lundi 16 novembre 2015

Notre conception des anges

ב״ה

Notre conception des anges


Cet article peut être téléchargé ici.

Quelle est la vraie position du Judaïsme concernant les anges en général, et plus particulièrement lorsqu'ils sont mentionnés dans le TaNa''Kh ?

Nous basant sur le Ramba''m ז״ל et les versets du TaNa''Kh dans lesquels les anges sont mentionnés, il ressort clairement que le terme « anges » possède des significations multiples qui ne s'excluent pas mutuellement.

Voici la compréhension rationaliste : le Ramba''m explique dans son Môréh Navoukhim1 (Guide des Égarés) que les anges sont des intelligences séparées ne possédant aucune propriété physique et sont employés par HaShem ית׳ dans Sa construction et entretien de l'univers. De ce fait, aucun être humain ne peut voir un ange, puisque les anges ne peuvent prendre une forme physique. Par conséquent, un peu plus loin, il écrit2 : « Nous avons déjà montré que l'apparition ou la parole d'un ange mentionnée dans l’Écriture avait lieu dans une vision ou un rêve ». Le Ramba''m soutient donc que lorsqu'un ange « apparaît » ou « parle » à un homme dans le TaNa''Kh, il ne s'agit là que d'une vision prophétique. Le Ramba''m applique cela à la fameuse rencontre ayant eu lieu entre `avrohom `ovinou ע״ה et les trois voyageurs présentés comme des anges, au combat ayant eu lieu entre Ya´aqôv `ovinou ע״ה et un ange, ainsi qu'aux expériences que Bil´om et Yahôshoua´ bin Noun ע״ה eurent avec des anges.3

Dans le cas de `avrohom `ovinou, l'approche du Ramba''m résout un problème textuel dont peu de gens semblent être conscients. Dans Baré`shith 16:1, il est dit que HaShem apparut à `avrohom `ovinou, mais le verset juste après nous dit que `avrohom `ovinou courut accueillir trois voyageurs. Le contenu de la « révélation » d'HaShem ne nous est pas du tout donné. Mais lorsqu'on comprend que cette rencontre avec des anges n'était qu'une vision, et non un événement physique, il devient alors clair que ces trois voyageurs n'ont pas interrompu la révélation, mais en était le contenu même ! En d'autres mots, lorsqu'il est dit au verset 1 que HaShem est apparu à `avrohom `ovinou et que brusquement, au verset 2, on nous parle de ces trois voyageurs mais sans nous dire qu'est-ce que HaShem a dit à `avrohom `ovinou lorsqu'Il lui est apparu, c'est afin de nous dire qu'Il lui a accordé une vision prophétique dans laquelle ces trois individus lui annonçaient la naissance prochaine d'un fils ! La rencontre n'était donc rien d'autre qu'une vision, et l'on comprend alors que lorsqu'il est dit que HaShem lui est apparu, cela voulait dire qu'Il lui accorda une vision prophétique dans laquelle trois individus lui annonçaient cette bonne nouvelle. Ce n'est que comme ça que ce texte prend pleinement tout son sens et sa compréhension.

Le Ramba''n ז״ל, qui représente l'école de pensée mystique, s'oppose à l’approche du Ramba''m, qui représente l'école de pensée rationaliste. Entre autres choses, dans son commentaire sur Baré`shith 16:1, il critique le Ramba''m en se demandant pourquoi, si la Tôroh décrivait un rêve prophétique, avait-on besoin d'autant de détails sur le menu que `avrohom `ovinou et Soroh `imménou ע״ה servirent à ces trois voyageurs. Il se demande également pourquoi Ya´aqôv `ovinou est devenu boiteux après s'être battu avec un ange si tout cela n'était qu'un rêve ou une vision prophétique. Dans son Séfar Hazzikkorôn, le Ritva''` ז״ל (Rabbi Yôm Tôv de Séville, 1250-1330) défendit l'approche du Ramba''m en expliquant que de nombreuses visions prophétiques incluaient des détails sans grand rapport. Nous le voyons d'ailleurs dans le rêve que fit Yôséf, où il vit la lune, le soleil et onze étoiles se prosterner devant lui. La lune et le soleil représentaient sa mère et son père. Or, nous savons très bien qu'il ne revit plus jamais sa mère après avoir été vendu en Égypte, et qu'elle ne fit donc pas partie de ceux qui se prosternèrent devant lui en Égypte. C'était donc une partie de la vision sans grand rapport, sans doute influencée par l'amour profond qu'il avait pour sa mère. Le récepteur de la vision ou du rêve doit déchiffrer le message essentiel ; il ne doit pas trouver une signification symbolique dans chaque détail du rêve ou de la vision. Il y a donc des éléments d'un rêve qui ne servent pas nécessairement à la compréhension du rêve. Et ainsi en est-il du menu que `avrohom `ovinou et Soroh `imménou servirent aux trois voyageurs. C'est un détail insignifiant du rêve, car l'essentiel du message était qu'ils auraient bientôt un enfant ensemble. Chaque détail d'un rêve ou d'une vision n'a pas forcément une signification, et nous le voyons régulièrement à travers le TaNa''kh. Quant à l'argument selon lequel la lutte entre Ya´aqôv `ovinou et un ange doit s'être réellement produite, car autrement comment Ya´aqôv `ovinou a-t-il pu devenir boiteux s'il ne s'est pas littéralement battu avec quelqu'un, le Ritva''` y répond que cette vision l'a tellement affecté physiquement que cela a causé chez Ya´aqôv `ovinou un trouble psychosomatique. De la même manière, il m'est plusieurs fois arrivé de me réveiller en sueur et physiquement fatigué après avoir rêvé que je courrais sur une longue distance pour échapper à des gens méchants. Ce n'étaient que des rêves, mais ils étaient si intenses que quelque chose se passait physiquement. En me réveillant, je pouvais littéralement sentir les efforts physiques réalisés dans le rêve.

Pour revenir donc au Ramba''m, il trouve tout bonnement impossible qu'un homme ait une expérience avec des anges en étant réveillé. Pourquoi ? Comme le Ramba''m l'a expliqué, les apparitions et langages des anges font appel à deux caractéristiques impossibles sur Terre pour des êtres spirituels :
  1. l'intelligence (un ange qui parle), et
  2. la volonté (un ange qui apparaît pour transmettre quelque chose).

Le Ramba''m nous enseigne un concept crucial : il n'existe pas d'intelligence sur Terre autre que l'homme.

Toute la création terrestre en-dehors de l'homme est limitée à une vie non intelligente. De ce fait, lorsqu'un texte du TaNa''Kh déclare qu'un ange « parle » ou « apparaît », le Ramba''m (et ceux de l'école de pensée rationaliste) est contraint de l’interpréter comme s'étant produit dans une vision ou un rêve. Le monde métaphysique est le seul plan dans lequel une intelligence autre que l'homme existe. Mais dans le monde physique, cela ne se peut pas.

Le premier type d'ange s'applique donc au cas de l'ange qui « parle » ou « apparaît ». Ce type d'ange est un être métaphysique et, par conséquent, ne peut être perçu que dans une vision, qui est un phénomène de l'esprit, un élément métaphysique.

Mais il existe d'autres types d' « anges » ne faisant pas partie d'une vision ou d'un rêve. Le Ramba''m explique qu'un récit biblique sur des anges ne doit se produire dans une vision ou un rêve que lorsque l'ange « apparaît » ou qu'il « parle ». Mais s'il n'y a pas de langage ou d'apparition lorsqu'on mentionne un « ange », il semble que du point de vue du Ramba''m nous n'avons pas à comprendre le récit comme étant un rêve ou une vision, mais pouvons le prendre littéralement. Par exemple, nous voyons clairement à travers différents récits du TaNa''Kh que le terme « ange » peut s'appliquer à des êtres humains, comme par exemple Pinhos ע״ה, d'autant plus que le mot מַלְאָךְ « Mal`okh , souvent traduit par « ange », signifie littéralement « messager ». C'est ainsi que Pinhos est décrit par le Ramba''m comme un être humain d'un haut niveau spirituel et moral qu'il est permis d'appeler « un ange ». Ainsi, ici, le terme « ange »' se réfère à un être humain ordinaire d'un haut calibre.

Dans l'un de ses Tahillim, Dowidh Hammalakh ע״ה écrit4 : עֹשֶׂה מַלְאָכָיו רוּחוֹת; מְשָׁרְתָיו, אֵשׁ לֹהֵט « Il fait des vents Ses anges/messagers, des flammes brûlantes Ses ministres ». Rash''i ז״ל et le Masoudath Dowidh ז״ל (Rabbi Dowidh ban Shalômôh `ibn Zimro`, 1479-1573) expliquent clairement que ce verset signifie tout simplement que HaShem fait des forces naturelles Ses messagers. Le terme « ange » peut donc également désigner une force de la nature (le vent, l'eau, le feu, etc.), les éléments naturels autours et par lesquels l'univers est organisé et subsiste.

Mais il est essentiel de comprendre et noter qu'à aucun moment nos Sages n'ont expliqué le terme « ange » de la façon erronée dont il est souvent compris de nos jours, c'est-à-dire comme des êtres humains dotés d'ailes. De telles images ne représentent pas fidèlement et précisément les récits bibliques. (Les Karouvim dotés d'ailes au-dessus du `arôn Qôdhash dans le Saint des Saints est un concept à traiter séparément.)

Il convient également de préciser que la position rationaliste ne signifie pas que ces « rencontres » avec des anges ne se sont pas produites. En effet, pour le Ramba''m, le fait que HaShem communique Ses messages à travers des messagers est crucial pour l'histoire juive, car c'est à travers ces messages prophétiques que le peuple d'Israël ne s'est jamais senti démuni dans son passé, présent et avenir. L'histoire a démontré que ces messages se sont toujours réalisés. Ces événements ne sont pas des fantaisies ou des fabrications ; ils sont réels et ont eu, ont et auront une influence. Bien qu'ils n'aient pas eu lieu à travers des rencontres physiques, ils ont eu lieu à travers des manifestations de rêves et de visions.

1Volume 1, Chapitre 49
2Volume 2, Chapitre 41
3Volume 2, Chapitres 41-42

4Tahillim 104:4
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...