mercredi 4 novembre 2015

Les Lois de Niddoh : La femme Niddoh, la Synagogue et les rituels religieux - Première Partie

ב״ה

Les Lois de Niddoh

La femme Niddoh, la Synagogue et les rituels religieux


Première Partie

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  1. Introduction

La majorité des sujets relatifs à l'impureté et la pureté dans la Tôroh sont mentionnés en lien avec le Mishkon. D'après la Tôroh, toute personne impure a l'interdiction d'entrer dans le Mishkon. La liste donnée dans Wayyiqro` Chapitre 15 inclut des gens qui sont considérés impurs à cause de décharges provenant de leurs organes sexuels, soit par des causes naturelles, soit par maladie. Elle mentionne les personnes suivantes :

  1. un זָב « Zov » : un homme qui a des décharges séminales causées par une maladie ou un dysfonctionnement de ses organes sexuels ;
  2. un בַּעַל קֶרִי « Ba´al Qari » : un homme qui a eu un écoulement séminale ;
  3. une זָבָה « Zovoh » : une femme qui a des pertes de sang à d'autres moments que sa période menstruelle ;
  4. une נִדָּה « Niddoh » : une femme qui a des pertes de sang durant sa période menstruelle.

D'après la Tôroh, les Bané Yisro`él doivent se séparer de ces personnes impures, car autrement, eux aussi deviendraient impurs. Mais, au verset 31, vers la fin de ce chapitre, la Tôroh nous donne la raison de cette séparation :

Et vous ferez préserver les enfants d'Israël de leurs impuretés, afin qu'ils ne meurent pas de leurs impuretés en rendant impure Mon Mishkon qui est au milieu d'eux.
וְהִזַּרְתֶּם אֶת-בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל, מִטֻּמְאָתָם; וְלֹא יָמֻתוּ בְּטֻמְאָתָם, בְּטַמְּאָם אֶת-מִשְׁכָּנִי אֲשֶׁר בְּתוֹכָם

Les Bané Yisro`él devaient s'éloigner de toute forme d'impureté parce que le Mishkon se trouvait au milieu d'eux, au milieu du camp. C'était une interdiction si stricte que quiconque s'approchait du Mishkon en état d'impureté était passible de la mort. Puisque le Mishkon se trouvait au milieu du camp, ceux qui étaient impurs devaient quitter le camp jusqu'à ce qu'ils aient recouvert leur impureté.1

Une autre sorte d'impureté est celle de la femme après un accouchement. La Tôroh déclare explicitement qu'elle ne doit pas entrer dans le Sanctuaire durant la période de son impureté.2

Plus tard, lorsque le Mishkon fut remplacé par le Béth Hammiqdhosh, l'interdiction pour les personnes impures de pénétrer dans le Mishkon s'appliqua également au Béth Hammiqdhosh.3

Après la destruction du Béth Hammiqdhosh, les Bathé Hakkanasiyôth (Synagogues) et Bathé Midhroshim (maisons d'étude) devinrent les principales institutions religieuses du culte israélite à la place du Béth Hammiqdhosh. Puisqu'il n'était plus possible d'apporter des Qorbonôth (sacrifices), la Tafilloh (prière) et le Limoudh Tôroh (étude de la Tôroh) devinrent les rituels de substitution.4 Mais malgré tout cela, il n'y a aucun décret dans les sources tanaïques (les Sages de la Mishnoh) et ammoraïques (les Sages de la Gamoro`) exigeant des personnes impures qu'elles se séparent de la Synagogue, qu'elles s'abstiennent du Limoudh Tôroh ou de la Tafilloh. Dans les générations post-talmudiques, l'écrasante majorité des Pôsqim continuèrent à leur permettre de fréquenter les Synagogues, tandis qu'une minorité fut plus stricte concernant la femme Niddoh. Cette minorité trancha que la femme Niddoh devait s'abstenir de tout rite religieux en général et d'entrer dans une Synagogue en particulier, afin que la sainteté du lieu ne soit pas souillée. Nous allons à présent passer en revue les différentes approches.

  1. Le point de vue de la Halokhoh

Lorsque nous examinons les textes halakhiques, c'est-à-dire les sources tanaïques et ammoraïques, nous voyons que HaZa''l ne firent jamais de différence entre une femme Niddoh et les autres personnes impures, et leur permirent tous de prier, réciter des bénédictions, étudier la Tôroh et entrer dans une Synagogue.

  1. La Tôsafto`

Nous lisons ceci dans la Tôsafto`5 :

Les Zovin, les Zovôth, les Niddôth et les femmes qui ont accouché ont la permission de lire la Tôroh, d'étudier la Mishnoh, le Midhrosh, les Halokhôth et les `aggodhôth. Mais tout cela est interdit aux Ba´alé Qariyin.
הזבין והזבות והנדות והיולדות מותרין לקרות בתורה ולשנות במשנה במדרש בהלכות ובאגדות ובעלי קריין אסורין בכולן

D'après cette Baraytho`, les femmes Niddôth et toutes les autres personnes impures n'ont pas l'interdiction de lire la Tôroh et d'étudier les paroles et enseignements de HaZa''l. Il n'y a qu'une seule exception : un Ba´al Qari a l'interdiction de s'adonner à ces activités. Cette exception est due au décret de ´azro` Hassôfér ע״ה selon lequel un Ba´al Qari doit s'immerger dans un Miqwah avant de pouvoir s'adonner à des rites religieux.6 Pour rappel, un Ba´al Qari est un homme ayant eu un écoulement séminal pour quelque raison que ce soit, comme par exemple à la suite d'un rapport sexuel avec son épouse. Mais les Sages de Palestine nous apprennent que cette interdiction pour le Ba´al Qari de s »adonner à des rites religieux n'a rien à voir avec son état d'impureté. Ils nous disent ceci7 :

Rabbi Ya´aqôv bar `abboun a dit : « Eux-mêmes n'ont décrété cette immersion qu'afin que les Israélites ne soient pas comme des coqs, qui ont des rapports sexuels, descendent et mangent.
אָמַר רַבִּי יַעֲקֹב בַּר אַבּוּן: כָּל עַצְמָן לֹא הִתְקִינוּ אֶת הַטְּבִילָה הַזֹּאת, אֶלָּא שֶׁלֹּא יְהוּ יִשְׂרָאֵל כַּתַּרְנְגוֹלִין הַלָּלוּ, מְשַׁמֵּשׁ מִטָּתוֹ וְיוֹרֵד וְאוֹכֵל

En d'autres mots, d'après le Yarousholmi, les interdictions imposées au Ba´al Qari ne sont pas liées à son impureté. Les Sages désiraient plutôt limiter l'homme dans ses activités sexuelles. Ils ne voulaient pas que l'homme se comporte comme un coq qui s'accouple tout le temps. Par conséquent, ils imposèrent à un homme qui avait eu un écoulement séminal de chaque fois s'immerger au Miqwah après. Néanmoins, ce décret de ´azro` Hassôfér fut par la suite aboli par les Sages de l'époque ammoraïque, parce qu'il était trop difficile pour la majorité des hommes d'y adhérer et tout homme n'avait pas forcément un Miqwah à proximité de chez lui ou l'envie et la force de s'y rendre après un rapport sexuel avec sa femme. De ce fait, la Halokhoh est que même un Ba´al Qari, comme le reste des personnes impures, peut s'adonner à des rites religieux même sans s'être immergés au préalable.8

  1. Le Talmoudh Bavli

La Gamoro`9 rapporte la Baraytho` suivante :

Il a été enseigné : Rébbi Yahoudhoh ban Bathiro` avait l'habitude de dire : « Les paroles de Tôroh ne peuvent contracter d'impureté ». Une fois, un certain disciple marmonnait près de Rébbi Yahoudhoh ban Bathiro`. Il lui dit : « Mon fils, ouvre ta bouche et que tes paroles soient claires, car les paroles de Tôroh ne peuvent contracter d'impureté, car il est dit10 : ''Mes paroles ne sont-elles pas comme le feu ?''. Tout comme le feu ne peut contracter d'impureté, de même, les paroles de Tôroh ne peuvent contracter d'impureté ».
תניא ר' יהודה בן בתירא היה אומר אין דברי תורה מקבלין טומאה מעשה בתלמיד אחד שהיה מגמגם למעלה מרבי יהודה בן בתירא אמר ליה בני פתח פיך ויאירו דבריך שאין דברי תורה מקבלין טומאה שנאמר הלא כה דברי כאש נאם ה' מה אש אינו מקבל טומאה אף דברי תורה אינן מקבלין טומאה

En d'autres mots, quelqu'un qui est impur peut s'adonner à l'étude de la Tôroh, étant donné que les paroles de Tôroh ne peuvent contracter d'impureté.

Nous pouvons résumer la chose ainsi : ni la Mishnoh, ni les deux Talmoudhin, n'interdisent à une femme Niddoh d'entrer dans une Synagogue, de prier, de réciter le Shama´ ou de lire ou étudier la Tôroh. L’impureté de la Niddoh ne l'empêche de s'adonner à des activités religieuses, parce que אין דברי תורה מקבלין טומאה « les paroles de Tôroh ne peuvent contracter d'impureté ».

  1. Les Ga`ônim et les Ri`shônim

  1. Les Ga`ônim (de l'an 600 à l'an 1000)

En accord avec ces sources halakhiques, l'opinion acceptée dans les Yashivôth des Ga`ônim (qui furent les dirigeants des Juifs de Babylone après la clôture du Talmoudh) était que les femmes Niddôth pouvaient prier, réciter des bénédictions, ou encore se rendre à la Synagogue. À la question qui lui fut posée, si une femme Niddoh devait réciter des bénédictions et prier, le Rov Natrôna`y Go`ôn bar Rov Hilla`y ז״ל (deuxième moitié du 9ème siècle) répondit ceci11 :

Nous avons vu qu'une femme qui est Niddoh prie et récite des bénédictions durant sa période [menstruelle] sans appréhension. Sous prétexte qu'elle est interdite à son mari, doit-elle être libérée de l'observance des Miswôth ?! Car Ravino` a dit12 : « Une Niddoh sépare la Halloh ». Puisqu'elle a l'obligation de séparer [la Halloh, bien qu'elle soit Niddoh], elle ne peut pas le faire sans réciter une bénédiction. Quelle différence y a-t-il entre une bénédiction et une prière ?

En d'autres mots, bien qu'une femme Niddoh soit interdite à son mari (ils ne peuvent pas avoir de rapports sexuels), elle est néanmoins toujours astreinte à toutes ses obligations religieuses. De ce fait, chaque fois qu'elle accomplit une Miswoh ou un acte qui nécessite qu'une bénédiction soit récitée, comme par exemple lorsqu'elle sépare la pâte de la Halloh, elle doit donc réciter les Barokhôth requis pour les actes religieux qu'elle accomplit. Et puisqu'il n'y a pas de différence halakhique entre une bénédiction et une prière, tout comme elle est tenue de réciter les bénédictions, elle est également tenue de prier.

La majorité des Ga`ônim permirent à une femme Niddoh de s'adonner à des activités religieuses et affirmèrent qu'il n'y avait aucune base dans la Tôroh et la loi talmudique pour l'interdire. Néanmoins, il semble que l'opinion minoritaire était également très répandue à leur époque, comme nous le verrons un peu plus loin dans cet article.

  1. Rash''i (France, 1040-1105)

Il était apparemment assez fréquent au 11ème siècle pour les femmes Juives françaises de s'abstenir d'aller à la Synagogue lorsqu'elles étaient Niddôth. Les propos de Rash''i ז״ל l'attestent13 :

Et certaines femmes s'empêchent d'entrer à la Synagogue durant leur période menstruelle]. Elles n'ont pas besoin d'agir ainsi. Car pourquoi le font-elles ? Si c'est parce qu'elles pensent qu'une Synagogue est comme le Béth Hammiqdhosh, pourquoi y entre-t-elle alors même après leur immersion rituelle ?... Si ce n'est pas comme le Béth Hammiqdhosh, elles doivent certainement y entrer. En outre, nous avons tous eu des émissions séminales et sommes tous impurs de part la proximité avec des cadavres et de reptiles, et pourtant nous entrons à la Synagogue. Tu apprends donc qu'une Synagogue n'est pas comme le Béth Hammiqdhosh, et elles peuvent y entrer. Cependant, c'est un lieu pur et agissent de façon appropriée.

Rash''i s'opposait à cette coutume qu'avaient certaines femmes, et explique que la Synagogue n'est pas comme le Béth Hammiqdhosh, et par conséquent les gens impurs, y compris les femmes Niddôth, n'ont pas l'interdiction d'y entrer.

Notez que la dernière phrase du Pasaq de Rash''i contredit clairement l'opinion qu'il exprime avant la conclusion. Nous pouvons aisément conclure que cette phrase de conclusion ne reflète pas l'opinion de Rash''i, mais fut un ajout d'un éditeur, d'un copiste, ou peut-être d'un de ses disciples. Ce Pasaq apparaît également dans deux autres ouvrages de rassemblement des enseignements de Rash''i, à savoir, le Séfar Liqqouté Pardés LaRash''i (5b), le Séfar Ho ôroh (Volume 2, pages 167-168). Ces ouvrages, ainsi que le Mahzôr Witri, furent écrits par les disciples de Rash''i, et non par Rash''i lui-même, et l'un d'eux a très bien pu ajouter la phrase de conclusion que l'on retrouve dans les trois versions. Il y a d'autres cas similaires de phrases ajoutées qui contredisent tout ce qui a été dit avant elles. (Dans le propre commentaire de Rash''i sur le TaNa''Kh, un ami Breslever fut choqué d'apprendre ce que je savais depuis longtemps : certains commentaires imprimés ne sont pas de Rash''i ou contredisent même Rash''i.) Ce sont des choses très courantes lorsqu'un livre n'a pas été rédigé par la personne même mais ses disciples ou d'autres gens, et c'était aussi le problème des livres que l'on recopiait à la main. Une erreur pouvait facilement se glisser dans la copie.

  1. Ramba''m (Espagne-Égypte, 1135-1204)

Voici ce que le Ramba''m ז״ל écrit dans son Mishnéh Tôroh14 :

Tous ceux qui sont impurs lavent uniquement leurs mains, comme ceux qui sont purs, et prient. Même s'il leur est possible de s'immerger et se débarrasser de leur impureté, [le fait qu'il n'y ait pas eu d']immersion ne les empêche pas [de prier].
כָּל הַטְּמֵאִים--רוֹחֲצִין יְדֵיהֶן בִּלְבָד כַּטְּהוֹרִין, וּמִתְפַּלְּלִין: אַף עַל פִּי שֶׁאִפְשָׁר לָהֶן לִטְבֹּל וְלַעֲלוֹת מִטֻּמְאָתָן, אֵין הַטְּבִילָה מְעַכֶּבֶת

En d'autres mots, les gens qui sont impurs n'ont pas besoin d'une immersion rituelle afin de pouvoir prier. Il leur suffit de se laver les mains, comme tous ceux qui sont impurs, et prier. (En effet, d'après la Halokhoh, le lavage des mains est requis avant de prier.)

Le Ramba''m ne fait aucune distinction entre les femmes Niddôth et les autres personnes impures. Il écrit d'ailleurs ceci15 :

Tous ceux qui sont impurs, même les Niddôth et même les Gôyim, ont la permission de tenir un Rouleau de la Tôroh et de lire dedans, car les paroles de Tôroh ne peuvent contracter d'impureté. Mais c'est à la condition que leurs mains ne soient pas sales ou souillées. Ils doivent par conséquent laver leurs mains, et seulement après le toucher.
כָּל הַטְּמֵאִים, אַפִלּוּ נִדּוֹת, וְאַפִלּוּ גּוֹיִים--מֻתָּרִין לֶאֱחֹז סֵפֶר תּוֹרָה, וְלִקְרוֹת בּוֹ: שְׁאֵין דִּבְרֵי תּוֹרָה מְקַבְּלִין טֻמְאָה. וְהוּא שֶׁלֹּא יִהְיוּ יְדֵיהֶם מְטֻנָּפוֹת, אוֹ מְלֻכְלָכוֹת בְּטִיט; אֵלָא יִרְחֲצוּ יְדֵיהֶם, וְאַחַר כָּךְ יִגְּעוּ בּוֹ

Le Ramba''m cite évidemment la Baraytho` dans la Tôsafto` de Barokhôth 2:12 et dans la Gamoro` de Barokhôth 22a que nous avons rapportée plus haut.

Le Ramba''m fait la distinction entre l'impureté et la saleté. L'interdiction de prier ou toucher un Séfar Tôroh ne s'applique que dans le cas où les mains sont sales ou souillées, comme cela est clairement stipulé dans la Gamoro` de Soukkoh 26b, et n'a donc rien à voir avec l'impureté, puisque les paroles de Tôroh ne peuvent contracter d'impureté. Par conséquent, n’importe quelle personne impure, comme par exemple une femme Niddoh ou encore un Gôy, peut toucher un Séfar Tôroh, dès lors que ses mains sont propres. Si ce n'est pas le cas, elle doit les laver au préalable. (Par « mains sales », on parle de la saleté, et par « mains souillées » on parle de quelqu'un qui a utilisé ses mains pour toucher des parties du corps devant normalement être couvertes ou encore un cadavre, un reptile, etc.)

  1. Rabbi Yôséf Qa`rô (Espagne-Palestine, 1488-1575

Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל base la plupart de ces décisions dans le Shoulhon ´oroukh sur les Sages talmudiques et le Ramba''m. C'est ainsi que l'on retrouve souvent carrément du copier-coller sur le Mishnéh Tôroh. Il écrit ceci16 :

Tous ceux qui sont impurs, même les Niddôth, ont la permission de tenir un Rouleau de la Tôroh et de lire dedans. Mais c'est à la condition que leurs mains ne soient pas sales ou souillées.
כל הטמאים אפילו נדות מותרים לאחוז בספר תורה ולקרות בו; והוא שלא יהיו ידיהם מטונפות או מלוכלכות

En d'autres mots, les gens impurs, y compris les femmes Niddôth, peuvent toucher un Séfar Tôroh.

Un peu plus tôt dans son Shoulhon ´oroukh, il avait déjà écrit ceci17 :

Tous ceux qui sont impurs peuvent lire la Tôroh, procéder à la récitation du Shama´ et prier, excepté le Ba´al Qari, car ´azro` l'a distingué de tous ceux qui sont impurs et lui a interdit aussi bien les paroles de Tôroh, la récitation du Shama´ et la prière, tant qu'il ne s'était pas immergé, afin que les Talmidhé Hakhomim ne restent pas auprès de leurs épouses comme des coqs. Par la suite, ils annulèrent ce décret, et cette question fut tranchée selon le Din que même le Ba´al Qari a la permission [de s'adonner] aux paroles de Tôroh, à la récitation du Shama´ et à la prière sans immersion... Et telle est la coutume universelle.
כל הטמאים קורין בתורה וקורין קריאת שמע ומתפללין חוץ מבעל קרי שהוציאו עזרא מכל הטמאים ואסרו בין בדברי תורה בין בקריאת שמע ותפלה עד שיטבול כדי שלא יהיו תלמידי חכמים מצויין אצל נשותיהן כתרנגולין ואחר כך בטלו אותה תקנה והעמידו הדבר על הדין שאף בעל קרי מותר בדברי תורה ובקריאת שמע ובתפלה בלא טבילה... וכן פשט המנהג

D'après Rabbi Yôséf Qa`rô, tous ceux qui sont rituellement impurs peuvent lire la Tôroh, étudier la Tôroh, réciter le Shama´ et prier. Un Ba´al Qari n'a plus l'obligation de s'immerger au Miqwah parce que ce décret fut annulé. En outre, il n'est pas du tout interdit à une femme Niddoh d'elle aussi s'adonner à des activités religieuses, comme l'étude de la Tôroh, la prière, etc.

En résumé : d'après la Halokhoh basée sur le Talmoudh, ainsi que d'après les Ga`ônim, Rash''i, le Ramba''m et Rabbi Yôséf Qa`rô, une femme Niddoh a la permission d'entrer dans une Synagogue et de s'adonner à des activités religieuses, sans aucune réserve.

  1. Éloigner les femmes de la Synagogue et leur empêcher les activités religieuses

Nous avons vu jusqu'à présent qu'il n'existe aucune base halakhique pour éloigner une femme Niddoh de la Synagogue ou lui interdire les activités religieuses durant sa période de menstruation. Mais à cause de superstitions et autres raisonnements erronés, certaines personnes et communautés ont institué des coutumes ayant pour but d'éloigner la femme Niddoh de la Synagogue et lui interdire les activités religieuses. Le fait que seule la femme Niddoh parmi toutes les catégories de personnes impures eut droit à ce régime drastique indique une idée tordue selon laquelle l'impureté de la femme Niddoh différerait des autres formes d'impureté.

  1. Baraytho` DaNiddoh

Les restrictions extrêmes se rapportant à l'interdiction d'une femme Niddoh de s'adonner à des activités religieuses se retrouvent dans un ouvrage intitulé ברייתא דנדה « Baraytho` DaNiddoh » (ou ברייתא דמסכת נדה « Baraytho` Damasékhéth Niddoh »), dont nous avions déjà un peu parlé ici, qui fut rédigé en Palestine probablement du temps des Ga`ônim, et qui appartenait sans aucun doute à une secte qui ne suivait pas la Tôroh et Halokhoh normative.

L'une des caractéristiques de cet ouvrage est qu'il traite énormément de superstitions d'après lesquelles une femme Niddoh est dangereuse, un point de vue qui est inexistant dans le TaNa''Kh, la Mishnoh, la Tôsafto`, le Midhrosh et la Gamoro` ! En outre, bon nombre de règles mentionnées dans Baraytho` DaNiddoh n'apparaissent pas dans la littérature rabbinique.

D'après l'approche du Baraytho` DaNiddoh, on doit éviter tout contact avec une Niddoh. L'avertissement suivant se retrouve déjà au tout début du livre (page 3) : « Les femmes suivantes enterrent leurs maris : celles qui ne suivent pas minutieusement les lois de Niddoh ». Le danger n'est pas limité au mari de la Niddoh, mais s'étend à tous ceux qui ont un contact avec elle. Nous lisons, par exemple : « Une Niddoh ne doit pas couper ses ongles, par crainte que l'un d'eux tombent par terre... si quelqu'un marche sur eux il tombera malade de furoncles » (page 16). Ou : « Rébbi Youdhon a dit : ''Tout Kôhén qui bénit l'assemblée lorsque sa mère, sa femme ou sa fille est impure, les prières deviennent une abomination et cela lui cause des problèmes de mémoire'' » (page 25). Autre exemple : « Une femme qui est Niddoh ne doit pas toucher la pâte ou aliment cuit, et ne doit pas la placer dans le four, par crainte que l'un des aliments cuits devienne impur et que l'un des Talmidhé Hakhomim n'en mange [par inadvertance], amenant sa connaisse à se perdre jusqu'à ce qu'il finisse par oublier tout ce qu'il a étudié » (page 18). L'impureté de la Niddoh est si grave que même son crachat la transfère aux autres : « Rébbi Hanino` a dit : ''Si une Niddoh a craché sur le lit, et son mari ou ses fils ont marché dessus, ils sont totalement impurs et empêchés d'entrer à la Synagogue jusqu'à ce qu'ils s'immergent dans l'eau, étant donné que le crachat d'une Niddoh est impur » (page 3).

D'après le Baraytho` DaNiddoh, une Synagogue est similaire au Béth Hammiqdhosh, et aucune personne impure ne peut y entrer. Par conséquent, il dit concernant la Niddoh : « [Il est écrit18 :] ''Elle n'entrera pas dans le Sanctuaire'' ; elle n'a pas la permission d'entrer dans des Bathé Midhroshim et des Bathé Hakkanasiyôth » (pages 30-33). L'impureté de la Niddoh est si grave qu'elle a non seulement l'interdiction d'entrer dans une Synagogue, mais elle doit également s'éloigner de tout ce qui est saint : « Une femme Niddoh ne doit pas s'occuper de la Halloh, ni de l'allumage des bougies de Shabboth » (page 27). Elle a également l'interdiction de prier et réciter des bénédictions : « Rébbi Youdhon a dit : ''Il est interdit de réciter une bénédiction lorsqu'une Niddoh est présente, afin de s'assurer qu'elle n'y pense pas, ne dise ''`omén'' et ne se souille'' » (page 17). En d'autres mots, le mot « `omén » est considéré comme un sacrilège lorsqu'il est prononcé par une femme Niddoh ; et s'il lui est déjà interdit de penser même à une bénédiction, à combien plus forte d'en prononcer une.

Le Baraytho` DaNiddoh fut le premier texte à mentionner qu'une Niddoh aurait l'interdiction de toucher ce qui est saint, et de ne pas réciter des bénédictions ou prier, sur base de l'idée selon quoi toute bénédiction qu'elle récite deviendrait une malédiction et un Hilloul HaShem.

Bien que toutes les règles susmentionnées ne suivent pas la loi talmudique, elles eurent une influence énorme dans les générations qui suivirent la publication du Baraytho` DaNiddoh. C'est ainsi que, par exemple, les Hasidhé `ashkanaz avaient le Minhogh qu'un Kôhén devait éviter de bénir l'assemblée si une femme de son entourage (épouse, mère, sœur et fille) était Niddoh.

  1. Séfar Hammiqsô´ôth

Comme nous l'avons mentionné plus haut, la majorité des Ga`ônim n'estimaient pas nécessaire d'éloigner les femmes Niddôth des activités religieuses, et leur permettaient donc de réciter des bénédictions, de faire la prière, ou se rendre à la Synagogue. Ils rédigèrent également de très nombreuses Tashouvôth pour dénoncer l'opinion selon laquelle il fallait les interdire aux femmes Niddôth. D'autres encore parmi les Ga`ônim protestèrent contre les femmes qui s'imposaient elles-mêmes ces interdictions. Il semble de tout cela que de telles pratiques s'étaient beaucoup répandues en ces temps-là.

Effectivement, une minorité de Ga`ônim approuvaient ces pratiques. Leurs Tashouvôth sont citées dans le ספר המקצועות « Séfar Hammiqsô´ôth », un ouvrage qui fut, apparemment, rédigé au 11ème siècle. Il n'existe plus aujourd'hui, et nous n'en connaissons le contenu qu'à travers diverses citations qui en ont été faites par les Ri`shônim. L'une de ces citations déclare19 :

« Une femme ne peut pas entrer dans une Synagogue lorsqu'elle est Niddoh, jusqu'à [la fin] des jours blancs, car il est dit20 : ''elle ne touchera aucune chose consacrée'', etc. ». C'est rapporté au nom de Rov Samah Go`ôn, et telle est la coutume dans les deux Yashivôth, et [il lui est] même [interdit de se tenir] à l'extérieur de la Synagogue... Et il lui est non seulement interdit d'entrer à la Synagogue, mais également de répondre « `omén » lorsqu'elle entend quelque bénédiction que ce soit, car Rébbi Youdhon a dit : « Il est interdit de réciter une bénédiction lorsqu'une Niddoh est présente, afin de s'assurer qu'elle n'y pense pas, ne dise ''`omén'' et ne se souille ».

Deux opinions sont exprimées ici : d'après la première, une Niddoh a seulement l'interdiction d'entrer dans une Synagogue. D'après la seconde opinion, qui est la plus stricte, une femme ne doit pas prier même durant ses jours blancs, et elle ne peut pas entendre une bénédiction par crainte qu'elle ne réponde « `omén ». La source de cette deuxième opinion est le Baraytho DaNiddoh, que nous avons rapporté plus haut.

Ces parties du Séfar Hammiqsô´ôth prouvent que vers la fin de l'ère gaonique il était de coutume d'empêcher les femmes Niddôth de dire « `omén » et d'entrer dans une Synagogue. Puisque le Séfar Hammiqsô´ôth cite le Baraytho` DaNiddoh, nous pouvons déduire que ces restrictions furent inspirées par ce livre.

La prochaine fois nous parlerons de l'influence que ces deux ouvrages ont eu sur les premiers Pôsqim `ashkanazim.

Pour l'heure, ce qu'il convient de retenir de tout cela, c'est qu'il n'y a aucune restriction placée par la Halokhoh sur une femme Niddoh concernant le fait d'aller à la Synagogue ou d'accomplir des activités religieuses comme réciter une bénédiction, prier, réciter le Shama´ ou encore étudier/lire la Tôroh.

1Bamidhbor 5:2-3
2Wayyiqro` 12:4
3Mishnoh, Kélim 1:8
4Voir la Gamoro`, Barokhôth 26b et Ta´anith 2a, ainsi que le Mishnéh Tôroh, Hilkôth Tafilloh Ouvirkhath Kôhanim 1:7
5Barokhôth 2:12 ; cette Tôsafto` apparaît également dans le Talmoudh Yarousholmi, Barokhôth 3:4 (ou 6c)
6Bavo` Qammo` 82a
7Talmoudh Yarousholmi, Barokhôth 3:4 (ou 6c)
8Voir le Mishnéh Tôroh, Hilkôth Tafilloh Ouvirkhath Kôhanim 4:4-5 ; le Shoulhon ´oroukh, `ôrah Hayim 88:1 ; le Mishnoh Barouroh 88:3
9Barokhôth 22a
10Yirmayohou 23:29
11sar Hagga`ônim sur Barokhôth, Section Tashouvôth, Paragraphe 116, pages 48-49
12Barokhôth 27b
13Mahzôr Witri, page 606
14Hilkôth Tafilloh Ouvirkhath Kôhanim 4:4
15Hilkôth Tafillin Oumzouzoh Waséfar Tôroh 10:8
16Yôréh Dé´oh 282:9
17`ôrah Hayim 88:1
18Wayyiqro` 12:4
19sar Hagga`ônim sur Barokhôth, Section Tashouvôth, Paragraphe 121

20Wayyiqro` 12:4
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