd'hui.

  1. Interprétation

Jusqu'à avant les publications abondantes des Maqqoubbolim, le Séfar Yasiroh fut toujours interprétée très simplement comme se référant aux trente-deux sentiers de la sagesse, qui sont les constituants élémentaires du processus de la pensée Divine et humaine, composés des dix nombres (ספירות « Safirôth » signifie tout simplement « nombres », comme dans l'expression ספירת העומר « Safirath Ho´ômar – décompte du Omer ») et les vingt-deux lettres de l'alphabet hébraïque. HaShem Lui-même a fait usage de combinaisons de ces lettres et nombres pour créer le monde, en commençant par les quatre éléments fondamentaux (air, feu, etc.), les constellations des étoiles (taureau, capricorne, etc.) et les différentes parties du corps humain. Le Séfar Yasiroh affirme que toutes ces choses (les quatre éléments fondamentaux, les constellations des étoiles et les parties du corps humain) auraient des effets et des influences sur la psyché de l'homme de différentes façons.

C'est ainsi que ce livre fut expliqué par Rabbi Shabbataï Donolo, Rabbi Yahoudhoh de Barcelone et Rabbi Yahoudhoh Halléwi.7 (C'est aussi ce qu'explique le Go`ôn de Wilno`.) Ils sont tous morts avant le 12ème siècle. Ils furent donc la toute première génération d'interprètes du Séfar Yasiroh.

  1. Les premiers Maqqoubbolim

Ensuite sont arrivés les premiers Maqqoubbolim. Qui sont les premiers Maqqoubbolim que nous connaissons ?

  • Le Rov Hay Go`ôn

Certains Maqqoubbolim comme le Rama''q, le Rov Mé`ir ban Hizqiyohou `Ibn Gabba y et le Rov Ménahém ´Azaryoh de Fano prétendent que le Rov Hay Go`ôn (969-1038) fut un kabbaliste, et ils se basent en cela sur des lettres fictives « citées » dans certains livres de Qabboloh, et plusieurs livres kabbalistioques lui ont été attribués. Tout cela est complètement faux, étant donné que si vous jetez un coup d’œil sur ces lettres, vous verrez que leur style est complètement différent (à tous les niveaux) de celui de l'ère des Ga ônim. Deuxièmement, si vous jetez un coup d’œil dans les Tashouvôth Hagga`ônim (qui rassemblent l'intégralité des lettres rédigées par les Ga`ônim et qui nous sont parvenues), il y a une très longue lettre dans laquelle lui-même écrit que si quelqu'un croit qu'ajourd'hui quelqu'un pourrait réaliser des voyages miraculeux (se trouver à en endroit et arriver à un autre endroit situé à plusieurs kilomètres mais en un instant. Les Hasidhim, notamment, attribuent un tel pouvoir au Ba´al Shém Tôv) ou se faire disparaître aux moyens d'incantations, une telle personne est naïve et crédule. Il écrit également que malgré qu'il connaisse les 42 lettres qui constituent le Shem Mém Béth8, il ne sait pas comment le prononcer étant donné qu'il n'existe aucune Masôroh (tradition) ayant été transmise sur le sujet ou dans les livres relatifs aux Noms Divins, et qu'il n'a entendu que des bribes sur le sujet.

Connaître les noms secrets d'HaShem ne fait pas de vous un kabbaliste. Mais ne pas même s'impliquer dans l'étude des noms secrets d'HaShem exclut la possibilité que vous soyez un kabbaliste ! Le Rov Hay Go ôn n'en n'était pas un !

  • Le Rov Hamay Go ôn

Les mêmes Maqqoubbolim susmentionnés ( le Rama''q, le Rov Mé`ir ban Hizqiyohou `Ibn Gabba y et le Rov Ménahém ´Azaryoh de Fano) affirment également qu'il existait un Goµ ôn du nom de Rov Hamay Go`ôn qui aurait rédigé un ouvrage kabbalistique appelé ספר העיון « Séfar Ho´iyyoun ». Mais leur affirmation est plus que douteuse, étant donné que ce « Rov Hamay Go`ôn » apparaît nulle part dans les `Iggarôth Rov Shariro` Go ôn, qui énumèrent toutes les dynasties gaoniques. Son nom n'est également mentionné dans aucun livre connu. Quant au Séfar Ho´iyyoun en question, il cite des propos prétendument attribués au Rov Hay Go`ôn (le tout dernier des Ga ônim) en ajoutant un « za''l » (de mémoire bénie) après son nom ! Si ce Rov Hamay Go`ôn avait vécu du temps des Ga`ônim et que le Rov Hay Go ôn fut le dernier des Ga`ônim, comment ce Rov Hamay Go`ôn peut-il parler du Rov Hay Go ôn comme étant mort ?

Enfin, le Radziner Rebbe déclare ouvertement et sans détour que le Séfar Ho iyyoun fut rédigé par Rabbi Yôséf ban `Avrohom Gikatilla (1248-1310), dont le style est clairement reconnaissable dans le livre.

Ainsi, rien ne prouve que le « Rov Hamay Go`ôn » fut un kabbaliste antérieur au 13ème siècle... et encore faut-il qu'il ait existé !

  • Le Ra`ava''dh

Certains prétendent que le Ra`ava''dh (Rabbi `Avrohom ban Dowidh, 1125-1198) était un Maqqoubbol. Ils se basent sur le fait qu'il existe un commentaire sur le Séfar Yasiroh appelé פירוש הראב״ד « Piroush HaRa`ava''dh ». Or, le Rama''q dit pour sa part qu'il fut rédigé par Rabbi Yôséf Ha`arôkh, un Maqqoubbol qui vécu durant la génération après celle du Rashb`o (Rabbi Shalômôh ban `Addarath, 1235-1310), et Rabbi Hayyim Vital est également d'accord pour dire que le Ra`ava''dh n'en est pas l'auteur.

Aucune preuve n'existe pour affirmer que le Ra`ava''dh fut un kabbaliste antérieur au 13ème siècle.

  • Rabbi Yishoq l'Aveugle

Peut-être que le plus ancien des Maqqoubbolim connus fut Rabbi Yishoq l'Aveugle, le fils du Ra`ava''dh, à qui l'on attribut également un commentaire sur le Séfar Yasiroh, bien que beaucoup soient sceptiques à ce propos.

  • Le Ramba''n

Après lui vint le Ramba''n (1194-1270), concernant lequel il n'existe aucun doute qu'il fut un Maqqoubbol, puis Rabbi ´Azro` de Gérone (également appelé « Rabbi `Azri`él », 1160-1238), et enfin le Rashb`o.

Dans la troisième partie, nous aborderons notamment la nouvelle interprétation que les Maqqoubbolim firent du Séfar Yasiroh et des Safirôth.

1Des textes mystiques rapportant les visions d'ascensions dans les palais célestes
2Réincarnations
3Faces, formes ou manifestations Divines
4Secrets de la Tôroh
5À l'aide du Séfar Yasiroh
6C'est-à-dire, un veau qui avait atteint un tiers de sa croissance totale ; d'autres le comprennent comme un veau dans sa troisième année ; d'autres encore comme un veau né au un tiers
7C'est aussi ce qu'explique le Go`ôn de Wilno` à la fin de son livres sur les Hiddoushé Shabboth

8Mentionné dans le Talmoudh, Qiddoushin 71a
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