dimanche 1 novembre 2015

Quel est l'écartement des jambes interdit ?

ב״ה

Quel est l'écartement des jambes interdit ?


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Certains invoquent la Gamoro` de Pésahim 3a-b (que nous avons citée dans l'article précédent) pour conclure que le port du pantalon est interdit aux femmes en raison du principe de פִּיסוּק רַגְלַיִים « Pisouq Raghlayim – écartement des jambes ». Dans certains livres sur la Sani´outh, il est même fait mention qu'en vertu de cette notion, Rash''i ז״ל, dans son commentaire sur cette Gamoro`, aurait interdit le port du pantalon aux femmes.

Mais nous avons rapporté cette Gamoro` dans l'article précédent et dit que Rash''i ne soutenait pas une telle position. Il ne cite même pas le pantalon dans son commentaire, mais explique que bien que « monter » et « s'asseoir » se réfèrent à la même chose concernant l'impureté rituelle de l'homme Zov et de la femme Niddoh, parce que la Tôroh se devait d'employer un langage raffiné il n'était pas approprié de mentionner explicitement le fait de monter (רְכִיבָה « Rakhivoh ») et écarter les jambes ( פִּיסוּק רַגְלַיִים « Pisouq Raghlayim ») par une femme. La question ne tourne pas autour de l'acte, mais de la manière décente de l'exprimer. Pour ceux qui veulent lire d'eux-mêmes le commentaire de Rash''i, voir ci-dessous :


Voici comment le commentaire de Rash''i est déformé dans certains livres sur la Sani´outh (dont un très populaire dans les milieux Harédhim, mais dont je ne citerai pas le nom) : Rash''i dit que la Tôroh ne se réfère pas au fait qu'une femme monte un animal parce qu'il n'est pas approprié de mentionner le fait qu'elle « monte », et évite ainsi de mentionner la division de leurs jambes en deux. Par extension, si l'on ne doit pas même mentionner l'acte, qui est lié à l'endroit du corps où les parties supérieures de ses jambes s'écartent, à l'évidence c'est une transgression très grave de la Sani´outh si une femme porte un pantalon, car les gens peuvent alors voir qu'une femme a deux jambes et que son corps est séparé à cet endroit ! Ainsi, Rash''i n'aurait eu aucune hésitation à interdire le pantalon, parce que c'est de la פְּרִיצוּת « Parisouth » (débauche, indécence).

Mais Rash''i ne dit pas cela ! Si tel était le cas, la Tôroh ne mentionnerait pas non plus le fait qu'une femme marche parce que marcher implique le fait qu'une femme a deux jambes qui se divisent en deux dans la partie supérieure de son corps lorsqu'elle fait le mouvement. Et cela est bien visible ! Maintenant, éloignez-vous de votre écran d'ordinateur, et faites l'exercice suivant : faites semblant de monter un cheval ou un âne. Gardez droit votre dos, mais écartez largement vos jambes et faites descendre votre bassin, comme si vous étiez assis sur un cheval. Retirez de votre esprit le cheval, et vous voyez bien que vous restez dans une pose grossière et loin d'être pudique.

C'est de cela que parlait Rash''i ! Pisouq Raghlayim ne se réfère pas à l'endroit du corps où les jambes se séparent en deux, et encore moins au fait de voir une division des jambes, ni à un vêtement qui rendrait apparente la division des jambes en deux. Plutôt, cela se réfère littéralement à l'écartement des jambes. Lisez à nouveau la Gamoro` et Rash''i et voyez par vous-mêmes que c'est de cela qu'il s'agit. Puis, lisez également Rabbénou Hanon`él ז״ל, qui dit plus ou moins la même chose, mais en des termes différents : « monter se fait par l'écartement des jambes ». Ainsi, même si la Gamoro` voulait parler de l'acte en lui-même (ce qui n'est pas le cas, car toute la Soughyoh tourne autour du fait de savoir s'il est décent de le dire explicitement ou pas), on ne peut utiliser ni cette Gamoro`, ni le commentaire qu'en fait Rash''i, pour dire que le pantalon est interdit, car on ne parle pas de l'endroit où les jambes se divisent, ni du fait de voir la division des jambes, et encore moins d'un vêtement qui permet de voir que les jambes sont divisées en deux, mais littéralement du fait d'écarter grand les jambes. Et nous avons de nombreuses preuves à cela !

Dans le Prophète Yirmayohou ע״ה, il est écrit ceci1 :

Reconnais seulement ton crime, car tu as été rebelle envers HaShem, ton Dieu ; tu as dispersé tes voies vers les étrangers, sous chaque arbre verdoyant, et vous n'avez pas écouté Ma voix, dit HaShem.
אַךְ דְּעִי עֲו‍ֹנֵךְ, כִּי בַּה׳ אֱלֹהַיִךְ פָּשָׁעַתְּ; וַתְּפַזְּרִי אֶת-דְּרָכַיִךְ לַזָּרִים, תַּחַת כָּל-עֵץ רַעֲנָן, וּבְקוֹלִי לֹא-שְׁמַעְתֶּם, נְאֻם-ה׳

Commentant ce verset, Rash''i écrit :

tu as dispersé tes voies : C'est une expression de débauche, un écartement des jambes vers les parties intimes d'une femme.
ותפזרי את דרכיך. לשון זנות פיסוק רגלים למשכבי אשה

Ainsi, « tu as dispersé tes voies » est un euphémisme pour dire « tu as écarté tes jambes ». Et le ton et le contexte de ce passage du Prophète Yirmayohou indiquent clairement qu'il a une connotation sexuelle, mais le Prophète a préféré l'exprimer décemment en utilisant l'image de disperser ses voies. Cela nous est plus explicitement dit dans le passage suivant du Prophète Yahazqé`l ע״ה2 :

Sur chaque commencement de route tu te construis des tréteaux, tu vilipendes ta beauté, tu écartes tes jambes à tout passant, et tu multiplies tes prostitutions.
אֶל-כָּל-רֹאשׁ דֶּרֶךְ, בָּנִית רָמָתֵךְ, וַתְּתַעֲבִי אֶת-יָפְיֵךְ, וַתְּפַשְּׂקִי אֶת-רַגְלַיִךְ לְכָל-עוֹבֵר; וַתַּרְבִּי, אֶת-תַּזְנוּתָיִךְ

Là, l'expression « écarter les jambes » est explicitement mentionnée, et il est clair que cela a une connotation sexuelle. C'est également dans ce sens-là que cette expression est employée dans le Sékhél Tôv3, le Yalqout Shim´ôni4, qui cite en fait la Gamoro` de Kathoubbôth 39a. Là, la Gamoro` rapporte que lorsque quelqu'un cause du tort à son prochain, il doit lui payer des compensations financières pour plusieurs points, dont la « douleur » qu'il lui a causée. Et la Gamoro` explique que dans le cas d'un viol, le paiement pour la « douleur » causée se rapporte à l'écartement des jambes de la victime. L'homme a écarté de force les jambes de cette femme et doit donc payer pour cela. Et l'expression « Pisouq Raghlayim » est également employée dans ce sens-là dans les `iggarôth Môshah du Rov Môshah Feinstein ז״ל.5

Ainsi, Rash''i ne parlait pas du pantalon, ni même de la Sani´outh (qui n'est même pas le sujet de la Soughyoh), et encore moins d'une situation où l'on peut observer qu'une femme a les jambes divisées en deux, ni même du fait de porter un vêtement qui se sépare à partir de son bassin en deux entités séparées. Il parle du fait de discuter d'une femme se trouvant dans une position spécifique, qui est nécessaire pour monter un cheval, c'est-à-dire une position dans laquelle ses jambes sont largement écartées. (Et non, contrairement au mythe qui circule dans les milieux Harédhim, monter un cheval n'est pas interdit aux femmes. Et le Talmoudh lui-même parle de situations où des femmes montaient des animaux. L'une des raisons que les Harédhim invoquent souvent pour l'interdire est cette Gamoro`, ce qui est ridicule. Autre argument : le fait de faire du cheval pourrait déchirer l'hymen. C'est absurde et un mythe qui a la vie longue chez les Harédhim ! En outre, quad bien même l'hymen d'une fille se serait déchiré en faisant du cheval, cela n'a aucune incidence halakhique, puisque la Halokhoh ne compte comme perte de la virginité que le cas d'une femme ayant consenti à un rapport sexuel. Ainsi, la Gamoro` nous informe que si une femme s'est déchiré l'hymen par quoi que ce soit d'autre qu'une relation sexuelle consentie, elle reste vierge et cela n'a pas de conséquence sur sa Kathoubboh).

L'écartement des jambes qu'interdit la Tôroh n'est pas celui qui se produit lorsqu'une femme monte un cheval, ni même lorsqu'elle fait un mouvement naturel, et encore moins lorsqu'elle porte un vêtement qui montre la division de ses jambes en deux, mais le fait d'écarter ses jambes d'une manière provocante, indécente ou impudique. Et de ce fait, peu importe ce qu'elle porte, même une jupe, écarter ses jambes d'une certaine manière, comme on l'a vu dans les versets susmentionnés, est ce qui est interdit, un peu à l'image de ces jeunes filles Harédhiyôth ci-dessous :


On peut donc très bien être coupable de Pisouq Raghlayim peu importe le vêtement que l'on porte, puisque cette interdiction n'a absolument rien à voir avec un vêtement ! Et dans le cas d'une femme qui monte un animal, c'est tout simplement une position naturelle !

Il n'y a pas de Parisouth dans le fait de porter un vêtement qui montre la séparation des jambes. Ce n'est pas de cela que parlait la Gamoro`, ce n'est pas ce que disait Rash''i, et on ne peut utiliser ce passage talmudique pour conclure que porter un pantalon est interdit aux femmes !

Rappelons que les pantalons pour femmes existent depuis le 6ème siècle avant l’Ère Courante, mais que c'est seulement depuis le 20ème siècle que les femmes européennes en portent. Mais des femmes Juives en portaient depuis des siècles dans différents pays non européens, comme au Maghreb, au Yémen, ou encore en Inde et d'autres pays. Que l’Église Catholique en Europe ait longtemps considéré comme de la Parisouth le fait qu'une femme porte des pantalons ne doit avoir aucun effet quant à la question de savoir si c'est de la Parisouth d'après la Halokhoh (et comme je l'ai dit, les femmes Juives de tous les continents hors de l'Europe portaient/portent des pantalons sous leurs robes/jupes), tout comme la pudibonderie de l’Ère victorienne ne doit pas nous contraindre à placer des couches sur tous nos chevaux !

Donc, pour le redire plus clairement : l'écartement des jambes interdit est celui qui rappelle la position dans les rapports intimes, ou qui ressemble à ce qu'on ferait si on montait un animal, car c'est indécent. Cela n'a rien à voir avec le fait de porter un pantalon, car écarter ses jambes de cette manière, même en jupe ou en robe, est ce qui est interdit.

Je conclus en rappelant que de nombreux Pôsqim sont clairement d'avis que les règles de Sani´outh sont autant en vigueur pour les hommes. Le Hozôn `ish ז״ל, par exemple, estimait qu'il ne convenait pas qu'un homme sorte en pantalon, parce que c'est moulant et fait souvent saillir les parties génitales de l'homme. C'est pourquoi il était d'avis qu'un homme devait porter un long manteau par-dessus. En fait, il portait toujours un Tallith Qoton extra large de sorte que lorsqu'il devait faire, sous la chaleur, sa promenade quotidienne que lui avait ordonnée son médecin pour ses problèmes de santé, il pourrait placer son manteau sur ses épaules tout en ayant son Tallith Qoton qui était suffisamment grand que pour couvrir ses genoux et ne pas laisser paraître son entrejambe. C'est rapporté par le Rov `aharôn Roter, l'auteur du Sha`aré `aharôn, qui était le concierge du Hozôn `ish vers la fin de sa vie.

1Yirmayohou 3:13
216:25
3Shamôth Chapitre 12
4Yahazqé`l Réméz 356

5Shou''th `iggarôth Môshah, `évan Ho´azar Volume 4, Chapitre 41
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