lundi 14 décembre 2015

Les alternatives aux Shamônah ´asréh

ב״ה

Les alternatives aux Shamônah ´asréh


Cet article peut être téléchargé ici.

Une question se pose souvent : existe-t-il d'autres moyens de s'acquitter de l'obligation de la prière ? Il arrive fréquemment que faire l'intégralité des Shamônah ´asréh paraisse long et lourd. (Les Shamônah ´asréh peuvent être téléchargés sur la colonne de droite du blog, à la rubrique « Bénédictions et prières ».) Parfois, on n'a tout simplement pas la concentration adéquate pour faire l'intégralité des Shamônah ´asréh, et à d'autres occasions on peut être pressé par le temps. Dans ces moments-là, peut-on s'acquitter de l'obligation de la prière par des méthodes alternatives ?

La Mishnoh offre deux alternatives à la récitation intégrale des Shamônah ´asréh. Tout d'abord, la Mishnoh mentionne ce qu'elle appelle מֵעֵין שְׁמֹנֶה עֶשְׂרֵה « Mé´én Shamônah ´asréh – un abrégé des Shamônah ´asréh »1 :

Rabbon Gamli`él dit : « Chaque jour, un homme doit prier les Shamônah ´asréh ». Rébbi Yahôshoua´ dit : « Un abrégé des Shamônah ´asréh ». Rébbi ´aqivoh dit : « Si sa prière est fluide dans sa bouche, il prie les Shamônah ´asréh. Et si ce n'est pas le cas, un abrégé des Shamônah ´asréh ».
רַבָּן גַּמְלִיאֵל אוֹמֵר: בְּכָל יוֹם מִתְפַּלֵּל אָדָם שְׁמוֹנֶה עֶשְׂרֵה. רַבִּי יְהוֹשֻׁעַ אוֹמֵר: מֵעֵין שְׁמוֹנֶה עֶשְׂרֵה. רַבִּי עֲקִיבָה אוֹמֵר: אִם שְׁגוּרָה תְפִלָּתוֹ בְפִיו, מִתְפַּלֵּל שְׁמוֹנֶה עֶשְׂרֵה; וְאִם לָאו, מֵעֵין שְׁמוֹנֶה עֶשְׂרֵה

Cette Mishnoh présente trois opinions concernant les Shamônah ´asréh, à première vue contradictoires. (Mais en réalité, elles ne se contredisent pas.) D'un côté, Rabbon Gamli`él ז״ל soutient que chaque jour, on doit toujours faire l'intégralité des Shamônah ´asréh. De l'autre côté, Rébbi Yahôshoua´ ז״ל soutient que chaque jour, on peut toujours faire une version abrégée des Shamônah ´asréh. Une troisième opinion, celle de Rébbi ´aqivoh ז״ל, est donc rapportée pour clarifier le débat entre Rabbon Gamli`él et Rébbi Yahôshoua´ : lorsque Rabbon Gamli`él dit que l'on doit chaque jour faire l'intégralité des Shamônah ´asréh, c'est seulement si la prière est fluide est dans notre bouche, c'est-à-dire si on a facile à faire l'intégralité de la prière, sans problème. Par contre, lorsque Rébbi Yahôshoua´ affirme que l'on peut chaque jour se contenter d'un abrégé des Shamônah ´asréh, c'est lorsqu'on a difficile à faire l'intégralité de la prière comme il faut (mais qu'on se sent capable de pouvoir prier avec concentration, si la prière était abrégée). Et la Halokhoh suit l'approche de Rébbi ´aqivoh. Par conséquent, toute personne qui, pour quelque raison que ce soit, aurait des difficultés à faire l'intégralité des Shamônah ´asréh, peut s'acquitter par une version abrégée des Shamônah ´asréh. Mais quelle est cette version « abrégée » ?

Le Talmoudh Yarousholmi2 la rapporte précisément de la façon suivante :

« Accorde-nous du discernement, agrée notre repentance, pardonne-nous, délivre-nous, guéris nos maladies, bénis nos années... (si c'est [durant la saison des] pluies3, on dit ''[bénis nos années] par des pluies de bénédiction''. Si c'est [durant la saison des] rosées, on dit ''[bénis nos années] par les rosées de bénédiction''), rassemble-nous car nous sommes dispersés, nous dépendons de Toi pour la justice, fais tomber Ta main sur les méchants, et tous ceux qui se confient en Toi se réjouiront dans la reconstruction de Ta ville et dans la restauration de Ta sainte Maison, car avant que nous n'ayons invoqué, Toi, Tu auras répondu, comme il est dit4 : ''Avant qu'ils n'invoquent, Je répondrai ; alors qu'ils seront encore en train de parler, J'exaucerai''. ''Béni soit `adhônoy, car il a entendu ma voix suppliante''.5 Béni Tu es `adhônoy, Qui écoute la prière ». Et il dit les trois premières bénédictions et les trois dernières bénédictions.
הֲבִינֵנוּ, רְצֵה תְּשׁוּבָתֵנוּ, סְלַח לָנוּ, גֳּאָלֵנוּ, רַפֵּא חֳלָיֵינוּ, בָּרֵךְ שְׁנוֹתֵינוּ... אִם הָיוּ גְּשָׁמִים, אוֹמְרִים "בְּגִשְׁמֵי בְרָכָה", אִם הָיוּ טְלָלִים אוֹמְרִים "בְּטַלְלֵי בְּרָכָה". "כִּי מְפֻזָּרִים אַתָּה מְקַבֵּץ, וְתוֹעִים עָלֶיךָ לִשְׁפֹּט, וְעַל הָרְשָׁעִים תָּשִׁיב יָדֶךָ, וְיִשְׂמְחוּ כָּל חוֹסֵי בָךְ בְּבִנְיַן עִירָךְ, וּבְחִדּוּשׁ בֵּית מִקְדָּשָׁךְ, כִּי טֶרֶם נִקְרָא, אַתָּה תַעֲנֶה, כָּאָמוּר: "וְהָיָה טֶרֶם יִקְרָאוּ וַאֲנִי אֶעֱנֶה, עוֹד הֵם מְדַבְּרִים וַאֲנִי אֶשְׁמָע". "בָּרוּךְ יְהוָה כִּי שָׁמַע קוֹל תַּחֲנוּנָי." בָּרוּךְ אַתָּה יְהוָה שׁוֹמֵעַ תְּפִלָּה." וְאוֹמֵר שָׁלֹשׁ בְּרָכוֹת רִאשׁוֹנוֹת, וְשָׁלֹשׁ בְּרָכוֹת אַחֲרוֹנוֹת

Cette prière, connue sous le nom de הֲבִינֵנוּ « Havinénou » (qui est le mot par lequel elle commence), intègre donc tous les thèmes des douze bénédictions intermédiaires des Shamônah ´asréh, et sa conclusion est d'ailleurs la phrase de conclusion de la dernière des bénédictions intermédiaires, שׁוֹמֵעַ תְּפִלָּה « Shôméa´ Tafilloh » (Qui écoute la prière).

Comme cela est précisé par le Talmoudh Yarousholmi, celui qui fait le Havinénou doit d'abord réciter les trois premières bénédictions des Shamônah ´asréh, puis faire le Havinénou, et conclure par les trois dernières bénédictions des Shamônah ´asréh. Il aura donc fait une ´amidhoh de sept bénédictions (comme à Shabboth).

Mais dans la Mishnoh juste après6, il nous est rapporté une prière appelée תְּפִלָּה קְצָרָה « Tafilloh Qasoroh – prière raccourcie » :

Rébbi Yahôshoua´ dit : « Celui qui se rend dans un lieu de danger fait une prière raccourcie et dit : ''Sauve, ô `adhônoy, Ton peuple, Israël. Dans toutes leurs crises, que leurs besoins soient devant Toi. Béni Tu es `adhônoy, Qui écoute la prière'' ».
רַבִּי יְהוֹשֻׁעַ אוֹמֵר: הַמְּהַלֵּךְ בִּמְקוֹם הַסַּכָּנָה, מִתְפַּלֵּל תְּפִלָּה קְצָרָה מֵעֵין שְׁמוֹנֶה עֶשְׂרֵה, וְאוֹמֵר: "הוֹשִׁיעָה יְהוָה אֶת עַמְּךָ אֵת יִשְׂרָאֵל; כָּל פָּרָשַׁת הָעִבּוּר יִהְיוּ צָרְכֵיהֶם לְפָנֶיךָ; בָּרוּךְ אַתָּה יְהוָה שׁוֹמֵעַ תְּפִלָּה

Mais les deux Talmoudhin7 nous disent que la version de la prière raccourcie à faire est celle des autres Sages, et non celle de Rébbi Yahôshoua´. Quelle est cette version ? Le Talmoudh Yarousholmi l'énonce ainsi :

Les autres disent : « Les besoins de Ton peuple Israël sont nombreux et leur capacité [à les exprimer] est limitée. Mais que cela soit agréable de devant Toi, `adhônoy notre Dieu et Dieu de nos ancêtres, que Tu accordes à chaque créature ses nécessités, et à chaque personne ce dont elle manque. ''Béni soit `adhônoy, car il a entendu ma voix suppliante''.8 Béni Tu es `adhônoy, Qui écoute la prière ». Rav Hisdo` a dit : « La Halokhoh est conforme [à l'opinion des] autres ». Rav Hisdo` a dit : « Et il dit les trois premières bénédictions et les trois dernières bénédictions ».
אֲחֵרִים אוֹמְרִין: "צָרְכֵי עַמָּךְ יִשְׂרָאֵל מְרֻבִּין, וְדַעְתָּן קְצָרָה, אֶלָּא יְהִי רָצוֹן מִלְּפָנֶיךָ, יְהוָה אֱלֹהֵינוּ וֵאלֹהֵי אֲבוֹתֵינוּ, שֶׁתִּתֵּן לְכָל בִּרְיָה וּבִרְיָה צְרָכֶיהָ, וּלְכָל גְּוִיָּה וּגְוִיָּה דֵּי מַחְסוֹרָהּ, "בָּרוּךְ יְהוָה כִּי שָׁמַע קוֹל תַּחֲנוּנָי." בָּרוּךְ אַתָּה יְהוָה שׁוֹמֵעַ תְּפִלָּה." רַב חִסְדָּא אָמַר: הֲלָכָה כָּאֲחֵרִים. רַב חִסְדָּא אָמַר: וְאוֹמֵר שָׁלֹשׁ בְּרָכוֹת הָרִאשׁוֹנוֹת וְשָׁלֹשׁ הָאַחֲרוֹנוֹת

Étant donné que cette personne se trouve dans un lieu dangereux, et n'a donc pas l'esprit tranquille pour faire les Shamônah ´asréh correctement, ni même pour énoncer ses besoins et requêtes, elle peut s'acquitter par cette prière raccourcie. Puisque HaShem ית׳ est omniscient, Il verra les besoins se trouvant dans le cœur de cette personne, qu'elle n'a pas pu énoncer par sa bouche. Et tout comme pour l'abrégé des Shamônah ´asréh, on commencera par les trois premières bénédictions des Shamônah ´asréh, puis on fera cette prière raccourcie, et on conclura par les trois dernières bénédictions des Shamônah ´asréh.

Le Talmoudh Yarousholmi9 précise que quelqu'un qui est malade, et veut néanmoins prier, peut s'acquitter de son devoir par cette prière raccourcie.

Pourquoi ai-je cité le Talmoudh Yarousholmi plutôt que le Bavli ? Car il y a contradiction entre les deux, et chaque fois qu'il y a contradiction entre les deux Talmoudhin, c'est le Yarousholmi qui a la priorité. En effet, le Talmoudh Bavli10 explique que la différence entre l'abrégé des Shamônah ´asréh et la prière raccourcie est que l'abrégé des Shamônah ´asréh est précédé des trois premières bénédictions des Shamônah ´asréh et suivi des trois dernières, ce qui n'est pas le cas de la prière raccourcie. Or, le Yarousholmi nous dit explicitement que même la prière raccourcie est précédée des trois premières bénédictions des Shamônah ´asréh et suivie des trois dernières. Le Bavli nous dit également que l'abrégé des Shamônah ´asréh doit être récité debout, tandis que la prière raccourcie peut être faite debout ou en marchant. (Ce qui est correcte, puisque la personne étant dans un endroit dangereux, elle ne peut pas se permettre de s'immobiliser pour faire la prière raccourcie. Elle pourra donc la faire tout en marchant.) Une troisième différence mentionnée par le Bavli est que lorsqu'on a fait l'abrégé des Shamônah ´asréh, on sera quitte de la prière, tandis que lorsqu'on a fait la prière raccourcie on devra prier à nouveau en rentrant chez soi. Mais le Yarousholmi ne mentionne pas cette exigence, et du contexte il est clair qu'il est quitte de son devoir par la prière raccourcie et n'aura pas à prier à nouveau. Une dernière différence mentionnée dans le Bavli est que l'abrégé des Shamônah ´asréh pourrait être faite toute l'année, sauf à Môso`é Shabboth, Môso`é Yôm Tôv et durant toute la saison des pluies, ce que ne dit pas le Yarousholmi, qui permet littéralement de faire l'abrégé des Shamônah ´asréh durant toute l'année (sauf à Shabboth et Yôm Tôv, évidemment, puisque ces jours-là les Shamônah ´asréh sont déjà abrégés) et inclut même la phrase à ajouter durant la saison des pluies (voir plus haut), indiquant bien par-là que l'abrégé des Shamônah ´asréh peut se faire même durant la saison des pluie.

Le Ramba''m ז״ל tranche donc ceci dans son Mishnéh Tôroh11 :

Lors de chacune de ces trois prières, chaque jour un homme doit faire ces dix-neuf bénédictions suivant l'ordre. Dans quel cas ces paroles s'appliquent-elles ? Lorsque sa concentration n'est pas entravée et qu'il est capable de les réciter avec fluidité. Mais s'il est perturbé ou dans une situation pressante, ou qu'il ne peut s'exprimer avec fluidité, il doit faire les trois premières [bénédictions], une bénédiction qui est un abrégé de toutes les [bénédictions] intermédiaires, puis les trois dernières bénédictions[, et il est quitte de son devoir.
בְּכָל תְּפִלָּה מִשָּׁלוֹשׁ תְּפִלּוֹת אֵלּוּ שֶׁבְּכָל יוֹם, מִתְפַּלֵּל אָדָם תְּשַׁע עֶשְׂרֵה בְּרָכוֹת אֵלּוּ עַל הַסֵּדֶר. בַּמֶּה דְּבָרִים אֲמוּרִים, בְּשֶׁמָּצָא דַּעְתּוֹ מְכֻוֶּנֶת וּלְשׁוֹנוֹ תְּמַהַר לִקְרוֹת; אֲבָל אִם הָיָה טָרוּד וְדָחוּק, אוֹ שֶׁקָּצְרָה לְשׁוֹנוֹ--מִתְפַּלֵּל שָׁלוֹשׁ רִאשׁוֹנוֹת וּבְרָכָה אַחַת מֵעֵין כָּל הָאֶמְצָעִיּוֹת וְשָׁלוֹשׁ אַחֲרוֹנוֹת, וְיָצָא יְדֵי חוֹבָתוֹ

Au niveau pratique, celui qui est pressé par le temps, qui craint de ne pas pouvoir suffisamment se concentrer, qui craint qu'il pourrait devoir s'interrompre (ou qu'il risque d'être interrompu par quelqu'un ou quelque chose. Par exemple, il désire prier, mais sait que dans très peu de temps quelqu'un pourrait sonner à la porte, ce qui l'obligerait à s'interrompre ou pourrait le distraire), ou qui se sent trop fatigué pour faire l'intégralité de la prière, s'il désire néanmoins prier, il pourra s'acquitter de son devoir en faisant l'abrégé des Shamônah ´asréh. Par contre, celui qui doit passer par un lieu dangereux et qu'arrive l'heure de la prière, ou qui est malade mais désire néanmoins prier, il s'acquittera de son devoir en faisant la prière raccourcie, et il pourra même la faire tout en marchant (ou en étant couché ou assis, s'il est malade ou se sent faible).

Il n'y a pas de honte à ressentir pour avoir fait une version abrégée des Shamônah ´asréh. Au contraire, non seulement elle est valable, mais en plus nos Sages reconnaissaient clairement qu'il pouvait y avoir de nombreuses situations ne nous permettant pas de faire l'intégralité des Shamônah ´asréh. En outre, mieux vaut faire une version abrégée des Shamônah ´asréh avec concentration que l'intégralité des Shamônah ´asréh sans concentration. En effet, nos Sages ont dit que celui qui prie par fardeau ou fait de sa prière une activité « fixe » (ce qui est expliqué dans le Yarousholmi comme le fait de faire sa prière comme si on lisait une lettre, c'est-à-dire de la pure récitation sans émotion), sa prière n'est même ps une prière, et il n'est donc pas quitte. Or, aujourd'hui, beaucoup de Juifs font les Shamônah ´asréh sans aucune concentration. Ils les récitent juste parce qu'ils doivent le faire, mais n'y accordent aucune importance ou attention. Certains même récitent les Shamônah ´asréh tout en regardant autour d'eux ce que font les autres, ou tout en tendant leurs oreilles vers les conversations des autres pour ne rien manquer de ce qui se dit autour d'eux. C'est une honte, et leurs prières ne sont pas des prières. Les choses seraient beaucoup plus claires et convenables si les gens savaient que la Halokhoh permet de s'acquitter de son devoir par des versions abrégées des Shamônah ´asréh. Et cela peut être fait toute l'année, car mieux vaut peu de paroles avec concentration que beaucoup sans concentration.

Vous pouvez retrouver ces deux alternatives aux Shamônah ´asréh dans la colonne de droite du blog, à la rubrique « Bénédictions et prières ».

1Barokhôth 4:3
2Barokhôth 4:3f
3L'hiver
4Yasha´yohou 65:24
5Tahillim 28:6
6Mishnoh, Barokhôth 4:4
7Talmoudh Bavli, Barokhôth 29b ; Talmoudh Yarousholmi, Barokhôth 4:4f
8Tahillim 28:6
9Barokhôth 4:4e
10Barokhôth 30a
11Hilkôth Tafilloh Ouvirakhath Kôhanim 2:2
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