lundi 25 mai 2015

Mishnéh Tôroh VS Shoulhon ´Oroukh : La récitation du Shama´ IV

בס״ד

Mishnéh Tôroh VS Shoulhon ´Oroukh


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La récitation du Shama´ IV

Rabbi Yôséf Qa`rô זצ״ל écrit ceci dans son Shoulhon ´Oroukh :

`Ôrah Hayyim 58:1
Le temps de la récitation du Shama´ du matin [commence] à partir du moment où l'on est capable de voir son ami avec lequel on est familier1 à une distance minimale de quatre `ammôth et de le reconnaître2. Et sa période s'étend jusqu'à la fin de la troisième heure, qui correspond à un quart de la journée. La meilleure façon d'accomplir la Miswoh consiste à la réciter comme les Wathiqin (c'est-à-dire, les disciples. Rashi explique qu'il s'agit de gens humbles et qui chérissent les Miswôth)3, qui programmaient sa récitation peut avant Nés Hahammoh (c'est-à-dire, lorsque le soleil commence à émerger, comme le bourgeonnement des grenades), de façon à achever la récitation du Shama´ et ses bénédictions en même temps que Nés Hahammoh et poursuivre par la prière immédiatement à Nés Hahammoh. Quiconque a l'intention d'agir ainsi sera grandement récompensé.
זמן קריאת שמע של שחרית משיראה את חבירו הרגיל עמו קצת ברחוק ד' אמות ויכירנו ונמשך זמנה עד סוף ג' שעות שהוא רביע היום ומצוה מן המובחר לקרותה כוותיקין (פירוש תלמידים. ורש"י פירש אנשים ענוים ומחבבים המצות) שהיו מכוונים לקרותה מעט קודם הנץ החמה (פירוש יציאת החמה כמו הנצו הרמונים) כדי שיסיים קריאת שמע וברכותיה עם הנץ החמה ויסמוך התפלה מיד בהנץ החמה ומי שיוכל לכוין לעשות כן שכרו מרובה מאד

Le Rambam זצ״ל rapporte la même chose dans son Mishnéh Tôroh :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 1:12
Et quelle est l'heure [propre à la récitation du Shama´] durant la journée ? La meilleure façon d'accomplir la Miswoh consiste à commencer à le réciter avant le lever du soleil4 pour conclure la récitation, et réciter la dernière bénédiction, avec le lever du soleil5. Et cette mesure [de temps] correspond à environ un dixième d'heure avant que le soleil ne se soit [complètement] levé. Si l'on s'est attardé et que l'on a récité le Shama´ qu'après que le soleil ne se soit [complètement] levé, on est quitte de son obligation, car sa période se prolonge jusqu'à la fin de la troisième heure de la journée pour celui qui a transgressé et s'est attardé.
ואיזה הוא זמנה ביום--מצותה שיתחיל לקרות קודם הנץ החמה, כדי שיגמור לקרות ולברך ברכה אחרונה עם הנץ החמה; ושיעור זה, כמו עישור שעה קודם שתעלה השמש. ואם איחר, וקרא אחר שעלתה השמש--יצא ידי חובתו, שעונתה עד סוף שלוש שעות ביום למי שעבר ואיחר

Le Rambam et Rabbi Yôséf Qa`rô sont donc d'accord sur le moment minimum à partir duquel le Shama´ peut commencer à être récité (peu avant que le soleil ne commence à paraître), ainsi que le moment maximum où cela peut se faire (la fin de la troisième heure du jour). Mais le moment à partir duquel le Shama´ peut être récité le matin semble faire l'objet d'une divergence d'opinion dans la Mishnoh :

Barokhôth 1:56
À partir de quand récitons-nous le Shama´ le matin ? À partir [du moment] où l'on reconnaît [la différence] entre le Tékhéléth et le blanc. Rébbi `Ali´azar dit : « Entre le Tékhéléth et le poireau ». Jusqu'au lever du soleil. Rébbi Yahôshoua´ dit : « Jusqu'à la troisième heure, car c'est l'habitude des fils des rois de se lever à la troisième heure ». Celui qui récite plus tard ne perd [rien], comme un homme qui lit dans la Tôroh.
מאימתיי קורין את שמע בשחרים: משיכיר בין תכלת ללבן; רבי אליעזר אומר, בין תכלת לכרתן. עד הנץ החמה; רבי יהושוע אומר, עד שלוש שעות, שכן דרך בני מלכים לעמוד בשלוש שעות. הקורא מכאן ואילך, לא הפסיד, כאדם שהוא קורא בתורה

La Gamoro`7 cite alors diverses autres opinions, notamment celle de `Abbayé ז״ל qui affirme que le Shama´ devrait être récité comme les Wathiqin, c'est-à-dire, de façon à ce que sa récitation soit terminée en même temps que le soleil se lève et poursuivre tout de suite après avec la ´Amidhoh au lever du soleil (tout de suite après que le soleil se soit complètement levé).

Le Rambam préfère, à l'évidence, cette position et établit que six minutes est une quantité de temps raisonnable pour réciter le Shama´ et ses bénédictions afin de commencer la ´Amidhoh tout de suite après que le soleil soit complètement levé. (Le Ram`o זצ״ל est plutôt d'avis que l'on a une heure entière pour réciter le Shama´ et ses bénédictions avant que le soleil ne se soit complètement levé.)

Le Moghén `Avrohom8 זצ״ל explique que tous les avis rapportés dans la Gamoro` s'accordent avec la Mishnoh pour dire que le moment minimum à partir duquel nous pouvons commencer à réciter le Shama´ est l'aube, et que les divergences d'opinion concernent plutôt le moment idéal (et non minimum) pour cette récitation.

L'explication du Moghén `Avrohom est soutenue par les propos mêmes du Rambam. En effet, ce dernier emploie, dans le passage du Mishnéh Tôroh susmentionné, l'expression מצותה « Miswothoh ». Elle n'est pas à confondre avec le mot מצוה « Miswoh ». « Miswothoh » est une expression araméenne employée pour désigner le moment le plus idéal pour accomplir une Miswoh déterminée. Dans ce contexte-ci, commencer la récitation du Shama´ six minutes avant le lever du soleil est pour le Rambam le moment le plus idéal, et non pas le moment minimum à partir duquel la Miswoh peut être entamée, puisque la Miswoh peut être commencée à l'aube. C'est ce que Rabbi Yôséf Qa`rô nous dit dans le passage susmentionné du Shoulhon ´Oroukh, et c'est ce que le Rambam nous dit dans le passage suivant du Mishnéh Tôroh :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 1:13
Celui qui s'est levé et a procédé à la récitation du Shama´ du matin après l'aube, même s'il termine avant le lever du soleil, est quitte de son obligation. En cas de difficulté, par exemple s'il doit partir en voyage, il peut réciter Lakhatahilloh depuis l'aube.
מי שהקדים וקרא קרית שמע של שחרית, אחר שעלה עמוד השחר--אף על פי שהשלים קודם שתנץ החמה, יצא ידי חובתו. ובשעת הדוחק, כגון שהיה משכים לצאת לדרך--קורא לכתחילה, משעלה עמוד השחר

Nous voyons donc clairement que le moment minimum de la récitation du Shama´ est l'aube, et qu'il n'y a pas à attendre peu de temps avant que le soleil ne commence à se lever pour réciter le Shama´, même si, pour le Rambam, c'est le moment le plus idéal pour accomplir la Miswoh, sans doute parce qu'à l'aube, le Rambam estime qu'il ne fait pas suffisamment clair que pour pouvoir réciter la bénédiction de « Yôsér `Ôr » (qui forme la lumière), qui est la première bénédiction qui précède la récitation du Shama´ du matin. Mais il convient de noter que de nombreux passages du Talmoudh démontrent que la récitation du Shama´ est indépendante des bénédictions qui la précèdent et la suivent, de sorte que le Shama´ peut être, sans problème, récité sans ses bénédictions. Ainsi, il est tout à fait possible de réciter les trois paragraphes du Shama´ à l'aube et d'attendre que le soleil ne commence à se lever pour réciter la bénédiction de « Yôsér `Ôr ».

Nous avions mentionné plus haut qu'il semblait que la Mishnoh divergeait quant au moment minimum à partir duquel on pouvait commencer la récitation du Shama´ du matin. Un Tanno` anonyme déclare que l'on peut commencer à partir du moment où l'on peut faire la différence entre la couleur Tékhéléth et le blanc, tandis que Rébbi `Ali´azar ז״ל déclare que l'on peut commencer à partir du moment où l'on peut distinguer la couleur Tékhéléth du « poireau », c'est-à-dire, de la couleur verte. Mais il n'y a en fait pas du tout de divergence. Les deux sont d'accord pour dire que la Miswoh commence à l'aube. À ce moment-là, les premières lueurs du matin peuvent commencer à être visibles, bien qu'il fasse encore relativement noir. Le Tanno` anonyme est d'avis que si malgré la faiblesse de cette lueur de l'aube il est possible de faire la distinction entre les cordons blancs et le fil Tékhéléth de son Tallith, on peut alors commencer à réciter le Shama´. Mais Rébbi `Ali´azar n'est pas d'accord, car le blanc et le Tékhéléth sont deux couleurs totalement différentes, et les différencier ne poserait donc aucune difficulté. Il préconise donc d'attendre de pouvoir faire la différence entre le Tékhéléth et le vert, car lorsqu'il ne fait pas encore suffisamment clair, le cordon Tékhéléth du Tallith pouvait légèrement être confondu avec la couleur du poireau. Si par la lueur naturelle de l'aube on était capable de faire la différence entre un cordon Tékhéléth et du vert poireau (en les plaçant l'un à côté de l'autre), on pouvait alors commencer à réciter le Shama´, même avec la bénédiction de « Yôsér `Ôr », car on estime que l'on a suffisamment de lumière que pour distinguer entre deux choses ressemblantes.

Rabbi Yôséf Qa`rô choisit de donner un autre exemple, tiré de la Tôséfto`, en disant que l'on ne peut commencer la récitation du Shama´ à l'aube que si la lumière naturelle de l'aube nous permet de reconnaître facilement le visage de quelqu'un que l'on connaît. (Il convient donc de noter que dans les temps talmudiques, beaucoup de ceux qui récitaient le Shama´ à l'aube le faisaient souvent à l'extérieur de leurs maisons, à côté de la Mazouzoh de la porte d'entrée. Par conséquent, s'il rencontrait dehors quelqu'un dont ils étaient capables de reconnaître les traits et d'identifier avec certitude, c'est qu'il y avait alors suffisamment de lumière que pour pouvoir réciter le Shama´ à l'aube.)

De nos jours, cette Halokhoh est un peu faussée par le fait que nous avons l'électricité. Par conséquent, même s'il fait encore sombre à l'aube, beaucoup se contentent simplement d'appuyer sur l'interrupteur pour avoir de la lumière et pouvoir commencer à réciter le Shama´ du matin. Néanmoins, celui qui est minutieux dans les Miswôth attendra le moment où l'on est capable de bien voir rien qu'avec la lumière naturelle du jour pour réciter le Shama` et ses bénédictions.

Quant à la deuxième partie de la Mishnoh susmentionnée, ce n'est là encore pas du tout une divergence d'opinion sur la période maximale durant laquelle le Shama´ peut être récitée. Le Tanno` anonyme déclare que le Shama´ peut être récité à partir de l'aube jusqu'au moment où le soleil commence à se lever, tandis que Rébbi Yahôshoua´ ז״ל déclare que le Shama´ peut être récité à partir de l'aube jusqu'à la troisième heure. Ce n'est pas une contradiction. Le Shama´ du soir peut être récité à partir de la tombée de la nuit jusqu'à l'aube du jour suivant, mais pour s'assurer que l'on n'oublie pas de le réciter, les Sages ont limité sa récitation jusqu'à minuit. (Voir les Mishnoyôth 1, 2, 3 et 4 du Chapitre 1 du traité Barokhôth.) Cela ne signifie pas que le réciter après minuit n'est pas valable ; c'est simplement une mesure de sécurité, car si on attend trop tard pour réciter le Shama´, on pourrait être trop fatigué que pour le faire avec la concentration requise. Il en est de même pour le Shama´ du matin. Bien que sa récitation peut se faire jusqu'à la troisième heure, il est recommandé de se réveiller à l'aube et de le réciter avant que le soleil n'ait commencé à se lever et de poursuivre tout de suite après avec la ´Amidhoh (bien que l'on ait jusqu'à la quatrième heure pour faire la ´Amidhoh), car plus on retarde plus on est susceptible de dépasser les plages horaires du Shama´ et de la ´Amidhoh. Ainsi, celui qui est capable de se lever tôt doit le faire. Par contre, ceux qui, comme les rois, ne se lèvent que bien plus tard dans leur journée, doivent veiller à avoir commencé la récitation du Shama´ avant la fin de la troisième heure.

Et notre Mishnoh se conclut en disant que si la troisième heure est passée sans que l'on ait récité le Shama´, on pourra néanmoins réciter les trois paragraphes, car réciter des paroles de Tôroh est une Miswoh qui peut être accomplie toute la journée. Ce sera donc l'accomplissement de la Miswoh d'étudier la Tôroh, mais pas celle de réciter le Shama´. Et c'est ce que Rabbi Yôséf Qa`rô nous a dit plus haut, et ce que le Rambam nous dit dans la Halokhoh suivante de son Mishnéh Tôroh :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 1:14
Celui qui récite [le Shama´] après [la fin de] la troisième heure du jour, même s'il en a été contraint9, n'est pas quitte de l'obligation de réciter le Shama´ en son temps, mais est plutôt considéré comme une personne qui lit dans la Tôroh. Et il peut réciter les bénédictions qui précèdent et suivent le Shama´ toute la journée, même s'il s'est attardé et a récité [le Shama´ après la fin de] la troisième heure.
הקורא אחר שלוש שעות ביום, אפילו היה אנוס--לא יצא ידי חובת קרית שמע בעונתה, אלא הרי הוא כקורא בתורה; ומברך הוא לפניה ולאחריה כל היום, אפילו איחר וקרא אחר שלוש שעות

Si réciter le Shama´ après la fin de la troisième heure ne constitue plus la Miswoh de réciter le Shama´ mais celle d'étudier la Tôroh, comment se fait-il que l'on pourra également réciter les bénédictions qui précèdent et suivent le Shama´, si ce sont des bénédictions composées pour l'accomplissement de la Miswoh de la récitation du Shama´ (un peu comme la bénédiction de « Hammôsi` » qui précède un repas, et la Birkath Hammozôn qui suit le repas) ? La réponse est que ces bénédictions ne sont pas, en elles-mêmes, liées à la récitation du Shama´. Comme cela a été dit plus haut, ces bénédictions peuvent même être récitées indépendamment du Shama´.

La première bénédiction qui précède le Shama´ (« Yôsér `Ôr ») est un remerciement envers HaShem ית׳ pour avoir formé la lumière et tout ce qui existe. Elle n'est donc pas liée au Shama´ en lui-même, et puisque c'est une « Birkath Hahôdho`oh » (bénédiction de reconnaissance) et non une Birkath Hammiswoh (bénédiction pour l'accomplissement d'une Miswoh), elle peut être récitée tout au long de la journée si cela n'a pas été fait avant la fin de la troisième heure. La deuxième bénédiction qui précède le Shama´ (« `Ahavath ´Ôlom » ou « `Ahavoh Rabboh ». Voir ici) est là encore une « Birkath Hahôdho`oh », et non une « Birkath Hammiswoh », puisqu'on y remercie HaShem pour l'amour dont Il a fait preuve à notre égard en nous donnant la Tôroh, amour que nous Lui rendons en nous engageant à étudier la Tôroh et à mettre en pratique Ses commandements. Ce n'est donc pas, là encore, lié à la Miswoh-même de la récitation du Shama´, mais est une bénédiction pouvant être récitée avant une étude de la Tôroh. Puisque la récitation des paragraphes du Shama´ est considérée comme une étude de la Tôroh, et non plus l'accomplissement de la Miswoh de récitation du Shama´ lorsqu'il est récité au-delà de la troisième heure du jour, cette bénédiction peut être récitée même lorsqu'on récite le Shama´ après la fin de la troisième heure. Quant à la bénédiction de « `Amath Wayassiv », récitée après le troisième paragraphe du Shama´ du matin, c'est là encore une bénédiction de reconnaissance dans laquelle nous proclamons que les paroles de Tôroh que nous venons de réciter sont vraies et éternelles, que nous n'avons point d'autres dieux qu'HaShem, que c'est à Lui que nous obéirons et qu'Il est celui qui nous protège et nous délivre afin de nous permettre d'accomplir Ses volontés. Cette bénédiction n'est donc pas elle non plus liée à la récitation du Shama´ en lui-même, mais peut être récitée après n'importe quelle parole de Tôroh dans laquelle on a fait mention de principes fondamentaux de la foi israélite.

Le Rô`sh זצ״ל n'est pas d'accord et limite la période de temps durant laquelle les bénédictions relatives au Shama´ peuvent être récitées. Il a un doute quant à savoir si c'est jusqu'à la fin de la quatrième heure (qui est la limite pour pouvoir faire la ´Amidhoh du matin) ou jusqu'à midi (qui est l'heure de rattrapage pour celui qui n'aurait pas fait la ´Amidhoh avant la fin de la quatrième heure). En guise de conclusion, il cite HoRov Hay Go`ôn זצ״ל qui tranche que l'on ne peut réciter ces bénédictions que jusqu'à la fin de la quatrième heure, c'est-à-dire, au tiers de la journée. Rabbénou Hanon`él זצ״ל est également de cet avis. Quant à Rabbénou Manôah זצ״ל, il est d'accord avec le Rambam et permet de réciter ces bénédictions durant toute la journée.

Par contre, Rabbi Yôséf Qa`rô diffère du Rambam et suit la position de HoRov Hay Go`ôn, en écrivant ceci dans son Shoulhon ´Ôroukh :

`Ôrah Hayyim 58:6
Bien que sa période s'étende jusqu'à la fin de la troisième heure, si on passe la troisième heure et qu'on ne l'a pas récité on le récite avec toutes ses bénédictions à la quatrième heure, qui correspond à un tiers de la journée. Mais il n'est pas récompensé comme celui qui a récité en son temps. Et s'il passe la quatrième heure et ne l'a pas récité, il récite mais sans ses bénédictions [qu'il ne pourra plus réciter] tout [le reste de] la journée.
אף על פי שזמנה נמשך עד סוף השעה הג' אם עברה שעה ג' ולא קראה קורא אותה בברכותיה כל שעה ד' שהוא שליש היום ואין לו שכר כקורא בזמנה ואם עברה שעה ד' ולא קראה קוראה בלא ברכותיה כל היום

En tant que Talmidhé HaRambam, nous suivons évidemment l'approche du Rambam.

Si vous jetez un coup d'œil dans les Siddourim d'aujourd'hui, vous remarquerez quelque chose d'étrange : dans le nombre énorme de prières post-talmudiques composées pour être récitées en guise de préparation à la prière du matin, le premier verset du Shama´ est déjà récité. C'est le cas dans tous les Siddourim `Ashkanazim et Safaradhim d'aujourd'hui. Ce qui fait que le Shama´ n'est donc pas récité qu'une seule fois le matin, mais deux : une fois dans les prières de préparation à la prière du matin, et une deuxième fois au cours de l'office (mais cette fois-ci avec les trois paragraphes et les bénédictions qui suivent et précèdent). D'où vient cette pratique, qui n'est mentionnée nulle part dans le Talmoudh, dans les écrits des Ga`ônim, ni par le Rambam (et les autres Ri`shônim), ni même par Rabbi Yôséf Qa`rô ?

Dans son Shoulhon ´Oroukh, Rabbi Yôséf Qa`rô écrit ceci :

`Ôrah Hayyim 46:9
On ne récite pas de versets avant [d'avoir récité] la Birkath Hattôroh, même si on les dit à la façon des supplications. Et il y en a qui disent qu'il ne faut pas s'en soucier à partir du moment où on les dit à la façon des supplications. Il convient de se soucier de la première opinion.
לא יקרא פסוקים קודם ברכת התורה אף על פי שהוא אומרם דרך תחנונים ויש אומרים שאין לחוש כיון שאינו אומרם אלא דרך תחנונים ונכון לחוש לסברא ראשונה

En d'autres mots, puisque la Birkath Hattôroh a été instituée pour n'être récitée qu'au moment où l'on désire réciter, lire ou étudier des paroles de Tôroh, il n'est pas approprié de réciter le matin des versets de la Tôroh sans avoir au préalable récité la Birkath Hattôroh (sauf si on compte étudier directement après le Shama´, auquel cas il ne sera pas nécessaire de faire la Birkath Hattôroh, puisqu'on pourra être quitte à travers la bénédiction de « `Ahavath ´Ôlom » ou « `Ahavoh Rabboh »). Rabbi Yôséf Qa`rô rapporte l'avis de ceux qui le permettent si les versets sont récités à la façon des supplications, c'est-à-dire, si, à travers la récitation de ces versets, on désire supplier HaShem d'accomplir pour nous la promesse contenue dans ces versets que l'on récite, ou si, par exemple, on se retrouve dans une situation de panique ou de détresse le matin et que l'on récite quelques versets pour se donner du courage ou faire appel à la Siy´ato` Dishmayyo` (aide du Ciel). Dans ces cas, ce sont des supplications et non une étude de la Tôroh. Mais Rabbi Yôséf Qa`rô est d'avis qu'il vaudrait mieux, même dans ces cas-là, ne pas réciter de versets de la Tôroh sans avoir au préalable récité la Birkath Hattôroh, car selon lui, cette bénédiction ne fut pas instituée seulement pour l'étude de la Tôroh, mais aussi pour la récitation de paroles de la Tôroh. Puisqu'en utilisant des versets de la Tôroh, même pour des supplications, et non pour étudier, on prononce quand même des paroles de Tôroh, il conviendrait même dans ces situations-là de réciter la Birkath Hattôroh au préalable.

Sur cette règle du Shoulhon ´Oroukh, le Ram`o, en citant le Tour זצ״ל, fait le commentaire suivant :

Mais le Minhogh est en accord avec la dernière opinion, puisque durant les jours [où nous récitons] les Salihôth10, nous prions les Salihôth et seulement après nous bénissons sur la Tôroh avec l'ordre du reste des bénédictions [du matin]. De même, chaque jour, lorsqu'on entre à la Synagogue, nous disons quelques versets et des supplications, et seulement après nous bénissons sur la Tôroh. Et notre coutume consiste à placer la Birkath Hattôroh immédiatement après la bénédiction de « `Ashar Yôsar », et il ne convient pas de changer. Et il est une bonne chose de dire le matin un autre « Shama´ Yisro`él, etc. », « Boroukh Shém Kavôdh Malkhouthô La´ôlom Wo´adh », car il arrive parfois que les gens retardent la récitation du Shama´ et que sa récitation ne se fasse pas en son temps. On s'acquitte donc par [cette première récitation].
אבל המנהג כסברא אחרונה שהרי בימי הסליחות מתפללים הסליחות ואחר כך מברכין על התורה עם סדר שאר הברכות וכן בכל יום כשנכנסין לבית הכנסת אומרים כמה פסוקים ותחנונים ואחר כך מברכין על התורה ונהגו לסדר ברכת התורה מיד אחר ברכת אשר יצר ואין לשנות. וטוב לומר בשחרית אחר שמע ישראל וגו' ברוך שם כבוד מלכותו לעולם ועד, כי לפעמים שוהין עם קריאת שמע לקרותה שלא בזמנה ויוצא בזה

En d'autres mots, étant donné que la majorité des Juifs d'aujourd'hui ne récitent plus les Birkhôth Hashohar à la maison au moment aux moments où ils accomplissent les actes pour lesquels ils bénissent, mais attendent d'être arrivés à la Synagogue pour réciter toutes les bénédictions du matin selon un ordre déterminé (par exemple, dans le Nousah `Ashkanaz, la bénédiction sur la Tôroh est placée juste après celle de « `Ashar Yôsar ». Voir ici, où nous avions, entre autres choses, discuté de l'emplacement de cette bénédiction dans les différents Nousahim), le Ram`o estime qu'il est donc permis de déjà réciter des versets de la Tôroh, même sans avoir récité au préalable la Birkath Hattôroh (qui ne se fera qu'à la Synagogue), que ce soit en guise de préparation à la prière ou encore en guise de supplication. Par conséquent, il tranche qu'il est donc permis de réciter le premier verset du Shama´ et « Boroukh Shém Kavôdh, etc. » le matin dans les prières de préparation à la prière du matin, car très souvent il arrive que la prière communautaire soit programmée à une heure où il ne sera pas possible de réciter le Shama´ en son temps (comme c'est le cas des communautés qui programment chaque jour les prières communautaires à la même heure, sans tenir compte des horaires halakhiques. C'est ainsi que beaucoup de communautés organisent chaque jour la prière du matin à 10h, même lorsque l'heure de fin de récitation du Shama´ est fixée, par exemple, à 9h10), ou que les gens eux-mêmes traînent trop avant d'accomplir la Miswoh de récitation du Shama´. De ce fait, un premier Shama´ a été imprimé dans les Siddourim, et c'est par ce Shama´-là que l'on s'acquittera de son devoir, tandis que le Shama´ qui sera ensuite récité à la Synagogue en communauté ne servira qu'à la Miswoh de réciter des paroles de Tôroh !

Voilà d'où vient cette pratique ! Et cela rend en fait la récitation du Shama´ à la Synagogue inutile, puisqu'on se sera déjà acquitté de son devoir par le Shama´ récité à la maison dans la liste des prières préparatoires ! (Mais pour néanmoins rendre utile cette récitation du Shama´ à la synagogue, les rabbins ont trouvé une parade : ajouter dans les bénédictions du Shama´ des parties qui ne pourraient être récitées qu'avec un Minyon, poussant ainsi les gens à quand même considérer que cette pratique de réciter deux fois le Shama´ le matin a du sens.)

Il convient de noter que le Talmoudh Yarousholmi s'est catégoriquement opposé à ceux qui se rassemblaient à la Synagogue pour réciter le Shama´ après l'heure limite de récitation du Shama´, et ce pour deux raisons :

  1. si ces gens avaient déjà récité le Shama´ en son temps à la maison, le réciter à nouveau à la synagogue pose un problème de Mar`ith ´Ayin : certaines personnes n'étant pas au courant que ces gens avaient déjà récité le Shama´ chez eux pourraient en arriver à croire qu'ils récitaient le Shama´ pour la première fois de la journée, alors que l'horaire de la récitation du Shama´ était passée ;
  2. si ces gens avaient déjà récité le Shama´ en son temps à la maison, le réciter à nouveau à la Synagogue ne sert à rien, puisqu'ils se sont déjà acquittés de leur devoir de réciter le Shama´ lorsqu'ils l'ont récité à la maison.
1C'est-à-dire, quelqu'un que l'on connaît bien, que l'on a l'habitude de voir, de fréquenter
2Rien qu'avec la lumière naturelle du jour
3Cette parenthèse et la suivante font partie du texte
4s Hahammoh
5C'est-à-dire, en même temps que le soleil se lève
6Pour le commentaire sur cette Mishnoh, voir ici
7Barokhôth 9b
8`Ô.H. 58:1
9C'est-à-dire, c'est indépendamment de sa volonté qu'il n'a pas récité le Shama´ avant la fin de la troisième heure

10Les Safaradhim commencent la récitation des Salihôth le lendemain de Rô`sh Hôdhash `Élloul et les terminent la veille de Yôm Hakkippourim, tandis que les `Ashkanazim les commencent au minimum quatre jours avant le début du mois de Tishri et les achèvent la veille de Yôm Hakkippourim
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