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Le
Tallith : un châle de prière ou un vêtement ?
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De
nos jours, l'usage du Tallith est uniquement confiné aux moments de
la prière, à tel point que le Tallith est souvent traduit en
français par « châle de prière ». Mais c'est l'une des
distorsions modernes les plus profondes.
Toutes
les sources juives faisant autorité démontrent que le Tallith
était, à l'origine, fait de laine et que celui qui le portait le
traitait comme un vêtement ordinaire de la vie quotidienne, et s'en
servait donc pour des usages très variés, comme par exemple
envelopper et transporter ses marchandises dedans, l'utiliser comme
couverture pour se tenir au chaud, comme châle de prière, comme
drap de lit pour dormir dessus, comme tapis de prière, comme
manteau, etc. Et sur la base d'une Tashouvoh du Ramba''m ז״ל,
il ressort que le Minhogh à son époque consistait à porter le
Tallith tout au long de la journée. En outre, du Talmoudh il ressort
également clairement que lorsque le Tallith est utilisé comme châle
de prière, contrairement à notre époque, il peut être porté pour
toutes les prières, et pas seulement pour celle de Shaharith.
En fait, le Ramba''m rapporte dans son Mishnéh Tôroh que l'on doit
s'envelopper d'un Tallith pour toutes les prières quotidiennes.
C'est du moins obligatoire pour les Talmidhé Hakhomim.
Jusqu'à
ce jour, les Témonim (Juifs yéménites), les Talmidhé HaRamba''m
et les Dôr Da´im conservent encore certaines distinctions au niveau
de l'usage du Tallith qui les rendent uniques et authentiques
vis-à-vis du reste des Juifs. Le Rov Ya´aqôv Sappir ז״ל,
qui fut envoyé au Yémen en 1859 pour le compte de diverses
organisations religieuses de Palestine, écrivait que « les
hommes qui craignent Dieu, les enseignants du peuple, portaient un
autre vêtement, avec quatre coins et arborant des Sisith,
en-dessous de leur manteau et par dessus leurs dos ; le Shamlé
(c'est ainsi qu'on l'appelle en arabe), noir ou avec des bandes
noires et blanches, fait de laine épaisse, carré, avec quatre
coins, avec lequel ils couvrent leurs têtes et corps jusqu'en bas,
et aux quatre coins ils pendent des Sisith,
suivant la Halokhoh. Et ils se couvrent du Shamlé tout au long de la
journée... la nuit aussi, ils se couvrent avec, ou l'utilisent pour
couvrir le matelas sur lequel ils dorment. Et il est utilisé pour
toutes les tâches ; les gens transportent des choses dedans
lorsqu'ils s'en vont acheter ou vendre au marché, ou l'utilisent
pour transporter du bois ».
En
réalité, le Tallith est un vêtement « normal » et n'a
jamais été exclusivement associé à la prière. On peut l'utiliser
pour tous les usages, sans aucun problème halakhique. Mais
aujourd'hui, en raison du fétichisme qui s'est répandu au sein des
communautés juives, principalement Harédhim, le Tallith est
traité comme un vêtement « sacré », qui ne peut être
porté que pour la prière du matin, qui doit se plier et se déplier
d'une manière particulière, et qui doit être porté d'une manière
particulière. Toutes ces choses sont des bêtises qui n'ont aucune
source halakhique. Nos Sages ne se sont jamais embêtés avec ces
futilités. Un Tallith est un vêtement comme un autre, rien de plus,
rien de moins. Évidemment, des Sisith y sont attachés,
mais cela reste un vêtement. L'attitude moderne vis-à-vis du
Tallith provient des supercheries kabbalistiques et, comme cela a été
dit, du fétichisme qui domine les milieux dits « froum » ;
ils traitent leurs chapeaux, leurs Shtreimelakh, leurs Bekishe, leurs
chaussettes blanches ou noires, leur Gartel, leurs chemises blanches,
leurs longs manteaux, etc., comme s'ils étaient dotés de pouvoirs
magiques, comme s'ils portaient des vêtements sacro-saints, au point
que porter les mauvaises couleurs de chaussettes devient un drame !
On ne doit jamais perdre de vue qu'il ne s'agit que de
« vêtements » ! Que l'on me comprenne bien :
le problème n'est pas de porter un caftan, ou un certain type de
chapeau ; le problème survient lorsqu'on accorde à ces
vêtements des propriétés ou une importance exagérée. Et c'est
cela qui a amené le Tallith à passer d'un vêtement ordinaire de
tous les jours à un châle exclusivement réservé à la prière.
Les gens doivent donc savoir qu'un Tallith est un vêtement comme les
autres, et qu'il n'y a absolument aucun problème à s'asseoir ou
dormir dessus, ni à l'utiliser pour d'autres choses que pour la
prière, comme par exemple pour transporter des affaires, pour se
tenir chaud s'il faut froid, etc. Le ciel ne vous tombera pas sur la
tête parce que vous aurez fait un usage « profane » du
Tallith. Bien au contraire, le Tallith est bien un vêtement
multifonction !
Quant
au Tallith Qoton, le petit Tallith qui est porté sous les vêtements
(les Hasidhim Heimishe veillent à le porter au-dessus des
vêtements), au Yémen il n'était porté que par une minorité de
Juifs. C'est seulement après que la communauté juive yéménite a
immigré en Palestine qu'ils ont changé leur Minhogh pour se
conformer à celui de leurs frères, qui en portaient un chaque jour.
Le
Rov Shôlom Yishoq Halléwi, qui quitta le Yémen pour la
Palestine en 1923, reconnut que seule une très petite minorité
portait un Tallith Qoton, « mais cela ne signifie pas que
les Juifs yéménites estimaient suffisant de porter un Tallith
uniquement durant la prière. Le Minhogh accepté est que chaque Juif
yéménite de sexe masculin au Yémen ne quittait pas le seuil de la
porte de sa maison sans avoir un Tallith sur les épaules, et c'était
le Tallith qu'il enveloppait autour [de lui] à la Synagogue durant
la prière ». Et telle est la pratique que nous, les
Talmidhé HaRamba''m encourageons : porter le Tallith aussi
longtemps et autant de fois que cela est possible au cours d'une
journée, et même de sortir avec chaque fois que cela est possible,
évidemment. Mais les gens doivent savoir que le Tallith n'est en
rien un vêtement exclusif à la prière ; c'est un vêtement
pour les usages de la vie de tous les jours (manteau, tapis de
prière, châle, couverture, drap, etc.). En outre, il n'existe
aucune couleur halakhique que devrait avoir un Tallith. Que le
Tallith soit jaune, bleu, noir, blanc, gris, vert, multicolore, etc.,
cela n'a aucune importance. (Nous y reviendrons une autre fois, Dieu
voulant.)
Ci-dessous,
quelques illustrations de la façon dont le Tallith était/est porté
dans les milieux yéménites, Talmidhé HaRamba''m et Dôr Da´im
(comme vous pourrez le voir, il a différentes couleurs, et peut se
porter de diverses façons) :